Neuf territoires démonstrateurs de la transition alimentaire

Piloté par la fondation Carraso et AgroParisTech, le programme Tetraa lancé en 2020 autour de neuf territoires démonstrateurs de la transition agricole et alimentaire livre ses premiers enseignements. La nécessité d'un "portage politique" des élus apparaît comme une nécessité pour enclencher une dynamique. Les élus ont aussi besoin d'être formés aux enjeux de l'agroécologie.

Considérer l'alimentation comme un choix de société : c'est la base du programme Tetraa, piloté par la fondation Carasso et AgroParisTech, qui accompagne neuf territoires* depuis quatre ans pour "renforcer la durabilité sociale, environnementale et économique de leurs systèmes agricoles et alimentaires". "L'objectif est d'en faire des démonstrateurs de la transition agricole et alimentaire", explique Auriane Lamy, chargée de mission du programme Tetraa, sachant que ces territoires (pays, commune, syndicat mixte, interco…) ont chacun une expérience plus ou moins longue dans le domaine.

La commune de Mouans-Sartoux (10.000 habitants), dans les Alpes-Maritimes, travaille depuis vingt ans sur le sujet et a même créé une Maison d'éducation à l'alimentation durable. La cantine scolaire propose 100% de produits bio depuis 2012, grâce à l'approvisionnement d'une ferme communale. De quoi faire rêver nombre de collectivités qui peinent à atteindre les objectifs de la loi Egalim (au moins 50% de produits durables et de qualité, dont au moins 20% de produits biologiques dans les repas servis en restauration collective). Elle propose aussi des potagers, ruchers ou poulaillers participatifs et accompagne les restaurateurs locaux vers l'approvisionnement local. Une politique que l'on retrouve à l'autre bout de l'Hexagone avec Grande-Synthe, engagée depuis les années 1970 dans une démarche d'"écologie populaire", qui là aussi s'est traduite par la création d'une Maison de l'agriculture durable et de l'écologie populaire.

Pour d'autres, le virage est plus récent et correspond souvent à la mise en place d'un projet alimentaire territorial, comme dans l'agglomération de Bourg-en-Bresse. Créé en 2019, le PAT repose sur un réseau de fermes agroécologiques, la mise en place de formations à l'agroécologie pour les agriculteurs locaux. Le territoire est impliqué dans une réflexion à l'échelle du département de l'Ain autour de la création d'une chaîne de logistique pour l'approvisionnement en produits locaux de la restauration collective et commerciale…

Besoin de former les élus

Doté de 5,69 millions d'euros, le programme vise à structurer tous ces projets et à leur donner de l'élan. Trois types d'aides sont proposés : appui financier direct, appui opérationnel collectif (groupe d'échanges, séminaires, webinaires, formations, site internet…) et appui scientifique. 

Le programme se poursuit jusqu'à la fin de l'année. Mais déjà, les échanges et les retours d'expériences ont permis de déboucher sur des "livres blancs" et fiches-actions. Plusieurs leçons en ressortent. "Un des principaux enseignements est la question du portage politique : pour que cette démarche fonctionne, il faut que les élus soient impliqués et qu'ils embarquent d'autres élus avec eux", explique Auriane Lamy. "Il apparaît aussi que les élus ont besoin d'être formés et accompagnés. Ils ont parfois le sentiment que la PAC est tellement structurante qu'ils n'y peuvent grand-chose", poursuit-elle.

Des enjeux interconnectés

Le programme Tetraa a aussi montré que la démarche des PAT pâtit de l'absence de crédits dédiés aux ressources humaines. "Nous voyons des chargés de mission fraîchement sortis d'école avec peu d'expérience, alors qu'il faudrait des personnes formées et qui s'installent dans la durée. Or on constate aujourd'hui pas mal de turnover", déplore Auriane Lamy, qui insiste aussi sur la dimension "systémique" de la politique de l'alimentation. "Foncier, restauration collective, logistique, consommation… Ce sont des enjeux liés, il faut agir sur l'ensemble et pas en silo", insiste-t-elle. La dimension est par exemple très présente dans le Guillestrois-Queyras, un territoire de montagne où les parcelles sont souvent très dispersées. Ici, le chef de file du programme est une association, l'Adear (Association pour le développement de l'emploi agricole et rural) des Hautes-Alpes. Une Scic foncière (Terres en Guil) a été créée pour permettre aux entreprises, habitants, collectivités, associations, de participer à lacquisition de terres pour les mettre à disposition des agriculteurs. Parallèlement, l'Adear propose des formation "éco-paysans" sur les pratiques agro-écologiques (économes en intrants).

 

*Douaisis Agglo (Nord), syndicat mixte du Pays des châteaux (Loir-et-Cher), Pays Terres de Lorraine (Meurthe-et-Moselle), ville de Mouans-Sartoux (Alpes-Maritimes), Sydel du Pays Cœur d'Hérault (Hérault), ville de Grande Synthe (Nord), Grand Bourg agglomération (Ain), Guillestrois-Queyras (Hautes-Alpes), la communauté de communes du Val de Drôme (Drôme).