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Développement local - Sociétés publiques locales : vers la mise en oeuvre

La loi pour le développement des sociétés publiques locales (SPL) a été publiée au Journal officiel du 29 mai. Questions-réponses sur ce nouvel outil que les collectivités peuvent utiliser dès à présent avec Jean-Marc Peyrical (président de l'Apasp, maître de conférences Université Paris XI, avocat au barreau de Paris) et Catherine Proust-Desbonnet (Société Catherine Proust Conseils, consultante juridique et formatrice EPL - Apasp).

En quoi le nouveau statut de société publique locale (SPL) est-il différent de celui de la SPLA ?

Jean-Marc Peyrical : C'est le champ d'intervention qui permet de distinguer ces deux structures. En effet, autant le champ de la société publique locale d'aménagement (SPLA) se limite aux opérations d'aménagement – dans le sens de l'article L.300-1 du Code de l'urbanisme –, autant celui de la SPL apparaît particulièrement étendu. Outre les opérations d'aménagement, il comprend également les opérations de construction mais aussi l'exploitation de services publics industriels et commerciaux et "toutes autres activités d'intérêt général". Concrètement, une collectivité locale pourra, en toute légalité, confier à une SPL la construction et la gestion de logements sociaux, la prise en charge de travaux d'infrastructures routières, l'exploitation de parkings publics, de réseaux d'eau et d'assainissement, de transports publics… Sont en fait concernées toutes leurs compétences susceptibles d'être externalisées, le vocable "activité d'intérêt général" symbolisant l'ampleur des missions en cause.

Le législateur a profité de cette loi sur les SPL pour élargir quelque peu le champ de compétences des SPLA, qui deviennent compétentes pour réaliser des études préalables, procéder à toute acquisition et cession d'immeubles, procéder à toute opération de construction ou de réhabilitation immobilière en vue de la réalisation des objectifs énoncés à l'article L.300-1 du Code de l'urbanisme ou procéder à tout acquisition et cession de baux commerciaux, de fonds de commerce ou de fonds artisanaux dans les conditions prévues par ce code. Elles peuvent également être dotées du droit de préemption et de priorité et agir par voie d'expropriation. Clairement, les parlementaires ont voulu doter les SPLA de toutes les compétences susceptibles d'être dévolues à un aménageur.

Le régime applicable à ces deux sociétés est donc similaire sur les autres points ?

Jean-Marc Peyrical  : Le régime des deux structures est le même. Notamment, elles revêtent la forme d'une société anonyme composée d'au moins deux actionnaires, qui sont obligatoirement des collectivités territoriales ou des groupements de collectivités territoriales. Ainsi, et contrairement à ce qui a pu être dit ici et là, les établissements publics comme les hôpitaux, les universités ou les chambres de commerce et d'industrie ne pourront être membres d'une SPL. Par ailleurs, le texte précise que les SPL doivent exercer leur activité "exclusivement" pour le compte de leurs actionnaires. Ce caractère exclusif, qui n'était pas mentionné dans le texte applicable jusqu'à présent aux SPLA (article L.327-1 du Code de l'urbanisme), est désormais obligatoire tant pour les SPLA que pour les SPL.


Est-il préférable de recourir à une SPLA ou à une SPL pour une opération d'aménagement ?

Jean-Marc Peyrical  : Par le fait que les SPLA, comme on vient de le voir, sont dotées des compétences suffisantes pour réaliser les opérations d'aménagement, et que les collectivités actionnaires n'ont pas besoin de leur confier d'autres missions, le recours à la SPL ne paraît pas vraiment justifié.
Catherine Proust-Desbonnet : Il le sera seulement dans le cas de figure où la structure aura à réaliser des opérations d'aménagement suivies de l'exploitation d'un service public réalisé dans le cadre de cet aménagement, par exemple la gestion d'un parking. Il faudra prévoir alors dans l'objet social de la SPL, la gestion d'un service public industriel ou commercial.


Les SPL peuvent notamment exploiter des services publics comme l'eau ou l'assainissement sans respecter la loi Sapin. Ne s'exposent-elles pas à un risque juridique ?

Jean-Marc Peyrical : Comme les SPLA, les SPL obéissent au mécanisme du "in house". En d'autres termes, leurs actionnaires n'ont pas à les mettre en concurrence, dès lors que, d'une part, ils exercent sur elles un contrôle comparable à celui qu'ils exercent sur leurs propres services, et que, d'autre part, la structure travaille essentiellement (exclusivement, même, dans le nouveau texte de loi) pour leur compte. Le respect de ces deux critères est essentiel pour que la légalité du recours à la SPL ne soit pas remise en cause, tant sur le plan du droit interne que du droit communautaire. Ajoutons tout de même que les SPL n'échapperont pas à une mise en concurrence pour la passation de leurs propres marchés dès le moment où ceux-ci seront soumis à l'ordonnance du 6 juin 2005.

On peut cependant s'interroger sur le respect par ces nouvelles structures du droit de la concurrence issu du Code de commerce et notamment de ses articles L. 420-1 et -2. Une SPL qui se verrait confier sans mise en concurrence des missions très étendues en aménagement, en construction et en gestion de service public ne pourrait-elle se voir accuser d'être dans une situation de position dominante abusive ? Il faudrait dans ce cas démontrer que son positionnement empêche l'accès à un marché concurrentiel à des entités susceptibles d'intervenir dans le même domaine. La réponse à cette question n'est pas évidente, notamment si l'on prend en compte, d'une part, le fait que les SPL doivent elles-mêmes respecter les procédures de mise en concurrence pour leurs propres contrats et, d'autre part, que le procédé de la SPL traduit avant tout un mode d'organisation et de gestion des affaires publiques dont le choix relève du pouvoir discrétionnaire de chaque structure publique. Maintenant, le débat existe et il ne peut qu'être conseillé aux collectivités locales de manier cet outil avec précaution, de bien encadrer et justifier son utilisation.

Peut-on mettre à disposition d'une SPL des personnels d'une collectivité ?

Jean-Marc Peyrical :  La loi du 2 février 2007 a modifié le droit de la mise à disposition des fonctionnaires qui est la situation dans laquelle ledit fonctionnaire demeure dans son cadre d'emploi, continue à percevoir la rémunération correspondante mais exerce ses fonctions hors de ce cadre d'emploi.
Depuis cette loi, une plus grande souplesse a été apportée à ce dispositif puisqu'un fonctionnaire peut être mis à disposition d'un ou de plusieurs organismes pour y effectuer tout ou partie de son service ; la limite est que l'agent concerné ne soit pas exclusivement affecté à l'exercice des missions de service public confiées à la SPL. Cette disposition vaut aussi bien pour les SPL que pour les SPLA ou les Sem. Cette mise à disposition devra dans la majorité des cas être précédée de la saisine de la commission de déontologie. Elle devra être accompagnée d'une convention entre la collectivité et la SPL et donner lieu à remboursement de la rémunération de la part de cette dernière. Le détachement d'un fonctionnaire auprès d'une SPL est également possible, comme pour les Sem et les SPLA.

Comment transformer une Sem en SPL ? 

Catherine Proust-Desbonnet : Une SPL peut être créée ex nihilo ou par transformation d'une SEM existante. Dans la mesure où cette dernière a obligatoirement des actionnaires autres que des collectivités ou groupement de collectivités à son capital, il conviendra que ce groupe d'actionnaires autres que les collectivités ne soit plus présent au capital de la SPL. Les actions appartenant à ce groupe d'actionnaires devront faire l'objet d'une évaluation avant d'être rachetées par les collectivités déjà actionnaires ou par de nouvelles collectivités. Comme dans le cas d'une transformation d'une Sem en SPLA, la personnalité juridique de la structure demeure. Il conviendra seulement de modifier les statuts et de procéder aux formalités légales et réglementaires en vigueur.

Une SPL peut-elle commencer avec deux collectivités au capital et en ajouter d'autres par la suite ? 

Catherine Proust-Desbonnet : La loi impose au minimum deux actionnaires collectivités ou groupement de collectivités au capital d'une SPL. Il est donc tout à fait possible de créer une structure avec ces deux actionnaires minimum, le cas le plus courant étant la présence d'une communauté de communes ou d'une communauté d'agglomération et de communes membres ou pas de cette communauté. Dans la mesure où une SPL peut travailler pour chacun de ses actionnaires dans le cadre d'une relation "in house", uniquement si les conditions "in house" sont strictement observées, il se peut que de nouvelles collectivités souhaitent intégrer le capital afin de pouvoir lui confier des missions. Il conviendra dans ce cas de figure soit de procéder à une augmentation de capital avec de nouveaux actionnaires collectivités, soit de procéder à la vente d'actions par une et/ou les deux collectivités d'origine à une ou plusieurs nouvelles collectivités. Dans les deux cas de figures, il faudra valoriser les actions et procéder aux formalités légales.

L'Apasp

 

Référence : loi 2010-559 du 28 mai 2010 pour le développement des sociétés publiques locales . 

 

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