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Santé - Deux arrêtés autorisent l'expérimentation de "salles de shoot" à Paris et Strasbourg

Deux arrêtés du 25 mars 2016 autorisent, à titre expérimental et pour une durée de six ans, la mise en en place d'"espaces de réduction des risques par usage supervisé" à Paris et à Strasbourg. Il s'agit de la mise en œuvre des "salles de consommation à moindre risque" (SCMR), prévues par l'article 43 de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé et communément - et improprement - appelées "salles de shoot" (voir notre article ci-contre du 9 février 2016). Les opérateurs retenus sont l'association Gaia à Paris, qui gère notamment un centre d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques (Caarud), et l'association Espace Indépendance à Strasbourg, qui gère le même type de structure.

Une création en concertation avec la commune

L'article 43 de la loi Santé précise notamment que "ces espaces sont destinés à accueillir des personnes majeures usagers de substances psychoactives ou classées comme stupéfiants qui souhaitent bénéficier de conseils en réduction de risques dans le cadre d'usages supervisés mentionnés à l'article L.3411-8 du même code. Dans ces espaces, ces usagers sont uniquement autorisés à détenir les produits destinés à leur consommation personnelle et à les consommer sur place dans le respect des conditions fixées dans le cahier des charges [...] et sous la supervision d'une équipe pluridisciplinaire comprenant des professionnels de santé et du secteur médicosocial, également chargée de faciliter leur accès aux soins". Cette activité doit intervenir "dans des locaux distincts de ceux [que l'organisme] utilise pour ses autres missions".
La création de ces espaces - pour l'instant limités à Paris et Strasbourg, mais qui pourraient s'étendre à d'autres grandes villes volontaires - est prise par le ministre de la Santé, après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (ARS), mais aussi "en concertation avec le maire de la commune concernée et, à Paris, Lyon et Marseille, en concertation avec le maire d'arrondissement ou de secteur concerné".
On se souvient d'ailleurs que le premier projet de création d'une salle de ce type résultait d'une initiative de la ville de Paris, s'inspirant elle-même de dispositifs déjà déployés dans d'autres pays (Allemagne, Australie, Canada, Espagne, Danemark, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas et Suisse). Cette initiative avait toutefois été stoppée par un avis du Conseil d'Etat, considérant que le principe d'un tel dispositif devait faire l'objet d'une disposition législative (voir notre article ci-contre du 10 octobre 2013). L'ajout de Strasbourg pour cette première expérimentation évite de donner l'impression que le problème ne concerne que la capitale.

Prévenir les risques sanitaires

Dans un communiqué du 25 mars, Marisol Touraine rappelle les objectifs des "salles de consommation à moindre risque" (SCMR) : éviter les infections, les surdoses mortelles et les autres complications sanitaires des usagers les plus marginalisés, permettre à ces usagers d'entrer en contact avec des professionnels du soin et de l'accueil médicosocial, pour les inciter notamment à se soigner et, enfin, améliorer la situation pour les riverains, dans des quartiers où les toxicomanes sont nombreux, en réduisant le nombre d'injections et la présence de seringues usagées dans l'espace public.
Face à certaines réactions hostiles, qui dénoncent le risque d'une banalisation de l'usage de drogues dures, la ministre de la Santé prend bien soin de préciser qu'"il ne s'agit en aucun cas de banaliser la consommation de drogues. Mais fermer les yeux face à telle une réalité sociale et sanitaire ne fera pas disparaître le problème. La France fait donc le choix d'inclure plutôt que d'exclure. D'accompagner, plutôt que de stigmatiser".
Plus curieusement, le communiqué indique aussi que les deux arrêtés du 25 mars "fixent les modalités concrètes (présence du matériel médical, horaires d'ouverture, déroulement de la consultation d'accueil, etc.) que devront respecter les associations porteuses de projets de SCMR, en lien avec les collectivités locales". En réalité, ces dispositions annoncées ne figurent pas dans les deux arrêtés, mais relèvent plutôt soit du cahier des charges national prévu par l'article 43 de la loi Santé, soit d'un cahier des charges spécifiques.

Jean-Noël Escudié/PCA

Références : arrêtés du 25 mars 2016 portant désignation du centre d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues Gaia pour la mise en place d'un espace de réduction des risques par usage supervisé à Paris et à Strasbourg (Journal officiel du 27 mars 2016).

 

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