Restauration collective : la France prête à défendre les achats de proximité à Bruxelles
Une conférence des solutions s'est tenue à Paris le 2 avril pour lever les obstacles qui retardent les objectifs de la loi Egalim en matière de restauration scolaire. Départements et régions sont montés au créneau ces dernières semaines pour demander des assouplissements, comme la possibilité d'introduire des critères de proximité dans les achats publics. La Commission se montrerait "ouverte" à l'idée défendue par Paris.
Le ministère de l'Agriculture organisait ce mardi 2 avril à Paris une "conférence des solutions de la restauration collective". Annoncée par Gabriel Attal le 21 février, quelques jours avant un Salon de l'agriculture qui s'est avéré mouvementé (voir notre article), cette conférence avait pour but de trouver des solutions nouvelles afin d'augmenter la part de produits durables et bio dans les cantines. Car la France est encore loin des objectifs qu'elle s'est fixés avec la loi Egalim en 2018, complétée par la loi Climat et Résilience en 2021, à savoir : offrir au moins 50% de produits dits "durables" et "de qualité", dont au moins 20% de produits biologiques, dans les repas servis en restauration collective. La mesure s'applique depuis le 1er janvier 2022 à tous les restaurants collectifs de service public (scolaire et universitaire, hôpitaux, médico-social, administrations...) et depuis le 1er janvier 2024 aux établissements privés. De plus, en application de loi Climat et Résilience, depuis le 1er janvier 2024, au moins 60% des achats de viandes et poissons doit être composé des produits de qualité et durables. Et même 100% pour la restauration de l’État, ses établissements publics et les entreprises publiques nationales.
Seulement, malgré quelques progrès, la marche est encore haute. En 2022, le taux d’approvisionnement en produits durables et de qualité des restaurants collectifs était de 27,5% en 2022, dont 13,1% de bio, selon le dernier rapport sur la mise en œuvre de la loi Egalim remis au Parlement (voir notre article).
"1,6 milliard d’euros de plus pour la Ferme France"
"Avec une loi Egalim totalement mise en oeuvre dans la restauration collective, cela ferait jusqu’à 1,6 milliard d’euros de plus pour la Ferme France et on n’aurait sans doute pas de crise du bio", fait valoir le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau dans un entretien croisé avec le président de la région Bretagne, Loïg Chesnais-Girard, paru dans Ouest France, le 2 avril. Ce dernier se targue d'être à la tête de "la première région" pour l'application de la loi Egalim dans les lycées, avec 33% de produits durables et de qualité dont 19% de bio et 27% de produits achetés localement. Loïg Chesnais-Girard était cependant récemment monté au créneau avec la présidente de la région Occitanie, Carole Delga, présidente de Régions de France, pour demander des aménagements de la loi, afin de faciliter les achats locaux, notamment en introduisant des critères de proximité (voir notre article). Jusqu'ici cette idée était interdite par le droit européen. Mais une brèche pourrait s'ouvrir. Marc Fesneau aurait porté le sujet au niveau européen, assure son cabinet, et la Commission se montrerait "ouverte" à agir en faveur des achats de proximité dans la commande publique… Ce qui serait un revirement important par rapport à la doctrine défendue jusqu'ici.
Les présidents de régions et de départements font également valoir qu'ils n'ont pas la main sur les achats des cantines des lycées et des départements qui relèvent de l'Éducation nationale et réclament une autorité hiérarchique dans ce domaine (voir notre article). Le ministre n'est "pas fermé" à cette idée qui relève toutefois du ministère de l'Éducation nationale, fait valoir l'entourage de Marc Fesneau "Cela remettrait en question l'autorité de gestion globale entre les régions et les établissements", et le sujet ne peut être pris uniquement sous le prisme de l'alimentation, argue-t-on.
Lever le tabou des prix des repas
Le ministère de l'Agriculture insiste de son côté sur le fait que les dispositions de la loi ne sont pas suffisamment connues. Il en veut pour preuve que, sur les quelque 80.000 établissements de restauration collectives en France, 35.000 sont inscrits sur le site "ma cantine" qui fournit de nombreux outils documentaires. Or seuls 5.000 d'entre eux renseignent leurs parts de produits durables et de qualité ou bio. Cette conférence des solutions se voulait ainsi l'occasion de "lancer "un grand appel aux collectivités pour prendre conscience de la responsabilité de se mettre dans les clous d'Egalim et redonner de la valeur à la restauration", indique le ministère. Ce qui signifie lever la tabou des prix des repas. Le prix des repas reviendrait entre 4 et 4,5 euros dans les restaurants du ministère des Armées contre 2 euros dans les écoles. Cela donne "une mesure de l'effort à consentir". Ce qui n'empêcherait pas de recourir à la tarification sociale pour les familles défavorisées, comme c'est déjà le cas dans les communes rurales, avec des repas à un euro.
La conférence devrait déboucher sur une feuille de route pour le Conseil national de la restauration collective.