Solidarité - L'Uniopss présente son projet de société et recueille les orientations de quatre candidats
"Solidarité en actes", "participation de tous à un projet commun", "lutte contre les inégalités sociales et territoriales", la prévention comme "pivot des politiques publiques"... le projet de société de l'Uniopss, présenté le 28 février à Paris, reprend les grands principes défendus par les associations de solidarité depuis longtemps. Les représentants de quatre candidats à l'élection présidentielle - François Fillon, Benoît Hamon, Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon - se sont positionnés sur ce projet en présentant leur programme de prévention et de lutte contre la pauvreté.
L'Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (Uniopss) présentait le 28 février son "projet de société" ou encore sa "campagne pour dessiner un avenir nouveau". Dans le prolongement de la plateforme portée par le collectif Alerte (voir notre article du 10 février 2017), l'Uniopss a invité quatre des cinq principaux candidats à l'élection présidentielle : François Fillon, Benoît Hamon, Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon. Marine Le Pen n'a pas été conviée, après débat interne au conseil d'administration, ses valeurs ayant été jugées "à l'opposé" de celles de l'Uniopss - notamment sur la notion d'"accueil inconditionnel" qu'elle défend.
Dans son projet, l'union représentant quelque 100 fédérations associatives et 25.000 établissements et services plaide pour la prise en compte de sept grandes priorités. D'abord la "nécessité d'associer la solidarité à des actes", a détaillé Patrick Doutreligne, président de l'Uniopss. L'accès "de tous" aux droits, "aux soins, à des ressources permettant de vivre dignement, à un soutien et à un accompagnement en cas de fragilité" est ainsi un "impératif incontournable" sur lequel les représentants de candidats ont été invités à se prononcer.
L'automaticité de l'accès au droit promise par deux candidats
Isabelle Le Callennec - députée LR représentant François Fillon - a assuré sur ce point qu'il n'était "pas question", pour son candidat, "de revenir sur la CMU-CMUC", mais plutôt d'en "faciliter l'accès" et de lutter plus globalement contre le non-recours sur la base des propositions d'un récent rapport parlementaire. Du côté d'Emmanuel Macron (mouvement "En marche"), selon son représentant Christophe Itier, directeur général de l'association La Sauvegarde du Nord, l'accès au droit passerait en particulier par "un doublement des maisons de santé sur cinq ans", par un travail d'information et par un "accompagnement au plus près" des personnes.
Pour Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon, respectivement représentés par Jérôme Guedj - socialiste, conseiller départemental de l'Essonne - et Alexis Corbière - porte-parole du candidat de "La France insoumise" -, c'est l'"automaticité de l'accès au droit" qui est promise. Sur le revenu de solidarité active (RSA), "on a croisé les fichiers pour lutter contre la fraude, faisons la même chose pour lutter contre le non-recours", a justifié l'ancien président de département.
Deuxième priorité de l'Uniopss : aller plus loin pour enfin "favoriser la participation de tous à un projet commun". "On a progressé, mais ce n'est pas suffisant", a précisé Patrick Doutreligne, "la population dont on s'occupe, il va falloir qu'elle rentre dans notre gouvernance". Le recueil de la parole des personnes, en particulier celle des plus fragiles, "doit s'imposer à chaque corps de notre société".
Un "bouclier de services publics", une "garantie dignité" et une "allocation sociale unique"
L'Uniopss appelle ensuite à "lutter contre la précarité et refuser les inégalités", sociales ou territoriales, en intégrant cette préoccupation "dans tout projet de loi ou dispositif administratif". L'expérimentation de nouvelles solutions et l'évolution du droit du travail sont suggérées : "Nous sommes prêts à nous engager aux côtés des pouvoirs publics, afin de contribuer à la recherche d'adaptations possibles, telles que la flexibilité du travail, la création de nouveaux statuts du salariat, la reconnaissance d'activités socialement utiles, en particulier liées au respect de l'environnement." De façon complémentaire, l'Uniopss met en avant la nécessité de faire de "la protection de tous" la "boussole de notre organisation sociale".
Les propositions des candidats sont divergentes en la matière. Le revenu universel de Benoît Hamon consisterait, dans un premier temps, à revaloriser de 10% le RSA et à l'ouvrir aux jeunes de 18 à 25 ans. Pour lutter contre les inégalités territoriales, un "bouclier de services publics" serait destiné à faire en sorte que personne ne se retrouve à moins de 30 minutes des principaux services et équipements - "l'école, la poste, la CAF, la CPAM"… L'idée est d'"assumer un côté un peu normatif, peut-être exagérément jacobin", a revendiqué Jérôme Guedj.
Le représentant de Jean-Luc Mélenchon a quant à lui mis en avant une "garantie dignité" - "une fois que toutes les aides sociales sont additionnées, vérifier qu'elles sont au moins au niveau ou au-dessus du seuil de pauvreté" -, la construction d'un million de logements sur cinq ans et l'assurance que "le taux d'effort [pour le logement] ne dépasse pas les 25%". Plus globalement, 33 milliards d'euros seraient dédiés à la lutte contre la pauvreté, dans le cadre d'un grand emprunt de 100 milliards d'euros destiné à "relancer la machine économique". Le dispositif "Territoires zéro chômeur de longue durée" serait aussi "généralisé" pour créer massivement des emplois.
Si, pour François Fillon, la lutte contre la pauvreté passe d'abord par la lutte contre le chômage, les propositions ciblées "solidarité" présentées par la députée d'Ille-et-Vilaine marquent une certaine continuité avec le quinquennat de François Hollande : "loi de programmation de lutte contre la pauvreté et l'exclusion" pour poursuivre et amplifier le plan pluriannuel, mise en place d'un "référant de parcours", maintien de la garantie jeunes, etc. Et poursuivent l'idée de mettre en place une "allocation sociale unique" qui fusionnerait certaines allocations - le RSA, l'allocation de solidarité spécifique, la prime d'activité et "des allocations logement". Si sa "gestion serait confiée aux CAF", Isabelle Le Callennec n'a pas précisé qui - Etat et/ou département - serait responsable du financement et de l'attribution d'une telle allocation.
Un "nouveau dispositif juridique" destiné à sécuriser les associations
Emmanuel Macron présentant son programme ce jeudi 2 mars, son représentant avait peu d'éléments précis à dévoiler le 28 février. Il a toutefois évoqué une enveloppe d'une "quinzaine de milliards d'euros", dans le cadre d'un plan d'investissement de 50 milliards, pour "les équipements publics, la mobilité et les territoires en difficulté". L'attribution de 10 de ces 50 milliards serait "décentralisée", "notamment pour les départements en grande difficulté", et l'investissement ciblerait prioritairement la formation des chômeurs de longue durée et des jeunes.
Les autres orientations attribuées au candidat de "En marche" ont fourni de l'eau au moulin de l'Uniopss sur l'une de ses priorités, celle de "reconnaître et [de] renforcer la place des associations". Selon Christophe Itier, il est prévu de mettre en place un "nouveau dispositif juridique", négocié avec les collectivités, destiné à donner aux associations "plus de visibilité sur le calendrier des subventions" et "un cadre économique et financier beaucoup plus stable". Le crédit d'impôt de taxe sur les salaires récemment obtenu par les associations serait aussi "étendu à l'ensemble des structures de l'économie sociale et solidaire". Autre proposition dans le même esprit : amorcer "un changement de culture" favorable à l'innovation et à la remontée des idées des acteurs de l'ESS, notamment à travers un allègement des normes et la mise en place d'un "accélérateur national d'innovations sociales".
"Les associations vont traverser des zones de turbulence..."
Les deux dernières priorités défendues par l'Uniopss ont trait à la "révolution numérique pour tous" et à "la prévention", celle-là devant être le "pivot des politiques publiques". La prévention est réellement un "défi pour les pouvoirs publics", a insisté Louis Gallois, président de la Fédération des acteurs de la solidarité (nouveau nom de la Fnars), car "les dépenses de réparation sont mieux acceptées que les dépenses de prévention". L'Uniopss préconise qu'une "étude d'impact" sur la prévention soit intégrée à tout texte de loi.
Les représentants des candidats ont tous approuvé ce point, Isabelle Le Callennec pointant toutefois le risque qu'une telle mesure reste "incantatoire" si des moyens suffisants ne l'accompagnent pas. Jérôme Guedj a rappelé que Benoît Hamon avait "fait de la prévention un élément central" de sa campagne, en particulier sur les enjeux de santé environnementale.
A l'issue de cette première démarche, l'Uniopss entend "faire évoluer ce projet en propositions concrètes", avec une "feuille de route" discutée "au niveau territorial", a détaillé Patrick Doutreligne. L'union associative a témoigné, tout au long de la journée, de sa volonté d'évoluer pour être plus audible dans une société déstabilisée par de multiples tensions. "Les associations vont traverser des zones de turbulence extrêmement fortes", a alerté Roselyne Bachelot, ancienne ministre en charge des affaires sociales, invitée comme grand témoin, "la démocratie spontanéiste vous remettra en cause". Pour lutter contre ce mouvement, celle qui fut, en tant qu'élue locale, très souvent amenée à travailler avec des associations, a conseillé à l'auditoire de revoir sa stratégie de communication et d'être plus présent sur les réseaux sociaux. "Il faut vous trouver d'autres interlocuteurs, vous vous êtes enfermés dans un dialogue singulier avec le politique." Pour commencer à interpeler davantage le grand public, l'Uniopss réfléchit à changer de nom.