Insertion - Revenu universel : huit départements prêts à tenter l'expérience
Dans une déclaration commune au Journal du Dimanche du 26 novembre, huit présidents (socialistes) de conseils départementaux se disent prêts à s'engager dans une expérimentation du revenu universel ou du revenu de base. Il s'agit en l'occurrence des départements de l'Ariège, de l'Aude, de la Haute-Garonne, du Gers, de la Gironde, de l'Ille-et-Vilaine, de la Meurthe-et-Moselle et de la Seine-Saint-Denis. Très présent dans la campagne présidentielle (voir nos articles ci-dessous) - au point d'être intégré au programme de Benoît Hamon, candidat du PS -, le revenu universel semblait depuis lors retombé dans un relatif oubli. Mais les huit présidents l'affirment : "Nous décidons aujourd'hui de prendre nos responsabilités, et avec engagement et pragmatisme, nous revendiquons notre rôle de défricheurs des possibles pour contribuer à la refondation de notre contrat social."
Pallier la complexité du RSA et des minima sociaux
Parmi les raisons de cet engagement, les signataires avancent notamment la complexité du RSA et celle de l'ensemble des minimas sociaux, qui "engendrent du non recours - plus de 30% de ceux qui ont droit au RSA n'en font pas la demande -, des ruptures de droits, des indus", mais aussi le fait que "le RSA échoue à vaincre la pauvreté, qui frappe près de neuf millions de personnes en France, et suscite la stigmatisation de ceux qui le perçoivent".
Les huit présidents de conseil départementaux ne disent toutefois rien sur la méthode et le calendrier éventuel, même si la perspective d'une expérimentation à partir de la mi-2019 semble envisagée. Il est vrai qu'une telle expérimentation suppose des modifications législatives et réglementaires, compte tenu de l'imbrication entre le RSA, le possible revenu universel ou revenu de base et les autres minima sociaux, sans oublier tous les dispositifs et droits connexes en lien avec la perception de certaines prestations.
Jouer sur l'assouplissement attendu du droit à l'expérimentation
Ils entendent en revanche s'appuyer sur la déclaration d'Emmanuel Macron lors de la Conférence nationale des territoires, le 17 juillet dernier (voir notre article ci-dessous du même jour), réitérée devant le 100e congrès des maires de France, le 23 novembre (voir notre article ci-dessous du même jour). Le chef de l'Etat affirmait notamment souhaiter que "l'article 72 [de la Constitution] puisse être modifié pour permettre aux collectivités de pérenniser une expérimentation réussie, sans que celle-ci ait vocation à être généralisée au plan national". Cette réforme permettrait de lever le verrou de la généralisation au bout de deux ans, qui n'est pas compatible avec des dispositifs complexes comme le revenu universel.
Les huit présidents entendent donc "passer de l'étude en laboratoire au test in vivo en portant un projet d'expérimentation au Parlement". Il s'agira en l'occurrence d'"élaborer un modèle robuste, crédible scientifiquement, audacieux socialement et soutenable financièrement grâce à des micro-simulations". Puis, les signataires prévoient de "l'évaluer pour l'ajuster, avant peut-être de le généraliser".
Vers un revenu inconditionnel dégressif ?
En attendant, les signataires se veulent très prudents, d'autant que la question est loin de faire l'unanimité au sein même du parti Socialiste. Il semble ainsi que l'expérimentation porterait plutôt sur un revenu de base que sur un revenu réellement universel. Dans une interview au quotidien Libération, Jean-Luc Gleyze, président du conseil départemental de la Gironde, évoque, parmi les publics susceptibles d'être concernés, les aidants qui s'occupent d'un proche dépendant, les agriculteurs "qui n'arrivent pas toujours à vivre de leurs revenus agricoles", ou encore les personnes en reconversion professionnelle. Outre la question du public cible, il faudra également régler celle du périmètre du dispositif et du montant de l'allocation.
Dans un premier temps, et toujours selon Jean-Luc Gleyze, une étude de faisabilité pourrait être confiée par les huit départements à l'Institut des politiques publiques. Parmi les pistes "raisonnables" à étudier, le président du conseil départemental cite celle d'un revenu inconditionnel dégressif, jugé "moins stigmatisant". Chacun bénéficierait ainsi de la même somme théorique, mais le montant versé serait dégressif en fonction des revenus, puis réduit à zéro au-delà d'un seuil qui reste à fixer. Une sorte de "revenu universel ciblé"...
Crowdfunding, tirage au sort et revenu de base
On rappellera toutefois que l'initiative des huit présidents de conseils départementaux n'est pas la première du genre. Dans une approche beaucoup moins scientifique, Julien Bayou - porte-parole national d'Europe Ecologie Les Verts (EELV) et conseiller régional d'Ile-de-France - a en effet lancé une "expérimentation citoyenne". Baptisée "MonRevenudebase" et dotée d'un site de crowdfunding du même nom, elle regroupe 50.000 participants à ce jour.
Leurs contributions ont déjà permis de recueillir 26.000 euros, selon un communiqué de l'intéressé en date du 9 novembre. Deux participants seront donc tirés au sort pour bénéficier d'un revenu de base de 1.000 euros mensuels durant douze mois. D'autres participants pourront en bénéficier - toujours par tirage au sort - au fur et à mesure que le recueil de fonds franchira une nouvelle tranche de 12.000 euros. Une méthode qui s'apparente beaucoup à une loterie... Mais, pour Julien Bayou, l'objectif de "MonRevenudebase" est surtout de "susciter le débat en France et obtenir une loi d'autorisation des expérimentations pour enfin mettre en place un vrai revenu universel".