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Insertion - Le Conseil d'Etat valide le principe d'activités bénévoles pour les bénéficiaires du RSA, mais pose des conditions

Dans un arrêt du 15 juin, le Conseil d'Etat annule la décision de la cour administrative d'appel de Nancy du 18 avril 2017 qui, confirmant une décision d'un tribunal administratif de Strasbourg du 5 octobre 2016, avait annulé une délibération du conseil départemental du Haut-Rhin instaurant "un dispositif de service individuel bénévole que pourraient effectuer les bénéficiaires du revenu de solidarité active et qui conditionnerait le versement de cette allocation" (voir nos trois articles ci-dessous de 2016). En pratique, certains bénéficiaires du RSA dans le Haut-Rhin doivent effectuer au moins sept heures de bénévolat hebdomadaire sous peine de risquer une suspension du versement de l'allocation.

Près de 800 allocataires déjà engagés dans des actions de bénévolat

Dans un communiqué du même jour, le département du Haut-Rhin "exprime toute sa satisfaction" sur cette décision. Il estime en effet que celle-ci "conforte le dispositif RSA/bénévolat tel qu'il a été déployé depuis le mois de septembre dernier à travers les contrats d'engagement réciproque". Le département rappelle aussi qu'"à ce jour, près de 800 allocataires se sont engagés dans une mission de bénévolat avec des résultats positifs à la clé" et qu'"à travers cette politique, le département du Haut-Rhin montre la voie à de nouvelles politiques de solidarité, afin de donner à chacun toute sa place dans la société".
En fait, la question - et la réponse du Conseil d'Etat - ne sont pas aussi simples. S'il est vrai que le Conseil reconnaît la possibilité pour un département d'instaurer des heures de bénévolat en contrepartie de l'attribution de la prestation, il encadre cette possibilité d'un certain nombre de conditions. Au demeurant, la haute juridiction ne tranche pas l'affaire au fond, mais renvoie les parties devant la cour administrative d'appel de Nancy, "dans la mesure de la cassation prononcée" (autrement dit en respectant les considérants de la décision du Conseil d'Etat).
L'arrêt du 15 juin considère que la cour administrative d'appel de Nancy a commis une erreur de droit "en se fondant, pour annuler la délibération déférée, sur la circonstance que le bénéficiaire du revenu de solidarité active relevant des dispositions de l'article L.262-35 du code de l'action sociale et des familles [sur les bénéficiaires du RSA orientés vers un organisme participant au service public de l'emploi autre que Pôle emploi, ndlr] ne saurait se voir proposer des actions de bénévolat au titre de son insertion".

Pas de caractère automatique, ni systématique

En effet, pour le Conseil d'Etat, "les dispositions de l'article L.262-35 ne font pas obstacle à ce que, dans certains cas, le contrat, élaboré de façon personnalisée, prévoie légalement des actions de bénévolat à la condition qu'elles puissent contribuer à une meilleure insertion professionnelle du bénéficiaire et restent compatibles avec la recherche d'un emploi, ainsi que le prévoit l'article L. 5425-8 du code du travail". Autrement dit, les activités de bénévolat peuvent aussi être proposées aux bénéficiaires du RSA les plus proches de l'emploi, engagés dans un parcours d'insertion professionnelle.
Mais cette activité bénévole ne saurait revêtir un caractère automatique et systématique. Elle n'est possible que "dans certains cas" et la décision du Conseil d'Etat précise bien que cette activité doit être inscrite "dans un contrat librement débattu énumérant des engagements réciproques en matière d’insertion sociale ou professionnelle", en l'occurrence, un contrat d'engagements réciproques (CER) ou un projet personnalisé d'accès à l'emploi (PPAE).
Il faut également que les activités de bénévolat proposées par le département "puissent contribuer à une meilleure insertion professionnelle du bénéficiaire". Le bénévolat doit donc s'inscrire dans le parcours d'insertion et être adapté à la situation et aux besoins du bénéficiaire du RSA concerné.
Pour sa part, l'allusion à l'insertion professionnelle paraît exclure un bénévolat purement "social". Enfin, il faut que les activités bénévoles "restent compatibles avec la recherche d'un emploi". Dans le cas du Haut-Rhin, cette condition semble a priori remplie, sept heures de bénévolat hebdomadaire n'empêchant pas de se consacrer de façon active à une recherche d'emploi.
Il appartient désormais à la cour administrative d'appel de Nancy, qui va se pencher à nouveau sur l'affaire, de s'assurer que la dispositif mis en place par le département du Haut-Rhin respecte bien les limites posées par l'arrêt du Conseil d'Etat.

Références : Conseil d'Etat, décision n°411630 du 15 juin 2018, préfet du Haut-Rhin c/ département du Haut-Rhin.

 

Une députée chargée d'une mission sur l'insertion des bénéficiaires du RSA
Un décret du Premier ministre du 15 juin 2018 charge Claire Pitollat, députée (LREM) des Bouches-du-Rhône, d'une mission temporaire "ayant pour objet l'insertion des bénéficiaires du revenu de solidarité active". Ce décret, publié au Journal officiel du 17 juin, a été signé le même jour que l'arrêt du Conseil d'Etat. Mais cette mission a en réalité plus à voir avec les annonces d'Emmanuel Macron dans son tout récent discours sur les orientations de la politique sociale, devant le congrès de la Mutualité française (voir notre article ci-dessous du 13 juin 2018).
A cette occasion, le chef de l'Etat a en effet affirmé : "Nous avons, ces dix dernières années, augmenté le RSA de 80%, mais nous avons baissé de l'accompagnement de 40% en termes de dépenses. Ce chiffre dit tout. Nous avons aujourd'hui 50% de celles et ceux qui sont au RSA, qui, après quatre années sont toujours au RSA. Nous avons 30% de femmes et d'hommes qui n'ont pas, qui ne vont pas vers les prestations qui leur sont promises, parce qu'elles sont trop complexes ou stigmatisantes, et donc nous avons un système qui prévient mal, qui stigmatise encore et est trop complexe, qui est peu humain et qui ne permet pas à celles et ceux qui y tombent, qui tombent dans ces situations d'exclusion ou de pauvreté, de s'en sortir au plus vite, de retrouver toute leur place dans la société."
Pour Emmanuel Macron, "si nous, nous ne regardons pas en face la réalité qui est la nôtre, et les échecs de notre action, comment y apporter une réponse ?". Une réponse qui, sur l'accompagnement des bénéficiaires, pourrait bien passer par les conclusions de la mission de Claire Pitollat.