Restauration scolaire : pour Régions de France, l'heure est à la "reconstruction des écosystèmes locaux"
Le 29 janvier, le lycée des métiers d'hôtellerie et de tourisme Val de Loire à Blois a accueilli la première édition des Rencontres inter-régionales de la restauration scolaire, organisée par Régions de France. Cet événement qui a rassemblé élus, professionnels de la restauration et trois grands chefs, vise à structurer l'action des régions en faveur d'une alimentation saine, locale et durable dans les cantines des 3.600 lycées publics. Celles-ci fournissent chaque année près de 200 millions de repas. Avec plus de 600.000 millions d'euros d'achats de denrées alimentaires par an - juste pour les régions - dont plus de la moitié hors France, "l'enjeu de reconquête est immense", estime Régions de France.
"Comment peut-on, autour de la mission de service public que nous assumons, répondre aux enjeux de société liés à la restauration dans les lycées ?", s'interroge François Bonneau, qui rappelle que 93% des lycées de France ont leur propre cuisine. Chaque année, près de 200 millions de repas sont servis dans les 3.600 lycées publics du pays. "Nous avons une responsabilité considérable avec cette politique publique", a estimé le président de la région Centre-Val de Loire et président de la commission éducation, orientation, formation et emploi de l'association, lors de son discours d'accueil au lycée des métiers d'hôtellerie et de tourisme Val de Loire à Blois, mercredi 29 janvier 2025.
"L'heure est à la reconstruction des écosystèmes locaux"
Ce jour-là avait lieu la 1e édition des rencontres inter-régionales de la restauration scolaire, organisée à l'initiative de Régions de France. Santé des jeunes, développement agricole, éducation au goût, vivre ensemble et plaisir de la table… la question du repas des lycées recouvre plusieurs défis. Et l'ambition est bien de prendre en compte le repas dans toutes ces dimensions. Sur le coût total d'un repas, globalement, les régions en assument 60%. "Toutes les familles bénéficient de l'action publique de nos régions mais selon des niveaux différenciés qui dépendent de la capacité contributive", rappelle l'hôte-président de la région Centre-Val de Loire. Désormais, la qualité des repas n'est plus mesurée par rapport à la multiplication des options lors d'un service mais bien par rapport à la qualité des produits, leur provenance, et la façon dont ils sont cuisinés. En résumé, l'heure est à la "reconstruction des écosystèmes locaux entre la production, la transformation et la consommation de produits de qualité".
"Enjeu de reconquête immense"
"Nous avons à montrer la compréhension de ces enjeux en étant de bons acheteurs", renchérit Loïg Chesnais-Girard, président de la région Bretagne et président de la commission agriculture, alimentation, forêt, pêche de Régions de France. L'élu breton également à l'initiative de l'événement rappelle que l'achat public permet de relocaliser certains achats. Les près de 200 millions de repas correspondent à 50/60 millions de tonnes de denrées en circulation chaque année. Avec plus de 600.000 millions d'euros d'achats de denrées alimentaires par an - juste pour les régions - dont plus de la moitié hors France, "il y a un enjeu de reconquête immense", assure Loïg Chesnais-Girard qui estime par ailleurs que les principaux enjeux résident sur l'apprentissage "d'un travail avec la donnée".
"Des efforts restent à faire"
Les chiffres montrent cependant que des efforts restent à faire. En 2024, le degré d'atteinte des objectifs de la loi Egalim en moyenne, établi sur dix régions en 2024, était de 17,9% des produits durables et/ou de qualité et 9,2% des produits bio (1) alors que cette loi impose 50% de produits durables et de qualité, dont 20% de bio dans les repas scolaires depuis 2022. Aujourd’hui, la part des produits locaux dans la restauration scolaire atteint 23,4% en moyenne, avec des disparités selon les territoires.
"Task force de l'alimentation durable"
L'un des principaux axes de travail concerne l’amélioration des circuits d’approvisionnement pour garantir des produits frais, locaux et de saison. Plusieurs régions ont mis en place des centrales d'achats régionales, à l'image de Breizh Achats en Bretagne ou d'Occit'Alim en Occitanie, qui facilitent la mise en relation entre lycées et producteurs locaux. Lancé en 2024, Breizh Achats est une centrale régionale mutualisant les achats des produits locaux de qualité pour 325 collèges et lycées. D'ici trois ans, elle ambitionne de couvrir tous les besoins en viande, charcuterie et produits laitiers des établissements scolaires, sachant qu'en 2024, la part des produits bio et labellisés dans les cantines bretonnes atteignait déjà 33,3%, un record national.
On recense d'autres initiatives, comme les plateformes numériques Approlocal (Pays de la Loire) ou Easilys (Bourgogne-Franche-Comté), permettent aux établissements de passer commande plus facilement auprès de fournisseurs régionaux.
En Nouvelle-Aquitaine, depuis 2017, l'association Acena embarque quant à elle 350 collectivités, 250 lycées et une trentaine de mairies. Elle coordonne les achats de denrées alimentaires pour optimiser les approvisionnements en produits bio et locaux. Son président, Thierry Pousson témoigne : "On structure la demande, on mutualise l'achat pour mettre en place des stratégies. On travaille le cahier des charges, etc."
Dans le Grand Est, c'est le programme Adage (Alimentation durable et autonome en Grand Est) lancé en 2022 qui vise à structurer l’approvisionnement des cantines en produits locaux et durables. Signé par les dix départements du territoire, il favorise les achats en circuit court et soutient les filières agricoles régionales. Une vingtaine de lycées pilotes ont déjà augmenté leur part de produits locaux, appuyés par l'association Agapes, créée en 2024 pour mutualiser les commandes. Lors de son intervention, Aurélie Marand, directrice du programme Adage, a fait part d'une ambition à hauteur de 60% d'approvisionnement local dans les restaurants scolaires d'ici 2030 (contre 20% aujourd'hui). "Le sujet de l'approvisionnement local est un sujet fort qui a été identifié à mi-mandat" et qui bénéficie aujourd'hui d'un "réseau de facilitateurs pour établir un sourcing local, c'est une véritable Task force de l'alimentation durable", lance la directrice.
Innover dans la lutte contre le gaspillage alimentaire
Parallèlement, on n'occultera pas le fait que 30% de la matière transformée part encore à la poubelle. Réduire le gaspillage alimentaire est donc bien un autre enjeu clé pour la restauration scolaire. Certaines régions testent des solutions innovantes, comme l'intelligence artificielle Kikléo en Auvergne-Rhône-Alpes, qui évalue le poids des déchets alimentaires grâce à des analyses d'images des plateaux-repas. Pour lutter contre le gaspillage, et éviter la surproduction, la réservation des repas est une autre option, jugée très efficace et déjà mise en place dans dix régions sur treize. C'est le cas du Centre-Val de Loire, qui déploie progressivement ce système pour limiter les excédents. En parallèle, des ateliers de sensibilisation sont organisés pour impliquer les élèves dans cette démarche, notamment via des défis anti-gaspi en Centre-Val de Loire et en Grand Est.
Une "classe gourmande" pour valoriser les savoir-faire régionaux
L'un des moments phares de cette rencontre fut l'organisation de la "classe gourmande", où 21 chefs cuisiniers de lycées, issus de 11 régions, ont été invités à cuisiner aux côtés de trois chefs étoilés : Laëtitia Cosnier (restaurant "Côté Cuisine"), Christophe Hay ("Fleur de Loire") et Martin Planchaud (ancien résident de la "Villa Medici"). Les élèves du lycée blésois étaient intégrés dans les trois brigades. L'objectif : élaborer des recettes avec des produits locaux et bio, en respectant un "coût denrées" de 3 euros par repas qui correspond à la dépense moyenne pour la préparation d'un repas. Petit bonus : les recettes vont être partagées à l'issue de l’événement et diffusées dans tous les lycées de France. Cheffe dans le lycée d'Uruguay (77), Cendrine Redondo rentre chez elle "avec des étoiles dans les yeux" et compte bien faire profiter les internes de la recette du sablé à la farine de sarrasin, compotée de pommes et meringue.
› "Réduire l'excès de formalisme de la commande publique"Certaines régions dénoncent les contraintes du code de la commande publique qui compliquent l'achat de produits locaux, des appels d'offres "trop rigides" et l'interdiction d'introduire un critère de préférence géographique dans le cahier des charges. "L'une de nos propositions est de réduire l'excès de formalisme de la commande publique", a lancé Maxime Cordier, président de l'Agores (Association nationale des directeurs de la restauration collective) présent lors de l'évènement, côté public. Interrogé par Localtis, il explique que si l'on sondait les 24.000 autorités organisatrices de restauration scolaire en France, 80% répondraient que les règles de la commande publique sont "trop complexes". Selon lui, il suffirait d'instaurer une disposition permettant le "libre de procédure" sur 50% des achats publics. |
(1) Chiffres de l’Observatoire des politiques régionales et étude du cabinet Soliance pour Régions de France : “Politiques régionales en matière de restauration collective“.