Insertion - RSA : le juge administratif précise le cas de figure du conjoint à l'étranger ou en prison
Depuis la création du RSA il y a dix ans, le juge administratif est venu préciser à de nombreuses reprises ses modalités de mise en œuvre. La dernière intervention significative en la matière est la validation sous conditions, par le Conseil d'État, du principe d'activités bénévoles pour les bénéficiaires en contrepartie du versement de la prestation, clôturant ainsi le long feuilleton autour de la décision du conseil départemental du Haut-Rhin (voir notre article ci-dessous du 18 juin 2018). Deux arrêts, récemment publiés par le cabinet Landot & Associés viennent, à leur tour, préciser les modalités d'ouverture du droit à la prestation et de calcul de l'allocation dans deux cas de figure qui n'ont rien d'exceptionnel.
Un calcul spécifique des ressources lorsque le conjoint réside à l'étranger
Une décision du Conseil d'État du 18 juillet 2018 éclaircit ainsi les conditions de prise en compte des revenus du conjoint dans la détermination du droit au RSA et le calcul du montant de la prestation, lorsque l'un des membres du foyer a sa résidence à l'étranger. En l'espèce, Mme B... contestait les modalités de calcul de son allocation de RSA auprès de la présidente du département de Paris. Plus précisément, la requérante contestait le refus du département de revoir le calcul de sa prestation, dans la mesure où elle ne prenait pas en compte le fait que le conjoint de Mme B... - dont elle n'est pas séparée - vivait en Tunisie.
Dans sa décision, le Conseil d'Etat rappelle que l'ensemble des ressources du foyer doit, en principe, être pris en considération pour le calcul de l'allocation de revenu de solidarité active. Toutefois, il considère que "lorsque l'un des membres du foyer ne peut être pris en compte pour le calcul du revenu garanti du fait de sa résidence à l'étranger, il convient de prendre en considération non l'ensemble de ses ressources, mais les sommes qu'il verse au bénéficiaire du revenu de solidarité active ou les prestations en nature qu'il lui sert, au titre, notamment, de ses obligations alimentaires".
Le conjoint en prison vaut condition d'isolement
La seconde jurisprudence de la justice administrative est plus ancienne. Il s'agit en effet d'une décision du tribunal administratif (TA) de Melun en date du 28 décembre 2017. Elle précise la détermination de la condition d'isolement du bénéficiaire ou du demandeur du RSA, lorsque son conjoint est en prison. Cette condition est importante, dans la mesure où elle peut avoir un impact sur l'octroi et sur le montant de la prestation (RSA majoré).
Dans l'affaire jugée par le TA de Melun, le président du conseil départemental de Seine-et-Marne avait refusé à Mme A... - ressortissante d'un pays extérieur à l'Union européenne - le bénéfice du RSA. L'article L.262-4 du code de l'action sociale et des familles (CASF) prévoit certes que seuls les étrangers titulaires depuis au moins cinq ans d'un titre de séjour autorisant à travailler peuvent bénéficier du RSA. Mais ce même article prévoit aussi que cette condition n'est pas applicable aux personnes ayant droit à la majoration prévue à l'article L.262-9 du CASF, c'est-à-dire notamment les personnes isolées assumant la charge d'un ou de plusieurs enfants et les femmes isolées en état de grossesse, ayant effectué la déclaration de grossesse et les examens prénataux. Celles-ci doivent alors simplement remplir les conditions de régularité du séjour, ce qui était le cas de Mme A..., en état de grossesse et titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale". Tout reposait donc sur l'existence ou non de la condition d'isolement, le conjoint de Mme A... se trouvant bien en France, mais incarcéré.
Dans sa décision, le TA de Melun prend le contrepied d'une circulaire interministérielle du 11 juillet 2013 indiquant que "la seule situation d'incarcération de l'un des membres du couple ne peut être assimilée à une situation d'isolement permettant l'ouverture d'un droit à majoration pour l'autre membre". La décision du tribunal estime au contraire qu'en application des dispositions combinées des articles R.262-45 et L.262-9 du CASF, Mme A... devait être regardée comme isolée soixante jours après le début de l'incarcération de son conjoint. A compter de cette échéance, elle pouvait donc légitimement prétendre au RSA.
Références : Conseil d'Etat, décision n°406288 du 18 juillet 2018, Mme B..., département de Paris ; tribunal administratif de Melun, décision n°1602780 du 28 décembre 2017, Mme A..., département de Seine-et-Marne.