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Médicosocial - Services à la personne : un bilan contrasté pour les aides publiques

Alors que le gouvernement se prépare à "raboter" les mesures d'incitation sociale en faveur des services à la personne, Joseph Kergueris, sénateur du Morbihan, vient de remettre un rapport réalisé au nom de la délégation sénatoriale à la prospective et intitulé "Services à la personne : bilan et prospective". Ce rapport s'appuie largement sur un exercice de prospective réalisée pour le compte du Sénat par le Bipe (Bureau d'information et de prévisions économiques). Si l'on se réfère à l'enthousiasme qui prévalait lors du lancement du plan Borloo en 2005, force est de constater que les perspectives évoquées à l'époque - création de 500.000 emplois en trois ans et entrée dans une ère d'"industrialisation" des services à la personne - sont quelque peu retombées. Pour autant - et malgré l'impact de la crise économique - le secteur reste dynamique et pourvoyeur d'emplois et pourrait bientôt représenter 1% de la valeur ajoutée de l'économie.
La rapport recense 82.000 créations d'emplois (équivalents temps plein) entre 2006 et 2008, soit cinq fois moins que le chiffre espéré. Mais, dans un contexte de difficultés économiques, le secteur n'en reste pas moins porteur, comme en atteste sa part dans l'emploi total, passée de 3,5% en 2005 à 3,7% en 2008. Et le vieillissement de la population lui offre des perspectives intéressantes pour les prochaines décennies.
S'il valide ainsi l'intérêt social et macroéconomique des services à la personne, le rapport de la délégation sénatoriale à la prospective est en revanche beaucoup plus critique sur l'organisation et le financement du secteur. Ce dernier se caractérise en effet par l'existence d'un soutien public massif, passé de 10 milliards d'euros en 2005 à 16 milliards en 2010. Ce soutien public est en outre complexe et dispersé, puisque le rapport recense pas moins de 18 dépenses (ou niches) fiscales ou sociales, dont la plus importante est le crédit d'impôt pour l'emploi d'un travailleur salarié à domicile (3 milliards d'euros en 2009). Même si le chèque emploi service universel (Cesu) constitue une avancée importante, le dispositif "se prête à de multiples combinaisons, d'où une certaine illisibilité de la prise en charge". Une autre critique porte sur la structuration trop lente de l'offre. Malgré la dynamique enclenchée par les organismes et entreprises prestataires, l'"industrialisation" est loin d'être une réalité, puisque l'emploi direct par des particuliers représente encore 70% des heures travaillées. Enfin - et c'est là où le rapport apporte le plus d'éléments nouveaux - la performance du secteur est "mal évaluée et probablement contrastée". La délégation à la prospective observe en effet que "le coût public du soutien aux SAP croît plus vite que leur activité". Conséquence : en 2008, la valeur ajoutée du secteur atteignait 15 milliards d'euros, pour un soutien public de 14 milliards d'euros, ce qui suggère des effets de levier limités. Le rapport estime également à 50.000 euros par an le coût brut de chaque création d'emploi entre 2006 et 2008, "ce qui préjuge d'effets d'aubaine massifs, même si cette mesure globale ne discrédite pas le volet social d'une politique destinée partiellement à des publics fragiles, peu solvables". Les incitations fiscales et sociales ont eu en revanche un effet positif, dans la mesure où elles ont contribué à réduire le travail dissimulé.
La dernière partie du rapport se livre, sur la base des travaux du Bipe, à un exercice de prospective. Celui-ci s'appuie sur les perspectives sociodémographiques (qui devraient se traduire par un moindre poids de la dépendance à court terme, avant une reprise de plus belle) et sur trois scénarios à l'horizon 2020 : poursuite de la tendance actuelle, recours accru aux services à la personne ou moindre recours. Il se dégage de l'exercice que "les scénarios pour 2020 tendent à établir la soutenabilité globale de l'aide publique aux SAP, même 'de confort', grâce aux marges issues d'un recul de la dépendance et, semble-t-il, d'un moindre coût au regard de services alternatifs rendus collectivement". Cette période devrait être mise à profit pour encourager l'"industrialisation" du secteur et recalibrer certaines niches fiscales à forts effets d'aubaine". En revanche, "en vue du retour au plein emploi attendu dans les années 2020, il faudra réduire sensiblement les aides aux services de confort, même si leur productivité devait stagner". Il faudra également différencier davantage les services de confort et ceux s'adressant aux publics fragiles.


Jean-Noël Escudié / PCA
 

 

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