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Santé - Salles de consommation à moindre risque : mesure sans lendemain ou changement d'approche ?

Marisol Touraine a inauguré, le 11 octobre, la première salle expérimentale de consommation à moindre risque, pour les usagers de drogues injectables ou inhalables. Après avoir été un temps envisagée sur une emprise de la SNCF, dans un local géré par cette dernière, la salle a finalement été installée dans les locaux de l'hôpital Lariboisière, dans le 10e arrondissement de Paris. Si elle fait ainsi partie d'un ensemble hospitalier, la salle - d'environ 450 m2 - bénéficie néanmoins d'un accès autonome sur la rue et ne communique pas avec l'intérieur de l'hôpital.

Un parcours semé de vicissitudes

Si la possibilité d'une expérimentation a officiellement été introduite par la loi Santé du 26 janvier 2016 (voir notre article ci-contre du 9 février 2016), le projet remonte en réalité à 2009, avec l'adoption d'une délibération du conseil de Paris en décembre. Il a connu ensuite diverses vicissitudes : refus de François Fillon, alors Premier ministre, coup de frein du Conseil d'Etat, qui demande au gouvernement de passer par une loi afin de "sécuriser juridiquement" le dispositif (voir notre article ci-contre du 10 octobre 2013), retrait de la subvention prévue par la région, sans oublier les diverses manifestations et oppositions autour du thème des "salles de shoot".
Au final, l'ouverture de la salle a été financée par la ville de Paris, l'assurance maladie assurant en revanche son fonctionnement en tant que Caarud (centre d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues). La gestion du lieu est assurée par l'association Gaïa, qui gère deux établissements médicosociaux dans le domaine de la prévention et du soin en addictologie et toxicomanie, ainsi que plusieurs programmes d'échange de seringues.
Ouverte de 13h30 à 20h30, la salle est réservée aux toxicomanes majeurs, qui doivent commencer par s'inscrire de manière anonyme à l'accueil. Ceux-ci s'injectent ou inhalent des produits qu'ils ont eux-mêmes apportés : héroïne, crack, sulfate de morphine, mais aussi médicaments de substitution. Les douze boxes disponibles sont surveillés par du personnel qualifié. Le matériel d'injection est fourni sur place, afin de limiter le risque de transmission de maladies infectieuses.

Une seconde salle bientôt à Strasbourg

Le temps de consommation est de trente minutes, durée de préparation comprise. Un espace de repos est ensuite mis à disposition des usagers, qui peuvent y rencontrer des professionnels médicaux et sociaux susceptibles de leur proposer de l'aide. Sur un plan juridique, le centre et ses abords bénéficient d'une sorte de "no man's land", police et justice renonçant à intervenir malgré la commission évidente de délits.
A ce jour, un seul autre projet de SCMR semble aujourd'hui relativement avancé. Il concerne la ville de Strasbourg, où le dispositif doit être prochainement installé au sein du nouvel Hôpital civil.
Il existerait en revanche environ 86 salles de même type dans sept pays européens, mais principalement aux Pays-Bas (31), en Allemagne (24), en Suisse et en Espagne (12 chacun). Avec des résultats jugés plutôt satisfaisants (réduction des décès par overdose, ralentissement de la transmission des maladies infectieuses...).
L'expérimentation parisienne est prévue pour une durée de six ans, soit jusqu'en 2022. Une évaluation du dispositif est prévue, six mois avant la fin de l'expérience.