Finances locales - Révision des valeurs locatives : les maires redoutent les réactions des chefs d'entreprises et des commerçants
A l'occasion d'un colloque, le 30 mai à Paris, l'Association des maires de France (AMF) a fait le point sur la mise en œuvre de la révision des valeurs locatives, un sujet sensible. Une hausse des impôts est en effet à prévoir pour certains chefs d'entreprises. Les élus locaux savent qu'ils vont devoir leur fournir des explications.
A l'automne prochain, les entreprises recevront, comme chaque année, leurs avis de taxe foncière et de cotisation foncière des entreprises. Mais pour la première fois, ces impositions seront calculées à partir des valeurs locatives issues de la révision générale engagée en 2010 par le Parlement pour les locaux professionnels. Un tournant que les élus locaux appréhendent, comme en a témoigné Frédéric Cuillerier, président de l'association des maires du Loiret : "Attention, nous les maires, nous allons devoir faire face à des demandes importantes." L'édile de la commune de Saint-Ay s'attend à être interpellé particulièrement par les petits commerçants, dont les taxes vont augmenter dès cette année, alors que celles qui pèsent sur les grandes surfaces installées en périphérie vont être réduites progressivement. Fin 2016, des estimations de la Direction générale des finances publiques (DGFIP) ont confirmé cette conséquence, malheureuse selon les élus locaux, de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels.
Dans ce contexte, la méthode de communication de la DGFIP "sera un enjeu important", a estimé Etienne Cailly, chef du pôle fiscalité directe locale de la ville de Paris. C'est à l'occasion d'une réunion qu'il tiendra fin juin avec les représentants des associations d'élus locaux, que Bercy dévoilera la façon dont il compte s'y prendre pour expliquer aux usagers les variations de cotisations et communiquera sur la forme des nouveaux avis de taxation.
Les valeurs locatives révisées pourront être connues dès l'été prochain
Les collectivités locales et les intercommunalités auront tout intérêt à déployer en parallèle leur propre dispositif de communication, en particulier à destination des plus petites entreprises. "Pourquoi ne pas prévoir des outils de simulation en ligne ?", a suggéré l'expert de la mairie de Paris. Ce dernier a déjà été sollicité sur le sujet par plusieurs sociétés. "Elles nous ont demandé par exemple comment obtenir la grille tarifaire", a-t-il détaillé. "Il n'y a pas de problème pour transmettre ces données. Elles peuvent être consultées sur les sites des préfectures, au recueil des actes administratif", a-t-il ajouté. En concluant : "L'un des avantages de la réforme, c'est qu'il y a une réelle transparence s'agissant des critères d'évaluation [des valeurs locatives]."
Pour préparer leur stratégie de communication, les collectivités locales pourront disposer, à l'occasion au cours de l'été prochain de l'édition des fichiers fonciers, d'un état des lieux précis des variations individuelles des valeurs locatives que connaîtront les entreprises de leur territoire. Des données qui ne confirmeront pas toujours les résultats des simulations réalisées par la DGFIP. En effet, celles-ci ont parfois été "biaisées", a expliqué Etienne Cailly.
Mais, en tout cas, il existera bien des variations à la hausse comme à la baisse des montants de la taxe foncière et de la cotisation foncière des entreprises. Mis en œuvre pour conserver la proportion contributive des entreprises par rapport à celle des ménages, le coefficient de neutralisation est à l'origine d'une grande partie de ces mouvements. "Il faut à tout prix que s'engage la révision des valeurs locatives des locaux d'habitation, puisqu'elle permettra de lever ce coefficient de neutralisation", en a déduit Claire Delpech, chargée des finances locales à l'Assemblée des communautés de France (AdCF).
"Enclencher la révision des valeurs locatives des locaux d'habitation"
Un appel repris par Philippe Laurent, président de la commission des finances de l'AMF. Pour qui les associations d'élus du bloc communal devront "bâtir une feuille de route commune" sur la suite de l'expérimentation de la révision des valeurs locatives des locaux d'habitation qui a eu lieu en 2015 dans cinq départements. En parallèle, les élus locaux devront rencontrer les présidents et les rapporteurs des commissions des finances des deux chambres, afin de faire entendre leurs souhaits, a-t-il préconisé.
"Il faut s'engager résolument dans la voie de la révision des valeurs locatives des locaux d'habitation", a insisté le maire de Sceaux. Sinon, les impôts locaux resteront calculés à partir de données déconnectées de l'état du marché immobilier et, par conséquent, conserveront leur caractère injuste. Or, le gouvernement pourrait être tenté de résoudre le problème en supprimant les impositions locales fondées sur les valeurs locatives. Le scénario n'est pas impossible : le nouveau chef de l'Etat a bien promis avant son élection d'alléger la taxe d'habitation pour 80% des ménages, rappelle Philippe Laurent. Qui a redit tout le mal qu'il pensait de la mesure.