Restauration scolaire : le passage à une option végétarienne quotidienne "semble être précipité à ce stade"

Les collectivités ne sont pas encore suffisamment  mûres et disponibles pour organiser une option "menu végétarien" quotidienne, un exercice "difficile", conclut un rapport chargé de faire le bilan de cette expérimentation au sein des cantines scolaires. Formation, réticences du personnel, surcoût, réorganisation, investissements matériels et humains… autant de contraintes qui constituent des obstacles, surtout au sein des petites collectivités de moins de 10.000 habitants. En définitive, seules 200 collectivités ont tenté l'expérience proposée par l'article 252 de la loi Climat et Résilience du 22 août 2021.  

Souvenez-vous, c'était en mars 2023. Dans un entretien accordé à Localtis Marie-Noëlle Haye, vice-présidente de l'Association nationale des directeurs de la restauration publique territoriale (Agores), expliquait que le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) et l'Inspection générale de l'environnement et du développement durable (Igedd) étaient sur le point de publier un rapport évaluant l'expérimentation de l'option végétarienne quotidienne pour les collectivités territoriales volontaires introduit par l'article 252 de la loi Climat et Résilience du 22 août 2021. Dix-huit mois plus tard, le voici. Il est daté de mars 2023 mais vient seulement d'être publié, portant une conclusion décevante : "Il serait judicieux de reconduire cette évaluation d'ici quelques années lorsque les évolutions demandées et les contraintes engendrées seront mieux assimilées et surmontées par tous." Le principal problème réside dans la "très faible représentativité de l'échantillon des répondants" sur le site "Ma Cantine", ce qui ne permet pas de "tirer des conclusions probantes". Les résultats analysés sont donc "très partiels". Cela dit, il faut rappeler que seules 200 communes sur 36.500 s'étaient lancées dans l'expérimentation de l'alternative végétarienne quotidienne en 2024. L'expérimentation a rencontré peu d'adhésion ; c'est surtout cela, le constat. 

Aucun guide explicatif disponible

Le rapport permet d'en cerner les raisons : "composition et diversité des repas, formation du personnel, coût supplémentaire, réorganisation nécessaire de la préparation des repas, investissements matériel et humain nécessaires et réticence des personnels...". À noter aussi que les communes de moins de 10.000 habitants sont celles qui ont rencontré le plus de difficultés. 
Dans le détail, parmi les causes de non-adhésion à l'expérimentation, le contexte réglementaire pose problème aux responsables de restaurants collectifs pour se porter volontaires sans se placer dans une situation de non-conformité au regard de la réglementation ou de la qualité nutritionnelle des menus servis. Même si de nombreux outils et guides ont été développés depuis la loi Egalim et l'obligation d'un menu végétarien hebdomadaire, "aucun guide explicatif n'est à l'heure actuelle disponible pour faciliter le déploiement d'une offre quotidienne de menu végétarien", relève le rapport. "Beaucoup de responsables de restaurants collectifs s'interrogent sur l'articulation des exigences réglementaires de l'arrêté du 30 septembre 2011 avec la mise en œuvre d'une option végétarienne quotidienne", rapporte le document.

De nouvelles questions : isoflavones 

De plus, si plusieurs avis scientifiques, notamment de l'Anses, sont venus éclairer les professionnels quant aux besoins nutritionnels indispensables à la bonne croissance des enfants en bas âge et des adolescents, de nouvelles questions apparaissent. "Des avis complémentaires sont nécessaires, notamment sur les isoflavones ou encore sur les aliments ultratransformés" (AUT) auxquels il faut limiter le recours. En France, l'alimentation n'est pas déficitaire en protéines mais c'est surtout la question des micronutriments associés aux protéines d'origine animale qui risquent, en cas de régime végétarien, de ne plus être consommés, comme le fer, les vitamines B12 et D, le zinc et les acides gras oméga 3. 

L'ensemble des personnels n'est pas encore formé

Autre difficulté : la formation. Certes une formation initiale du personnel a vu le jour. Les formations diplômantes dans l'Éducation nationale ont intégré des modules relatifs à la cuisine végétarienne et au développement durable. En formation continue, plusieurs modules sont à disposition des professionnels. "Toutefois l'ensemble des personnels n'est pas encore formé", note le rapport et "la réussite à cet égard repose sur une volonté politique locale réelle". Le rapport souligne que cette "démarche doit concerner la totalité du personnel en cuisine mais aussi ceux en charge du service ou encore les animateurs". Les facteurs de réussite passent par "une mobilisation et une adhésion de l'ensemble de l'écosystème de la restauration collective à savoir les parents d'élèves, les collectivités territoriales, les gestionnaires, les diététiciens"… 

Des investissements en ressources humaines et en équipement

Autre obstacle : les investissements. "Les structures importantes qui ont pu développer une augmentation de la fréquence des menus végétariens dans leur restauration collective ont réalisé des investissements tant en ressources humaines qu'en équipement, voire en locaux mieux adaptés", constate le rapport. Il souligne que souvent, "des nutritionnistes–diététiciens sont recrutés, ou tout du moins sollicités, pour assurer la supervision de l'élaboration des menus" et a contrario qu'ils ne le sont pas au sein des petites collectivités qui n'en ont pas les moyens. 
Car la préparation de plats végétariens "fait maison" nécessite plus de personnels formés mais aussi du matériel spécifique. C'est pourquoi des investissements sont nécessaires pour éviter au maximum d'avoir recours à des plats déjà préparés ou des aliments ultratransformés

Se regrouper pour investir collectivement et dans le temps

Le rapport souligne à quel point "les investissements supplémentaires, en matériel ou en locaux, pour préparer et cuire les légumes ne sont pas toujours possibles ou prendront plusieurs années pour leur mise en œuvre". "Pour de telles structures, les outils d'aide mis à disposition, le partage de bonnes pratiques, sont absolument nécessaires et les investissements doivent être étalés dans le temps", préconise-t-il. Certaines communes ont choisi l'option de se regrouper pour investir collectivement, pointe le rapport, estimant que cela semble "être positif et fructueux". 
En outre, l'outil "Ma Cantine" est utile mais il est encore trop méconnu et jugé parfois "complexe". Il permet "d'apporter beaucoup d'informations nécessaires, d'échanger entre les collectivités et les professionnels, d'informer les bénéficiaires des restaurants collectifs et de collecter beaucoup de données." 

Marchés publics : demande des clarifications 

À noter que si les marchés publics d'achat de produits respectueux de l'environnement prennent en compte les critères définis par la loi, les objectifs de 50% des achats ne sont pas encore atteints par bon nombre de collectivités territoriales. Certains critères de la loi sont encore sujets à interprétation. "Les gérants des collectivités audités sont demandeurs de clarification pour certains de ces critères", note le rapport. 
Enfin, concernant le gaspillage, "les collectivités territoriales n'ont pas pu fournir de données comparatives entre les repas végétariens et les repas non végétariens permettant de juger de l'impact des menus végétariens à cet égard". Pour toutes ces raisons, "il est trop tôt aujourd'hui pour effectuer un bilan pertinent permettant d'avoir une image représentative de la situation et en tirer des conclusions", conclut le rapport.