Archives

Du service national "obligatoire" au service national "universel" : Emmanuel Macron assouplit le cadre de son projet

Le président de la République a confirmé, dans ses voeux du 30 janvier aux forces vives de la Nation, sa volonté de mobiliser les jeunes dans leur diversité "autour d'un engagement commun". Son service national est toutefois devenu "universel", alors que les obstacles financiers et techniques d'un service obligatoire sont pointés. Plusieurs scénarios sont évoqués, tels qu'un parcours citoyen effectué dans le cadre scolaire et sur plusieurs années. Le service civique pourrait également bien refaire surface dans les discours officiels. En vue de la prochaine réforme constitutionnelle, Emmanuel Macron a par ailleurs appelé de ses voeux une "décentralisation de projets" et un Conseil économique, social et environnemental passerelle entre les citoyens et les pouvoirs publics et aux effectifs réduits de moitié.

"Le service national universel sera ce moment où la République dira à notre jeunesse que la voie de l'engagement pour les autres est la plus sûre manière de se réaliser soi-même." Le 30 janvier dernier, lors de ses vœux aux bureaux des assemblées, aux corps constitués, aux forces vives et aux héros de l'année 2017, le président de la République a réaffirmé son intention de mettre en place un service national pour les jeunes Français.
A noter, cependant, que les termes ont changé. Emmanuel Macron ne parle désormais plus de "service national obligatoire" mais de "service national universel". "Ce service national universel offrira à la jeunesse de France des causes à défendre, des combats à mener dans le domaine social, environnemental, culturel", a esquissé le chef de l'Etat.

Le service national universel sera-t-il le prolongement du service civique universel ?

Ces deux aspects - la dimension "universelle" et l'engagement sur des enjeux de société - font beaucoup penser au service civique. On se souvient que le service civique avait vocation, pendant le mandat de François Hollande, à devenir non pas obligatoire mais universel, c'est-à-dire accessible à tous ceux qui auraient souhaité s'y engager. "Ce n'est pas le ministère des Armées qui portera seul ce service national universel", ce dernier "engagera plusieurs ministères", a en outre glissé l'actuel chef de l'Etat. 
La seule différence importante qui semble se dessiner, à ce stade, entre le projet du président Macron et celui de son prédécesseur, c'est l'ambition d'impliquer et de mixer - au moins dans la philosophie générale - tous les jeunes d'une classe d'âge. "Il ne s'agit pas de réinventer le service militaire", mais de donner aux jeunes "la possibilité de se réunir autour d'un engagement commun en abattant toutes les barrières sociales", a-t-il précisé. Un groupe de travail devra rendre ses conclusions en avril. "Beaucoup disent que c'est impossible à faire", a soulevé Emmanuel Macron. Avant d'ajouter que ces réserves étaient plutôt de nature à raffermir sa volonté.

Un service national obligatoire coûterait entre 2,4 et 3,1 milliards d'euros par an en fonctionnement

Des réserves se sont certes exprimées, mais il semble qu'elles concernent davantage le projet initial du candidat Emmanuel Macron, celui d'un service national d'un mois obligatoire pour tous les jeunes entre 18 et 21 ans. Le choix de ses termes actuels laisse à penser que le président de la République aurait déjà pris en considération les difficultés soulevées.
En effet, le rapport commandité par le Premier ministre en septembre à cinq inspections générales (administration, armées, finances, éducation, jeunesse et sports) mettrait l'accent sur les "contraintes", la "complexité" et le "coût" d'un nouveau service national obligatoire, a révélé Les Echos le 4 février. Le coût de fonctionnement annuel serait estimé dans ce rapport entre 2,4 et 3,1 milliards d'euros, sans compter un investissement initial de 3,2 à 5,4 milliards d'euros dans les centres d'hébergement si l'option de l'hébergement des jeunes était retenue. Par comparaison, le budget de l'Etat dédié au service civique voté pour l'année était de 385 millions d'euros en 2017 et serait de 448 millions en 2018".
Outre la question des moyens matériels et humains nécessaires, les inspections exprimeraient "d'importantes réserves" sur "le caractère obligatoire de ce service" - évoquant même une possible atteinte aux "libertés publiques" -, ainsi que sur "la possibilité d'entretenir un résultat significatif, en un mois, au regard des objectifs affichés".
Le rapport passerait en revue trois scénarios, toujours selon Les Echos : un mois effectué de façon continue, cinq journées de citoyenneté réalisées de façon discontinue associées à trois semaines d'"engagements" à définir, un parcours réalisé par le jeune entre 16 et 20 ans et mis en œuvre avec les établissements scolaires. Une option similaire a par ailleurs retenu l'attention de députés favorables à l'idée d'organiser ce parcours entre l'âge de 11 à 17 ans, à raison d'une semaine par an, en mobilisant les armées, les associations ou encore les services de secours, avait ainsi précisé Sacha Houlié, député LREM, le 4 janvier sur RTL.  

Pour le COJ, il faudra d'abord convaincre les jeunes de la valeur ajoutée du SNU dans leur parcours  

Tout en mentionnant les "fortes réserves" de ses "jeunes membres" sur l'idée d'un service national universel (SNU), le Conseil d'orientation des politiques de jeunesse (COJ) a également envisagé différents scénarios dans un rapport rendu récemment public. Le premier scénario s'appuierait sur les dispositifs existants : la journée défense et citoyenneté - sous sa forme actuelle ou "élargie à plusieurs jours" -, assortie d'un volet facultatif d'engagement de bénévolat ou de service civique. Deuxième option : deux premières semaines communes à tous les jeunes, suivies de deux autres semaines adaptées au profil et aux envies de chaque jeune (dispositif d'engagement général ou dispositif d'insertion de la Défense…). Troisième scénario : quatre semaines permettant d'aborder les thématiques d'engagement et de citoyenneté, d'insertion, mais aussi de défense. Le dernier scénario correspondrait à un pur "service national militaire" d'un mois centré sur la défense et l'apprentissage militaire.
Quelle que soit la formule retenue, le COJ insiste sur le fait que le futur SNU devra démontrer de façon claire sa "valeur ajoutée" pour les jeunes et être "créateur de droits et de compétences" reconnus.

 

Une "décentralisation des projets" et un Cese reformaté au menu de la réforme constitutionnelle
Au sujet de la prochaine réforme constitutionnelle, Emmanuel Macron a appelé de ses vœux une "décentralisation beaucoup plus profonde" qui ne serait plus tant celle des "compétences" que celle des "projets" et des "initiatives". De façon "pragmatique", cette "décentralisation des projets" passerait par une révision des articles 72, 73 et 74 de la Constitution destinée à favoriser davantage la "flexibilité" et l'"expérimentation".
Le chef de l'Etat en a dit par ailleurs un peu plus sur le volet de la réforme qui a trait au Conseil économique, social et environnemental (Cese). L'assemblée représentative de la société civile organisée verrait le nombre de ses membres réduit de moitié - elle est aujourd'hui composée de 233 conseillers, désignés pour cinq ans. Dans la nouvelle configuration esquissée par Emmanuel Macron, le gouvernement ne nommerait plus de membres - dits aujourd'hui "personnalités qualifiées ou associées". Le Cese deviendrait le "canal privilégié de la participation des Français à la décision publique". Il serait ainsi chargé de centraliser les signatures des pétitions citoyennes sur une plateforme et à les transmettre, au-delà d'un certain seuil de signatures - 500.000, éventuellement -, au gouvernement et aux commissions compétentes de l'Assemblée nationale. Le Cese se verrait aussi confier par le gouvernement "l'organisation de consultations publiques sur tout projet de réforme". Il devrait dans ce cadre "rechercher la participation du plus grand nombre, organisations comme citoyens" et recourir à des expertises indépendantes. La "chambre du futur" aurait, comme ce nom l'indique, vocation à se prononcer d'abord sur "les impacts à long terme [des] projets de loi".