Rythmes scolaires - Rozenn Merrien, présidente de l'Andev : "Capitaliser sur les acquis de la réforme, ne pas s'inscrire en rupture"
L'Association nationale des directeurs de l'éducation des villes (Andev), moteur dans la réforme des rythmes scolaires de 2013, s'adapte sans se renier. Sa présidente Rozenn Merrien, également directrice de l'enfance pour la ville de Saint-Denis, se félicite que les nouvelles activités périscolaires aient fait venir beaucoup d'enfants à la culture, aux arts et au sport. Tout l'enjeu des collectivités serait désormais de maintenir la dynamique et même de la déployer autour d'un nouvel objectif : participer à la constitution du "capital culturel" des enfants. Et cela, quelle que soit l'organisation de la semaine scolaire choisie - 4 jours, 4 jours et demi - qui deviendrait un sujet de second rang.
Localtis – En novembre dernier, l'Andev a clôturé son congrès annuel en se promettant de réfléchir à la manière de "promouvoir une politique d'éducation culturelle globale à partir d'un socle commun accessible à tous". La formule est à première vue consensuelle, que signifie-t-elle exactement ?
Rozenn Merrien - Comme on parle d'un socle commun de connaissance et de compétence, nous engageons une réflexion sur les acquis culturels minimum qui seraient la base sur laquelle chaque enfant pourrait grandir. Le capital culturel se construit bien sûr à partir de l'héritage culturel de la famille, qui doit se confronter au projet culturel de la société dans laquelle l'enfant grandit. Le développement de ce socle commun peut se traduire dans des dispositifs comme les "passeports culturels" que des collectivités proposent déjà, ou dans des "parcours" mis en place dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires.
Que reste-t-il de cette réforme des rythmes scolaires, alors que 43% des communes sont déjà revenues à la semaine de 4 jours, et que près de 80% s'apprêteraient à le faire à la rentrée prochaine*?
L'objectif de la réforme des rythmes scolaires était notamment d'augmenter l'accès à la culture et aux pratiques sportives des enfants. Les temps périscolaires se sont développés en relation avec les ressources des territoires. Comme au Havre, qui est une ville extrêmement impliquée - c'est pour cela que l'Andev l'avait choisie pour accueillir son 25e congrès.
La question de ce qu'il reste ou de ce qu'il restera de la réforme des rythmes relève du projet politique : de la volonté d'une ville, des élus locaux, de construire un projet partagé et fédérateur, qui permette aux gamins d'acquérir un bien commun, un bien collectif pour s'emparer des ressources de la société dans laquelle ils grandissent. La réforme a permis d'identifier cet enjeu dans les territoires aussi bien urbains que ruraux.
Avez-vous constaté un lien entre les villes qui sont restées à 4 jours et demi, et celles qui affichent un projet de politique éducative ambitieux ?
La réforme a ouvert cette préoccupation, celle de permettre l'accès du plus grand nombre à des activités qui sont complémentaires aux apprentissages scolaires et qui ont un rôle éducatif aujourd'hui largement reconnu. Je pense que, quelle que soit l'organisation du temps scolaire, les collectivités qui se sont investies dans ce projet vont nécessairement chercher à maintenir les acquis de la réforme. C'est-à-dire : garder le rythme soutenu de la fréquentation aux accueils périscolaires et continuer d'assurer des activités de qualité. L'enjeu sera de capitaliser sur ces acquis pour poursuivre le travail engagé, dans une continuité. D'ailleurs, il y a une demande des familles…
Les parents seraient les premiers à demander la semaine de quatre jours, et voudraient dans le même temps un accueil pour leurs enfants le mercredi matin (même dans les communes où il n'en existait pas auparavant). Que vous inspire cette apparente contradiction ?
Au-delà d'un besoin de garde, un besoin d'accueil collectif a émergé de la réforme. Les familles ont intégré l'esprit de 2013, elles demandent du contenu et des parcours d'activités de qualité. Que ce soit après les cours ou le mercredi... Cette idée est confortée par la position du ministre de l'Education nationale, Jean-Michel Blanquer, sur son projet de Plan mercredi (ndlr : annoncé en novembre et confirmé au dernier congrès des maires).
Son objet serait de maintenir des espaces d'accueil le mercredi dans les petites collectivités (les grandes, à ma connaissance, ne se posent pas la question). Il y aurait deux volets. Premier volet : maintenir la fréquentation des accueils collectifs de mineurs sans hébergement (ACMSH). Deuxième volet : maintenir la dynamique d'activité (NDLR : en opposition à la simple "garderie"). Comme cela serait financé par les CAF, se posent les questions de normes et d'encadrement.
Finalement, vous ne semblez pas trop déçue de ce retour massif des communes à la semaine des 4 jours…
Vous m'auriez interrogée il y a quatre mois… Il y avait alors de l'amertume de la part de collègues adhérents (même si certains - une minorité - étaient favorables à la semaine scolaire de 4 jours) Mais nous avons cheminé. Notre message aujourd'hui : capitaliser sur les acquis de la réforme, ne pas s'inscrire en rupture, mais maintenir la dynamique, travailler au "socle commun" culturel à offrir à chaque enfant, maintenir les acquis professionnels (des Atsem, des animateurs…), maintenir la belle dynamique professionnelle partagée à travers les projets éducatifs de territoire...
Nous sommes une association de cadres territoriaux. Nous pouvons accompagner la prise de décision mais cette prise de décision est une prise de position politique. Nous avons à prendre en compte toutes les réalités territoriales, et savoir comment on s'inscrit dans la continuité des politiques publiques.
* Selon l'Association des maires de France, voir nos articles ci-dessous du 18 septembre 2017 et du 23 novembre 2017.
** 83% des communes sont revenues à la semaine des quatre jours sous la pression des parents et 54% des communes qui sont revenues à la semaine de 4 jours et n'avaient pas d'accueil le mercredi matin avant la réforme ont organisé ce type d'accueil à la demande des parents. Sources : enquête AMF voir notre article du 23 novembre 2017.