Développement durable - Rio+20 : un compromis a minima pour promouvoir l'économie verte
Le sommet Rio+20 s'est achevé vendredi 22 juin au soir avec la ratification par les représentants de 193 pays, dont près d'une centaine de chefs d'Etat et de gouvernement, du texte d'accord final intitulé "L'avenir que nous voulons". En 49 pages et 283 paragraphes, ce document mis au point par le Brésil, pays hôte, réaffirme les principes édictés lors de précédentes conférences et sommets, et insiste sur la nécessité d'accélérer les efforts pour mettre en oeuvre les engagements antérieurs. Il rend aussi hommage aux collectivités locales qui ont fait des efforts et des progrès.
Les politiques d'économie verte, qui occupent trois pages et demie du texte, sont considérées comme l'un des outils importants pour aller vers le développement durable. Elles ne doivent pas imposer des règles rigides mais respecter la souveraineté nationale de chaque pays sans constituer un moyen de discrimination ni une restriction déguisée au commerce international. Elles doivent aussi contribuer à combler les différences technologiques entre pays développés et en développement. Chaque pays peut choisir une approche appropriée en la matière. Le texte vise aussi à renforcer le cadre institutionnel du développement durable en remplaçant la commission du développement durable, jugée totalement inefficace, par un forum intergouvernemental de haut niveau. Le programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) voit son rôle affirmé et revalorisé comme autorité globale et chef de file pour l'environnement, avec des ressources sûres (les versements sont aujourd'hui volontaires) et une représentation de tous les membres des Nations unies (seuls 58 y participent actuellement).
Vers la fixation d'objectifs du développement durable
Sur 25 pages, soit la moitié du document, le texte propose des secteurs où il y a de nouvelles opportunités et où l'action est urgente notamment du fait d'une insuffisante réalisation des résultats de précédentes conférences. Les 25 domaines particulièrement ciblés vont de l'éradication de la pauvreté, la sécurité alimentaire, l'eau, l'énergie, le transport, la santé, l'emploi, aux océans, au changement climatique, à la consommation et à la production durables. Sur le modèle des Objectifs du millénaire pour le développement à échéance 2015, le sommet a insisté sur l'importance de fixer des objectifs du développement durable (ODD) en nombre limité, concis et tournés vers l'action, applicables à tous les pays mais tenant compte des circonstances nationales particulières. Un groupe de travail de trente personnes sera mis en place d'ici à la prochaine assemblée générale des Nations unies, en septembre, et devra présenter ses propositions en 2013, pour une mise en place à partir de 2015.
Le texte juge aussi extrêmement important de renforcer le soutien financier de toutes origines en particulier pour les pays en développement. De nouveaux partenariats et des sources innovantes de financement peuvent jouer un rôle. La déclaration insiste sur la conjugaison de l'assistance au développement avec l'investissement privé. Le texte insiste enfin sur la nécessité de transferts de technologie vers les pays en développement et sur le renforcement des capacités (formation, coopération...).
Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-Moon a salué le texte comme étant un "très bon document, une vision sur laquelle nous pourrons bâtir nos rêves". La secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton s'est elle aussi félicitée du résultat : "Nous nous sommes ligués autour d'une déclaration finale qui marque une avancée réelle pour le développement durable." Pour la présidente brésilienne Dilma Rousseff, Rio+20 est un "point de départ". "L'important est que, quand on a un document écrit, personne ne peut nier ou oublier ce qui y est écrit", a-t-elle dit.
"Plus de 513 milliards de dollars ont été mobilisés" par le secteur privé, les gouvernements et la société civile pour financer des projets dans l'énergie, les transports, l'économie verte, la désertification, l'eau ou les forêts, a encore affirmé l'ONU à l'issue de Rio+20. Sur l'ensemble des fonds promis, 323 milliards de dollars iront à l'initiative du secrétaire général "Energie renouvelable pour tous", qui doit garantir un accès universel à l'énergie propre d'ici à 2030.
Les collectivités plutôt satisfaites
Pour Laurence Tubiana, directrice de l'Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), les objectifs du développement durable représentent "l'acquis principal du sommet, sans hésitation". "Il y a une volonté de réussir", a-t-elle estimé. "Rio, ça dit qu'on est incapable aujourd'hui de trouver un accord face aux défis planétaires environnementaux et sociaux, mais ça dit aussi qu'il nous faut trois ans [sic]", estime Ronan Dantec, sénateur EELV et porte-parole pour le climat de l'organisation mondiale Cités et gouvernements locaux unis (CGLU). Pour l'Association des régions de France (ARF), le bilan de Rio+20 est "mitigé" mais il y a eu de "réelles avancées pour les collectivités locales". "Les Etats se sont engagés à donner une nouvelle place aux acteurs de la société civile, dont les pouvoirs locaux, a-t-elle expliqué dans un communiqué. Si malgré tous les efforts déployés, en particulier par la France et de nombreux pays africains, le texte final ne retient pas la création d’une véritable agence mondiale de l’environnement, le programme des Nations unies pour l’environnement sera néanmoins renforcé. La société civile et les collectivités locales devraient être intégrées à sa gouvernance". "Il s'agit là de l'aboutissement d'un travail de conviction entrepris auprès des Etats depuis Rio 1992 et Johannesburg en 2002. Notre objectif n'est pas de participer pour participer, mais bien d'être partout utiles. Le développement durable repose certes sur des intentions affichées par les Etats, mais surtout sur l'action des collectivités, des citoyens, des associations, sans oublier les entreprises, grandes ou petites", a notamment déclaré Jacques Auxiette, président de la région Pays-de-la-Loire et porte-parole de l'ensemble des associations de collectivités locales françaises pour l'occasion.
"La réussite de cette conférence, c'est que ça a lieu, les gens viennent pour discuter, partager leurs espoirs, leurs difficultés", a affirmé Brice Lalonde, qui en a été le cocoordinateur. Les ONG ont cependant massivement manifesté leur colère devant le peu de résultats concrets du sommet, dénonçant l'"échec" et le manque d'ambition de Rio+20. Pour Kumi Naidoo, directeur général de Greenpeace international, "on remet en ordre les fauteuils sur le pont du Titanic alors qu'il est en train de sombrer". "Les attentes étaient très faibles mais le résultat est encore plus maigre... Ce fut une occasion manquée", a estimé Manish Bapna du centre de réflexion américain World Resources Institute (WRI).
A l'issue de la conférence, nombre de participants s'interrogeaient sur la nécessité de ces confrontations d'Etats aux intérêts particuliers : "Cela montre l'impuissance du politique, la paralysie du système, cela rend pessimiste sur sa capacité à générer quelque chose", a relevé Laurence Tubiana. "193 pays qui doivent atteindre l'unanimité, c'est difficile, peut-être faut-il modifier le système de fonctionnement", a admis Brice Lalonde. "C'est une structure inadaptée", a affirmé Gilles Berhault, président du Comité français pour le développement durable, pour qui la souveraineté des pays n'est plus de mise dans un monde "interdépendant".