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Fonction publique - Retraite des fonctionnaires : la Cour des comptes appelle à de nouvelles évolutions

Dans un rapport publié jeudi 6 octobre sur les retraites des fonctionnaires, la Cour des comptes constate que les réformes mises en œuvre depuis 2003 ont contribué à rapprocher progressivement les salariés du privé et du public, mais juge ces progrès "fragiles et partiels" au regard de la soutenabilité des régimes. Pour prévenir une aggravation de la situation, la Cour identifie plusieurs leviers destinés à ajuster certains paramètres de calcul de la retraite des fonctionnaires et formule des recommandations pour renforcer la gouvernance des régimes et le pilotage financier. La CNRACL, en charge des retraites des agents territoriaux, est tout particulièrement concernée.

Les régimes spécifiques de retraite des fonctionnaires vont continuer de peser sur les finances publiques et devront passer par une hausse importante des cotisations pour rester soutenables financièrement, selon un rapport de la Cour des comptes publié jeudi 6 octobre. Selon ce rapport, les dépenses de retraite des fonctionnaires (d'Etat, territoriaux et hospitaliers) représentaient 58 milliards d'euros en 2014 - à rapprocher des 180 à 190 milliards d'euros pour les salariés du privé - contre 16 milliards d'euros en 1990, soit 5,6% des dépenses publiques et 2,7% du PIB, en hausse continue depuis 25 ans, pour 3,8 millions de cotisants actifs et 3 millions de retraités (dont 50% d'enseignants).

+56% de hausse des cotisations retraites dans la FPT 

Les projections financières, réalisées sous l'égide du Conseil d'orientation des retraites (COR), prévoient que la hausse du coût des dépenses de pensions devrait se poursuivre, moins vite cependant dans la fonction publique d'Etat (FPE) "du fait de la disparition progressive des postes de fonctionnaires à La Poste et à Orange et d'une stabilisation des autres effectifs d'agents de l'Etat", selon le rapport.
En revanche, la part des retraites des fonctions publiques territoriale (FPT) et hospitalière (FPH) devrait augmenter dans le PIB, et les finances de l'organisme dont elles dépendent, la CNRACL (Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales), "se dégrader continuellement". Pour éviter un tel déficit, le rapport estime que le taux de cotisation (employeur plus salarié) devrait passer d'un peu moins de 40% aujourd'hui à 50% voire 56% dans la FPT et la FPH et rester très élevé dans la FPE, atteignant 70% dans le meilleur des cas, contre plus de 80% aujourd'hui.
Le rapport constate également la persistance de grandes "disparités" entre versants de la fonction publique, d'un grade à un autre, ainsi qu'avec le secteur privé, même si l'alignement avec les salariés du privé, entamé en 2003, se poursuit : les âges d'ouverture des droits pour les fonctionnaires sédentaires, la durée d'assurance ou les règles de la décote et de la surcote sont désormais harmonisés, et les cotisations des fonctionnaires sont en cours d'alignement.

Fusion des régimes de fonctionnaires

Pour prévenir l'ensemble de ces risques, la Cour examine plusieurs scénarios, jugés plus ou moins réalistes. Si elle écarte la disparition des régimes de pensions des fonctionnaires, via soit un rattachement de tous les fonctionnaires en activité aux régimes des salariés du privé, ou un adossement aux régimes des salariés, mesures jugées "coûteuses et complexes" par la Cour, la fusion des deux régimes de fonctionnaires pour confier leur gestion à un seul organisme, aurait le mérite, selon le rapport, de conduire à la fixation d'un taux unique de contribution des employeurs, de faciliter la mobilité des agents entre les fonctions publiques, de réduire les coûts de gestion et d'améliorer le pilotage. Toutefois, un taux unique aurait pour conséquence une hausse de la cotisation des employeurs territoriaux et hospitaliers de plus de 25 points (soit 12,5 milliards d'euros en 2015). "Des compensations seraient donc indispensables", avertit la Cour. Elle souligne également l'opposition "probable" de ces employeurs, "attachés à l'autonomie de la gestion et du pilotage du régime de leurs fonctionnaires."

Des réformes plus progressives

La Cour propose donc d'autres voies, plus progressives, s'inscrivant dans la continuité des réformes engagées depuis 2003, qui passeraient par la mise en oeuvre de plusieurs leviers. Il s'agit notamment de l'allongement de la durée de la période de référence pour le calcul de la pension des fonctionnaires et la prise en compte partielle des primes, de l'harmonisation des droits familiaux de retraite des agents publics et de ceux du secteur privé, le cas échéant par un "réexamen du bien-fondé" d'autres avantages familiaux, tel le supplément familial de traitement, et de l'harmonisation des règles relatives aux pensions de réversion.
Le rapport s'attaque aussi, à la question, extrêmement sensible, des catégories "active", qui incluent notamment policiers et pompiers. La Cour propose ainsi le réexamen du "périmètre des métiers" relevant de ces catégories et  l'accélération du rythme de l'augmentation de la durée d'assurance qui leur est applicable. Elle préconise également "l'examen de la suppression des bonifications de durée de services pour les fonctionnaires recrutés dans certaines catégories actives."

Renforcer la gouvernance des régimes et leur pilotage financier

La Cour formule enfin plusieurs recommandations afin de renforcer la gouvernance des régimes et leur pilotage financier. Elle insiste surtout sur deux d'entre elles. La création d'une "véritable caisse de retraite des fonctionnaires de l'Etat", d'une part, qui "apporterait une plus grande transparence dans l'organisation", "clarifierait les dépenses et les recettes", "faciliterait les projets de modernisation" et le "pilotage financier", et le renforcement de la capacité de la CNRACL à "orienter et contrôler" l'action de la Caisse des Dépôts, à laquelle elle a délégué la gestion des pensions.