Lutte contre la pauvreté - Revenu universel, revenu minimum : l'Onpes donne son avis
Le thème du revenu universel et celui du revenu minimum garanti se sont invités dans la campagne électorale en cours et, plus largement, dans le débat public (voir notre article ci-dessous du 19 septembre 2016). C'est dans ce contexte que l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale (Onpes) publie une contribution aux débats en cours, intitulée " Revenu universel, revenu minimum garanti : quels liens avec la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale ?". S'il se garde bien de prendre ouvertement parti, ce document d'une vingtaine de pages pourrait constituer le bréviaire de tout candidat désireux d'aborder ce thème.
Deux notions très différentes
Le premier élément du débat consiste à bien distinguer les deux notions, trop souvent confondues, alors qu'elles répondent à une philosophie et à des finalités très différentes. Le revenu universel désigne "une allocation due par la communauté́ nationale à chacun de ses membres, versée de manière strictement égalitaire et sans aucune condition [...], à toute personne vivant durablement sur le territoire de cette communauté".
A l'inverse, le revenu minimum garanti désigne "une allocation différentielle sous condition de ressources, qui assure à tout ménage (personne isolée ou famille) que le total des ressources à sa disposition ne sera pas inférieur à un seuil garanti et défini par la loi".
Le premier constituerait "une transformation radicale du système de redistribution existant et, au-delà, de notre pacte social", alors que le second ambitionne un objectif plus modeste : "corriger les inégalités entre les neuf minima sociaux actuels de façon à pouvoir les fusionner et en faciliter l'accès aux personnes qui y ont droit".
En revanche, les deux dispositifs présentent un point commun important : ils reposent tous deux sur une approche principalement monétaire, alors que l'Onpes, s'appuyant sur le caractère multidimensionnel de la pauvreté, a toujours plaidé pour "une stratégie globale articulant l'économique et le social et mobilisant différentes formes d'intervention".
Des questions préalables
La contribution de l'Onpes s'attarde aussi sur un certain nombre de questions liées aux deux approches et apporte des éléments de réponse. Côté revenu universel, celui-ci peut-il contribuer à la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale ? Malgré un certain nombre d'arguments (attribution automatique, suppression de la stigmatisation, disparition de la pauvreté monétaire si le revenu est fixé suffisamment haut...), l'Onpes souligne que "l'automaticité et la simplicité du dispositif ne sont pas aussi assurées que cela".
Les effets directs sur les ressources des personnes actuellement bénéficiaires de minima sociaux sont également sujets à caution, notamment dans le cas d'un revenu universel proche du RSA. Dans une telle hypothèse en effet, "le montant final des ressources disponibles pour les ménages des deux premiers déciles de revenus resterait sensiblement inférieur à ce que l'Onpes désigne comme budget de référence pour participer pleinement à la vie sociale".
La contribution de l'Onpes se penche aussi sur les effets d'un revenu universel sur le marché du travail (devenir des métiers peu qualifiés et inquiétudes sur un "futur sans emploi") et sur le logement, sur l'offre de services publics visant l'autonomie des personnes pauvres (avec la question de leur "empowerment"), ou encore sur la qualité des liens sociaux.
Un débat public "salutaire"
Mais les interrogations ne manquent pas non plus du côté du revenu minimum garanti. Par exemple, comment simplifier le dispositif actuel sans faire de perdants, compte tenu des écarts entre les différents minima sociaux actuels ? De même, comment fusionner, tout en reconnaissant la diversité des situations ou comment la simplification risque-t-elle d'affecter la perception des aides par les ayants-droit, au risque d'encourager les phénomènes de non recours observés pour le RSA activité ?
Si toutes ces questions ne peuvent se réduire à des réponse simples - même si la note est d'une grande clarté -, l'Onpes estime néanmoins "salutaire" le débat public actuel. En effet, "une réflexion autour des perspectives offertes par un revenu universel peut aider à identifier des voies nouvelles et stimuler l'expertise sur les conséquences sociales anticipées des mutations économiques en cours". Avec toutefois une recommandation si la réflexion devrait déboucher sur des mesures concrètes : "Ni la simplification des minima sociaux, ni le revenu universel ne devraient conduire à négliger la réinsertion sociale des personnes les plus éloignées du marché du travail, et plus généralement la reconnaissance sociale des apports des personnes 'invisibles', exclues de ce fait de la vie sociale".