Sécurité routière : le gouvernement veut durcir les sanctions

À l'issue d’un comité interministériel de la sécurité routière tenu ce 17 juillet, la Première ministre et les ministres de l’Intérieur et de la Justice ont annoncé différentes mesures, les plus emblématiques ayant trait à l’aggravation des sanctions encourues par les "conduites dangereuses", avec notamment la création d’une qualification d’"homicide routier". Plusieurs autres concernent très directement les collectivités territoriales.

Sortant d’un comité interministériel de la sécurité routière – qui ne s’était plus réuni depuis celui de 2018, resté célèbre pour les "80 km/h" (voir notre article du 10 janvier 2018) –, Élisabeth Borne, accompagnée des ministres de l’Intérieur et de la Justice, a annoncé ce 17 juillet lors d’une conférence de presse plusieurs mesures en matière de sécurité routière. Si elle a indiqué en préambule que la sécurité routière avait enregistré début 2023 "un des meilleurs résultats" de son histoire, la Première ministre a mis en exergue les 3.267 personnes décédées l’an dernier suite à un accident de la route et a notamment appelé à "davantage de fermeté pour ceux qui mettent la vie des autres en danger".

"Davantage de fermeté contre les conduites dangereuses"

• Mesure la plus "symbolique", est proposée la création d’un nouveau délit d’"homicide routier" (et son pendant pour les "blessures routières"), en lieu et place de l’actuel "homicide involontaire". Il vise "tout conducteur qui tue une personne sur la route, qu’il ait ou non consommé de l’alcool ou des stupéfiants", précise Élisabeth Borne. Le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, souligne que cette infraction, "désormais autonome", "sera détachée des autres homicides involontaires" pour en faire une "infraction spécifique", jugeant "qu’il n’y a rien d’involontaire à consommer des produits stupéfiants, rien d’involontaire à consommer de l’alcool" et que parler d’homicide involontaire en l’espèce est "insupportable". "Si l’auteur des faits n’a en effet pas eu l’intention d’attenter à la vie de la personne décédée, c’est bien volontairement qu’il a pris la route après consommation de substances dont il savait qu’elles sont incompatibles avec la conduite, ou encore volontairement qu’il a commis une infraction (feu rouge grillé, vitesse excessive, etc.)", argue le dossier de presse.

• Particulièrement dans le viseur, les conducteurs sous emprise de l’alcool ou de stupéfiants. Le ministre de l’Intérieur a précisé qu’en pareil cas, le préfet devra automatiquement suspendre administrativement le permis de conduire du contrevenant, ne pouvant plus moduler que la durée de la suspension ("entre 6 mois et 1 an"). Et en cas de cumul (stupéfiants plus alcool), l’immobilisation du véhicule sera systématique et 8 points, et non plus 6, seront retirés du permis. Au-delà de la saisie, le garde des Sceaux a précisé que le tribunal pourra "confisquer le véhicule", "qui sera revendu à l’Agrasc" (agence de recouvrement des avoirs saisis et confisqués). Le conducteur sous l’emprise de stupéfiants devra en outre suivre obligatoirement un stage.

• Également dans le viseur, les infractions de grande vitesse (+de 50km/h au-dessus de la vitesse autorisée), que le garde des Sceaux entend également "éradiquer". "C’était une contravention, cela va devenir un délit", a-t-il prévenu, indiquant qu’on en recensait "41.000 en 2019 et 72.000 en 2022"  - 39.960 et 70.485 selon l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière (Onisr). "Il est temps que nous disions stop !", lance-t-il.

• Autre nouveau délit annoncé, celui de "dénonciation frauduleuse du conducteur auteur d’une infraction", visant, selon Éric Dupond-Moretti, "ces petits malins qui, pour ne pas perdre de points, dénoncent la grand-mère ou le grand-père. Ça s’est fini. Chacun doit assumer sa responsabilité ".

• La Première ministre a par ailleurs fait part de sa volonté de "mieux détecter, évaluer et suivre les inaptitudes à la conduite". "Nous allons permettre la suspension du permis le temps d’une vérification médicale d’aptitude à la conduite dès lors qu’une infraction aura un problème médical pour origine présumée".

• En revanche, le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a confirmé que le dépassement de moins de 5km/h de la vitesse autorisée ne donnera plus lieu à retrait de points, mais seulement au paiement d’une amende – "il ne s’agit pas de dépénaliser" –, à compter du 1er janvier 2024. 

Améliorer l’éducation routière, mieux accompagner les victimes

La Première ministre a par ailleurs fait part de différents objectifs. 

D’abord, "améliorer l’éducation routière des plus jeunes", notamment via le renforcement des actions de formation au collège pour faire de l’attestation scolaire de sécurité routière de niveau 2 (ASSR2) délivrée en classe de troisième un "précode de la route", mesure déjà annoncée (voir notre article du 21 juin).

Ensuite, "soutenir l’engagement autour de la sécurité routière" via différentes actions, allant du "renforcement des moyens aux associations" aux "infrastructures plus sûres", en passant par "un travail étroit avec les employeurs concernant les trajets domicile-travail". Mais aussi "simplifier la vie des usagers sur les routes". Au menu, simplification de l’immatriculation, avec l’extension du dispositif "Simplimmat" à tout le territoire d’ici l’automne, "dématérialisation du permis de conduire en 2024" – Gérald Darmanin précisant qu’"il y aura toujours un permis physique" –, ou encore suppression au 1er avril 2024 de l’apposition de la vignette assurance sur le véhicule, les forces de l’ordre pouvant consulter à la place le fichier des véhicules assurés.

Enfin, "mieux accompagner les victimes". Dans le prolongement d’une circulaire interministérielle du 2 décembre 2022 relative "à l’annonce du décès et au traitement respectueux du défunt et de ses proches", un accompagnement des proches des victimes, singulièrement afin de renforcer leur droit à l’information, devra être mis en place au niveau départemental dans le cadre des comités locaux d’aide aux victimes (CLAV). 

Les collectivités parties prenantes

Les collectivités ne sont pas ignorées par le dispositif. On relèvera ainsi la volonté affichée du gouvernement de rendre obligatoire la communication aux collectivités du bilan de l’accidentalité sur le réseau routier relevant de leur compétence.

Elles ne seront en outre pas désœuvrées. Le gouvernement entend ainsi "inciter les collectivités gestionnaires du réseau routier à équiper les routes hors agglomération à chaussée bidirectionnelle qui supportent un niveau important de trafic routier et/ou trafic poids lourds de dispositifs d’alerte sonore" afin de prévenir le conducteur en train de sortir de sa trajectoire normale de conduite.

Parmi les pistes proposées, figurent également l’expérimentation "avec des collectivités locales volontaires" de la méthode du "tourne-à-gauche indirect" pratiquée au Danemark pour les cyclistes et usagers d’engins de déplacement personnel motorisés ou encore l’invitation à participer à une concertation avec les acteurs du vélo-cargo dans le but d’introduire des règles spécifiques de circulation et de stationnement au code de la route visant ces engins. 

Signalons encore la volonté de rendre obligatoire le 30 km/h en ville dans les rues sans trottoir (ou avec trottoirs, mais non réglementaires), "d’étudier la faisabilité juridique, technique et opérationnelle d’un nouveau dispositif permettant de détecter et de sanctionner le non-respect du corridor de sécurité" pour protéger les intervenants sur les routes (agents des gestionnaires routiers, forces de sécurité, etc.) ou encore de préciser le contexte d’emploi des chaussées à voie centrale banalisée.

 

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