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Aides aux entreprises - SRDE : le succès au bout de la discorde ?

Selon un recensement effectué par l'Institut supérieur des métiers, toutes les régions ont aujourd'hui adopté leur schéma régional de développement économique, à l'exception de la Martinique. Onze d'entre elles ont mis à jour leur régime d'aides aux entreprises, neuf autres sont sur le point de le faire.

Difficile, quand on est chef d'entreprise, d'y voir clair dans la jungle des 6.000 aides de toutes sortes recensées en France. Bonne nouvelle, les régions ont entrepris un grand élagage dans le cadre des schémas régionaux de développement économique (SRDE), avec un credo commun : "Plus de lisibilité !" L'observatoire des aides aux petites entreprises de l'Institut supérieur des métiers (ISM) vient de mettre en ligne sur son site un premier recensement du dispositif : seule une région, la Martinique, n'a pas encore adopté son SRDE. A l'exception de la Corse qui bénéficie d'une dérogation, dans les vingt-quatre autres, le processus est donc enclenché, malgré les vives réticences du début. Les SRDE ont été créés par la loi de décentralisation du 13 août 2004 à titre expérimental et pour une durée de cinq ans. Mais contrairement au projet initial, les régions ne se sont vu confier qu'un rôle de coordination de l'action économique sur leur territoire et non celui de "patron" qu'elles escomptaient. La déception des régions s'est accentuée avec une circulaire du 25 mars 2005 : l'Etat décide alors de ne déléguer aux régions que les aides individuelles, c'est-à-dire les aides aux entreprises, et non les aides collectives, seules susceptibles d'agir sur un secteur, une filière. Autre grief des régions : il n'est question que de délégation sous forme de convention avec l'Etat et non d'un réel transfert. Deux ans après, le président de l'Association des régions de France, Alain Rousset n'en démord pas : les SRDE sont les "scories à oublier de la loi de décentralisation", déclarait-il récemment.

 

Toilettage des aides aux entreprises

Pourtant, toutes les régions se sont pliées à l'exercice et force est de constater que les premiers résultats apparaissent. Le premier mérite des SRDE est d'avoir mis fin à une "logique de guichet" pour privilégier le financement de projets. "Auparavant, la région éditait un règlement avec des objectifs précis, et si l'entreprise répondait aux critères, elle pouvait bénéficier d'une aide, explique Jonathan Grandin, chargé de projet à l'observatoire des aides de l'ISM. Désormais, un comité se réunit et analyse le projet de l'entreprise dans son ensemble, ce qui permet à cette dernière de bénéficier d'aides qu'elle n'aurait pas envisagées d'elle-même." L'autre intérêt pour le chef d'entreprise est de disposer d'un interlocuteur unique.
Par ailleurs, les régions en profitent pour fixer un certain nombre de conditions notamment en matière de responsabilité sociale : développement durable, emploi, etc. En cas de non-respect de ses engagements, l'entreprise se voit dans l'obligation de restituer l'argent perçu.
Voilà pour le principe, mais le véritable progrès des SRDE est ce grand toilettage tant attendu. Tous les dispositifs préexistants (fonds de développement des petites et moyennes industries, fonds régional d'aide au conseil, aide au recrutement de cadres, aide de l'Etat au soutien à l'export, aides individuelles des fonds déconcentrés, etc.) sont amenés à fusionner, à l'exception des chèques-conseils et de Eden (Encouragement au développement des entreprises nouvelles). Selon l'observatoire, onze régions, parmi lesquelles Midi-Pyrénées, Poitou-Charentes, l'Alsace, le Centre ou encore Rhône-Alpes, ont déjà mis en place un nouveau règlement des aides. Neuf autres devraient l'avoir mis à jour d'ici juin 2007. La région Midi-Pyrénées, qui comptabilisait à elle seule une cinquantaine d'aides, vient ainsi d'annoncer un nouveau système fondé sur cinq contrats différents selon les besoins de l'entreprise.


Une "aide régionale à l'emploi d'insertion"

L'autre bonne surprise a été la participation des autres collectivités. Rien n'était acquis car les collectivités étaient libre de coopérer ou non.  Du côté de l'Assemblée des départements de France (ADF), on se garde bien pour le moment de porter un jugement définitif sur les SRDE, mais on leur reconnaît "un rôle crucial dans les relations entre les départements et les régions". Pourtant, selon l'observatoire, la quasi-totalité des départements ont contractualisé avec leur région au terme d'une longue phase de concertation, afin de déterminer les compétences de chacun en matière d'aides. Pour Jonathan Grandin, les SRDE vont ainsi "permettre d'éviter les redondances entres les aides régionales, départementales, celles des pays, des agglomérations, etc.". Ainsi en Auvergne, la région a transféré toutes ses aides à l'artisanat et au commerce aux départements. En contrepartie, ces derniers doivent se défaire des aides à la création d'entreprise, à la formation, etc. C'est sans doute en Haute-Normandie que le partenariat s'est le mieux concrétisé à travers un dispositif baptisé "276": la région a passé une convention avec ses deux départements, l'Eure (27) et la Seine-Maritime (76). La priorité a été de dépoussiérer les 170 aides recensées par un diagnostic. Aujourd'hui, les trois collectivités joignent leurs efforts au service d'une approche économique et sociale. Elles ont ainsi mis en place, ensemble, une "aide régionale à l'emploi d'insertion". Il s'agit d'une subvention de 7.200 euros accordée à chaque fois qu'une entreprise recrute en CDI une personne vivant avec les minima sociaux. Pour les départements, l'intérêt est également financier : mieux vaut subventionner un emploi durable que dépenser un RMI. "Tout n'est pas aussi vert que la pâture normande, concède Jean-Luc Carpentier, directeur adjoint délégué au développement durable au conseil général de l'Eure, mais le 276 est fondateur d'une harmonisation et d'une clarification de l'ensemble des politiques publiques que l'on retrouve notamment dans le contrat de projets Etat-région."

 

Michel Tendil