Restauration scolaire : des difficultés d'approvisionnement en produits de qualité et durables en vue
Les communes et leur intercommunalité ont engagé leurs restaurants scolaires dans une transition vers une alimentation de qualité et durable, que ce soit en termes de service de menus végétariens, de réduction du plastique ou bien encore de lutte contre le gaspillage alimentaire. Mais elles peinent à atteindre les objectifs fixés par les lois successives (Egalim, Agec et Climat et Résilience) et se heurtent à des difficultés d'approvisionnement, d'après la 2e enquête sur la restauration scolaire menée par l'Association des maires de France (AMF), en lien avec AgroParisTech. Pour l'AMF, l'une des clés serait que les communes puissent enfin recourir plus directement aux producteurs locaux dans leurs marchés publics. Une demande qu'elle formule de longue date au niveau européen.
La bonne nouvelle, c'est que les communes et leur intercommunalité agissent pour répondre aux besoins des familles en matière de restauration scolaire des enfants et parviennent à accueillir plus de 82% des enfants scolarisés au sein de ce service public pourtant facultatif. La nouvelle enquête de l'AMF, menée avec AgroParisTech après une première édition à l'automne 2020, présentée mercredi 19 juin 2024, met en évidence "les efforts importants des communes et de leur intercommunalité" pour atteindre leurs obligations issues des lois Egalim du 30 octobre 2018, Agec du 10 février 2020 et Climat et Résilience du 22 août 2021, "et ce malgré une hausse des coûts et des difficultés de structuration des filières locales".
Et ce n'est pas "la hausse générale des impayés" qui change la donne puisque "les communes n'excluent pas un élève pour ce motif", note au passage Gilles Pérole, co-président du groupe de travail restauration scolaire de l'AMF, adjoint au maire de l'exemplaire Mouans-Sartoux (100% de produits bio depuis 2012), qui présentait les principaux résultats de l'enquête au siège de l'association.
Coût moyen du repas à 8,49 euros contre 7,63 euros en 2020
Sans surprise "dans un contexte de guerre en Ukraine, de hausse du coût de l'énergie et de hausse du point d'indice du personnel", l'enquête témoigne du fait que les communes subissent une hausse du coût moyen du repas à 8,49 euros (contre 7,63 euros déclarés en 2020), avec "un reste à charge supérieur à 50% pour 71% des répondants" - ce que peu de parents savent, souligne encore Gilles Pérole.
A noter que 68% des communes ne perçoivent aucune aide financière pour le service de cantine, "malgré les nombreuses normes auxquelles elles doivent faire face dans un délai contraint", souligne l'AMF qui rappelle au passage "la nécessité d’un meilleur accompagnement à la fois technique et financier de la part de l'Etat auprès des communes afin qu'elles puissent offrir une alimentation saine dans les cantines".
Le difficile respect des seuils fixés par Egalim
Confrontées à une démultiplication de nouvelles normes depuis 2018 (lois Egalim, Agec et Climat et Résilience), les communes s'efforcent toutefois d'y répondre et sont engagées dans cette transition vers une alimentation de qualité et durable dans les restaurants scolaires, que ce soit en termes de :
- service de menus végétariens (90%),
- réduction du plastique (62%)
- et de lutte contre le gaspillage alimentaire (72%) (notre article du 14 juin 2024).
En revanche, l'atteinte des seuils fixés par la loi Egalim de 50% de produits de qualité et durables, dont 20% de bio, en vigueur depuis le 1er janvier 2022, est "plus complexe à mettre en œuvre dans des délais aussi courts et un contexte guère favorable" : ainsi, seules 18% des communes respectent les 50% de produits de qualité et durables et 37% celui du bio. L'enquête de 2020 montrait qu'elles étaient deux fois plus nombreuses à penser pouvoir respecter ces seuils à cette date...
D'après l'enquête, les difficultés d'approvisionnement en produits de qualité et durables, "identifiées par l'AMF dès le vote de la loi, s'accroissent ces dernières années", qu'il s'agisse :
- du coût des denrées (cité par 56% des répondants contre 38 % en 2020),
- de la diversité ou de quantité dans l'offre de produits durables et bio (40 % contre 27 % en 2020)
- et des contraintes logistiques (38 % contre 16 % en 2020).
Ces difficultés sont plus prégnantes à mesure que s'accroît la taille des communes, allant de 34% pour les communes de moins de 2.000 habitants à plus de 60% pour les villes de plus de 10.000 habitants.
Recourir plus directement aux producteurs locaux dans leurs marchés publics
C'est la raison pour laquelle l'AMF réitère auprès des nouveaux députés européens sa demande de mise en place d'une mesure dérogatoire et pérenne au niveau européen, dans le cadre d'une "exception alimentaire", afin que les communes puissent recourir plus directement aux producteurs locaux dans leurs marchés publics. Cette impérieuse demande a également été formulée par les départements et régions lors de la conférence des solutions qui s'est tenue le 2 avril 2024 (notre article du 2 avril 2024).
L'Association des maires estime qu'une "meilleure structuration des filières agricoles locales et le maintien de filières bio locales sont également indispensables pour répondre aux besoins des cantines". Elle voit dans les projets alimentaires territoriaux (PAT) un outil qui devrait être "davantage soutenu" pour qu'il "puisse essaimer sur l'ensemble du territoire national". On notera au passage que la démarche des PAT pâtit souvent de l'absence de crédits dédiés aux ressources humaines. C'est un constat qui a été établi par AgroParisTech, avec la fondation Carasso dans le cadre du pilotage du programme Tetraa, lancé en 2020 autour de neuf territoires démonstrateurs de la transition agricole et alimentaire (lire notre article du 17 juin 2024).
Simplification de la télédéclaration sur la plateforme gouvernementale "Ma cantine"
Enfin, il ressort de cette enquête que les élus aspirent à une "simplification de la télédéclaration sur la plateforme gouvernementale 'Ma cantine', qui nécessite des moyens dont toutes les communes ne disposent pas, notamment les moins de 2.000 habitants qui la remplissent peu" (notre article du 18 juin 2024). D'après l'enquête, seulement 21% des collectivités répondantes l'ont réalisée en 2023.
L'enquête a été réalisée entre le 1er et le 22 septembre 2023 auprès des communes disposant d'une école publique, a fait l'objet de 2.457 réponses complètes, provenant de 2.282 communes (soit 10,5% des communes avec au moins une école) et 175 EPCI compétents. Les réponses brutes ont été analysées par AgroParisTech. L'AMF en a tiré la synthèse.