Cour des comptes - Service civique : après une montée en charge réussie, l'Etat interpellé sur ses objectifs
La Cour des comptes consacre une partie de son rapport 2018, publié ce 7 février, au service civique. Et l'intitule ainsi : "Le service civique : une montée en charge réussie, un dispositif mal financé aux effets mal connus".
Une mobilisation "soutenue" de l'Etat, des collectivités "en retrait"
Les Sages de la rue Cambon saluent en effet dans un premier temps la "hausse rapide des effectifs du service civique", rendue possible "par une mobilisation soutenue de l’administration d’Etat". En 2014, le nombre de volontaires était de 35.000 ; il aura presque quadruplé s'il atteint les 135.000 fin 2017 - on comptait 92.000 volontaires en 2016.
Pour atteindre ce résultat honorable par rapport aux engagements pris au sommet de l'Etat - le chiffre de 150.000 est évoqué mais c'est plutôt l'objectif de "stabilisation" de l'actuel gouvernement (voir notre article du 28 septembre 2017), François Hollande avait pour ambition d'atteindre 350.000 jeunes en 2018 -, le secteur public s'est "inégalement mobilisé". La cour souligne le succès des "grands programmes ministériels", ayant permis d'accueillir 23.000 volontaires en 2016 dont 10.000 au sein de l'Education nationale. A l'inverse et en dépit des "liens [noués] avec les associations d’élus locaux", "le secteur public local reste en retrait". "Une dizaine seulement de collectivités proposaient plus de cent missions en 2016", illustre le rapport.
La cour appelle à partager davantage l'effort financier
La Cour des comptes estime par ailleurs que l'Etat ne devrait pas supporter seul le coût du dispositif - qui serait de l'ordre de 448 millions d'euros en 2018, après 385 millions en 2017. Elle n'est pas favorable à "la mise à disposition des volontaires totalement gratuite", susceptible selon elle de "créer une accoutumance porteuse de risque pour le mouvement associatif". Et propose d'"adapter le niveau de l’indemnité forfaitaire aux conditions matérielles de la mission" ou encore de "développer le recours aux fonds privés ou publics d’autres collectivités".
Sur le premier point, le ministre de l'Education nationale, Jean-Michel Blanquer, pointe le risque de confusion avec le salariat. Sur le second, il répond que les possibilités de diversification des ressources sont limitées puisque les indemnités des volontaires et les aides liées au tutorat et à la formation - soit 93 % du budget de l’Agence du service civique - "doivent être impérativement prises en charge par l’Etat ou l’agence". Le ministre souligne toutefois que des collectivités contribuent à la "mise en œuvre du programme" en finançant des "actions spécifiques en direction des volontaires" (frais de transport ou encore formation Bafa-BAFD).
Consolider les objectifs et l'évaluation pour "asseoir la crédibilité du dispositif"
Enfin, la Cour des comptes considère que les objectifs du dispositif "restent flous" et que l'évaluation fait actuellement défaut. Elle met l'accent sur "la diversité des domaines d’action et des structures d’accueil" qui rend particulièrement difficile le contrôle de la conformité des "80.000 missions en cours" aux principes du service civique.
Estimant que l'objectif de mixité sociale n'est pas atteint, les magistrats recommandent d'"introduire des objectifs" précis en la matière dans les conventions signées avec les structures accueillant beaucoup de volontaires.
L'évaluation des effets du service civique sur les bénéficiaires est également jugée insuffisante. De l'avis de la cour, il convient désormais d'"asseoir la crédibilité du dispositif sur des bases objectives", notamment à travers des enquêtes de suivi de cohortes de volontaires. "Le prochain contrat d’objectifs et de performance [2018-2020] prévoit notamment des indicateurs relatifs au suivi des jeunes en situation de décrochage scolaire, des jeunes en situation de handicap ou disposant de moins d’opportunités", répond Jean-Michel Blanquer.
Plus globalement, mentionnant la perspective du service national obligatoire, la Cour des comptes invite l'Etat à s'octroyer "une période de réflexion" sur l'avenir du service civique.