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Lutte contre l'exclusion - Le Cese se prononce pour un "revenu minimum social garanti"

Alors que l'idée de revenu universel sort quelque peu du devant de la scène avec l'élimination de Benoît Hamon au premier tour de l'élection présidentielle, le Conseil économique, social et environnemental (Cese) y revient avec l'adoption, le 25 avril d'un avis sur "le revenu minimum social garanti", présenté par Marie-Aleth Grard, vice-présidente d'ATD Quart Monde, et Martine Vignau, vice-présidente du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH). En termes de calendrier, l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale (Onpes) avait été plus avisé en sortant son avis sur la question il y a quelques semaines (voir notre article ci-dessous du 16 mars 2017).

Un revenu de 600 euros par mois

Signe que le sujet n'est pas consensuel, l'avis du Cese - qui se situe dans le prolongement de sa résolution "1987-2017 : poursuivre résolument la lutte contre la grande pauvreté", adoptée le 14 février dernier - a été certes voté à une large majorité de 139 voix, mais on compte néanmoins 15 voix contre et 33 abstentions. Côté constat, l'avis se contente de reprendre des critiques maintes fois formulées sur le dispositif actuel : aspect cumulatif et multi-facteur de la précarité, complexité et inégalités du système actuel des minima sociaux, écarts territoriaux...
Face à ce constat déjà très documenté, le Cese formule 25 préconisations. La mesure emblématique reste la création du "revenu minimum social garanti" (RMSG), qui se situe quelque part entre l'harmonisation (et la revalorisation) des minima sociaux et le revenu universel. L'objectif affiché est de "garantir un revenu stable à toutes les personnes en situation de fragilité économique et sociale".
En pratique, le RMSG se substituerait aux différents minima sociaux actuels, à l'exception de l'allocation pour demandeur d'asile et, pour partie, de l'AAH et de l'Aspa (allocation de solidarité aux personnes âgées). Ce revenu serait ouvert dès 18 ans aux jeunes NEET selon la terminologie de la Commission européenne (Neither in Employment nor in Education or Training, autrement dit ni en emploi, ni en études, ni en formation), dès lors qu'ils ne bénéficient pas du soutien de leurs parents. Ces jeunes seraient également accompagnés par un dispositif d'insertion vers et dans l'emploi.
L'avis propose de fixer à 600 euros par mois, "dès 2018", le montant du RMSG. Des compléments devraient toutefois être mis en place pour ne pas léser les actuels bénéficiaires de l'AAH et ce l'Aspa, prestations dont les montants sont aujourd'hui supérieurs.

Droits annexes, accompagnement et recours sur succession

Outre la proposition de commencer par expérimenter le RMSG sur un territoire, le Cese formule un certain nombre de recommandations complémentaires pour améliorer et simplifier le dispositif. Ainsi, l'avis suggère d'exclure le RMSG des règles du recours sur succession et de l'obligation alimentaire. De même, le Cese recommande - mais sans pousser très loin la démonstration - de "mettre en cohérence" les droits connexes actuellement associés aux minima sociaux et qui seraient transférés sur la nouvelle prestation. Dans un esprit de simplification, l'avis préconise aussi de dématérialiser très largement cette nouvelle prestation, "dans le cadre d'une démarche globale d'inclusion numérique, tout en garantissant le maintien d'un accueil physique pour les demandeurs". Enfin, l'ADA - non concernée par la réforme - devrait être portée de 6,8 à 10 euros par jour.
Côté accompagnement en revanche, le dispositif préconisé par le Cese s'apparente beaucoup, sous quelques aménagements, à celui mis en œuvre aujourd'hui autour du RSA.
Sans surprise, les syndicats CGT et Solidaires, déjà très réservés sur le revenu universel, se sont déclarés hostiles à l'idée d'un RMSG. Dans un communiqué, les deux organisations expliquent que "prétendre vouloir lutter contre la pauvreté tout en refusant d'analyser ce qui l'engendre est un non-sens. [...] Il n'est pas pensable d'accepter une construction qui acte un sous-emploi structurel générateur de misère et d'insécurité sociale, dans une période où la précarité se renforce chaque jour".