Congrès des maires – Restauration collective : des élus désireux d'offrir d'une alimentation plus saine, avec les PAT
Un forum consacré aux cantines et aux projets alimentaires territoriaux (PAT) s'est tenu mercredi 22 novembre dans le cadre du 105e Congrès des maires. Inadaptation des règles de la commande publique, inflation, respect des délais impartis dans le cadre des lois Egalim et Climat et Résilience... ce forum a permis de faire le point sur les obstacles que rencontrent les élus désireux d'offrir une alimentation plus saine dans le cadre de la restauration collective. Et si 427 PAT favorisent déjà la structuration des filières locales, les maires attendent aussi un plus grand soutien de l'Etat.
"Vous achetez ce que vous voulez mais pas comme vous voulez." Cette confidence rapportée d'un juge - qu'on ne citera pas - à Maxime Cordier, vice-président d'Agores, venu participer à une table ronde sur les cantines lors du Congrès des maires mercredi 22 novembre donne le ton. "Il ne faut pas se méprendre, personne n'encourage à contourner le cadre des marchés publics mais de toute évidence ce cadre doit être rénové", s'accordent à dire les maires désireux de proposer une alimentation locale, bio, issue de circuits-courts de la cantine à l'Ehpad. Et ce ne sont pas les bonnes volontés qui manquent.
"On fait quelque chose de courageux et d'un peu gonflé", annonce fièrement Maider Arosteguy maire de Biarritz, venue témoigner de la politique agricole menée au Pays basque au sein de l'agglomération "en faveur d'une agriculture bio, durable de petits producteurs" . "On a dépensé pratiquement 2 millions d'euros pour racheter un terrain qui était fléché sur du logement pour en faire une ferme urbaine", se félicite l'élue. Car la difficulté, bien souvent, "c'est de maintenir des petits maraichers".
124 grammes de déchets alimentaires par jour
Quand on parle de cantines bio, durables, en circuit-court, impossible d'échapper à la référence Mouans-Sartoux. Dans cette commune, le déclic pour mettre en place une qualité alimentaire a été la crise de la vache folle en 1998. "On a basculé sur le bœuf bio du jour au lendemain", raconte Gilles Pérole, co-président du groupe de travail "alimentation et restauration" de l'Association des maires de France (AMF). Ce n'est qu'en 2008 que la commune a décidé de passer au 100% bio, au moment du Grenelle de l'environnement qui prévoyait 20% de bio en restauration collective pour 2012. "On voit qu'on en est loin encore aujourd'hui", regrette-t-il. Selon lui, le levier principal est la réduction du gaspillage alimentaire. On estime que chaque menu génère 124 grammes de déchets alimentaires par jour. A Mouans-Sartoux, on est à 30 grammes/jour. L'animateur du forum rappelle une formule choc que l'élu avait à l'époque pour la presse : "Je suis allé chercher 20 centimes dans les poubelles". Une formule toujours d'actualité dans un contexte d'inflation et de recherche d'économies. Il préconise aussi un travail de diversification des protéines alimentaires : "un repas végétarien fait maison, c'est deux fois moins cher à produire".
Livraison à domicile pour les aînés
La maire de Millau, Emmanuelle Gazel, souligne pour sa part la nécessité d'une accessibilité à tous à des repas de qualité, "sains, bios et de saison". Depuis 2020, la mairie a pris l'engagement d'aller vers du 100% bio, avec le plus de local possible. "Nous sommes passés de 21% à 60% certifié Ecocert, dont la moitié en local. Nous avions le souci aussi de rendre la cantine accessible à tous et nous avons donc créé une tarification progressive à partir de 1 euro pour avoir un prix adapté aux capacités financières des familles". La commune rend aussi accessible sa restauration collective aux ainés et leur propose une livraison à domicile sur la base d'une tarification sociale. Le tout fonctionne en régie, sur un budget annexe de 1,8 million d'euros, "qui permet de mener cette politique extrêmement volontariste". Emmanuelle Gazel raconte aussi sur le ton de l'anecdote que la commune propose du pain bio deux jours par semaine et que ce n'est pas le jour où les enfants mangent le plus de pain… L'occasion de rappeler que l'éducation au goût est un chantier qui nécessite du temps et de la patience.
"On verra si l'Europe nous entend, il faudra crier bien fort"
Sur la question de la restauration collective, reste toujours "une face un peu sombre" : les règles de commande publique. "Pour privilégier le local dans la commande publique, on le sait tous, ce n'est quand même pas simple. On rédige nos marchés de manière à mettre en avant une particularité d'un producteur que l'on connait bien par exemple….", reconnait timidement Emmanuelle Gazel.
Dans les propositions faites par l'AMF lors des dernières élections présidentielles, Gilles Pérole rappelle que l'association avait demandé d'insérer l'exception alimentaire dans la commande publique. "Il est aberrant de nous demander de porter des politiques publiques de relocalisation de l'agriculture et de nous empêcher d'acheter en proximité alors que la loi Résilience prévoit qu'à terme on doit approvisionner nos cantines à partir des PAT, c'est schizophrénique !", s'emporte l'élu. D'où la nécessité d'un changement de réglementation au niveau européen. Dès le mois de janvier 2024, l'AMF va réclamer à ce que 50% des marchés soient accessibles directement aux producteurs des territoires locaux. "On verra si l'Europe nous entend, il faudra crier bien fort", conclut Gilles Pérole.
50% des achats libres des procédures
L'idée de plusieurs associations européennes qui travaillent sur le sujet, c'est plutôt d'abandonner le terme "exception" pour aller vers un nouveau cadre de la commande publique, "ce qui sera plus 'entendable' par la Commission européenne", estime le spécialiste Pérole. Et d'ajouter : "il faut aussi envisager que nos agriculteurs ont autre chose à faire que de répondre à de la paperasse pour des marchés publics". Une stratégie qui doit s'avérer payante car la politique des circuits courts concerne de nombreux pays européens.
Maxime Cordier vice-président de l'Agores, confirme les propos de Gilles Pérole et notamment la situation de "schizophrénie" de la commande publique. "Aujourd'hui la directive Marchés européenne s'oppose à une application simple de cette volonté politique qui consiste à territorialiser l'alimentation de la restauration collective", confirme ce responsable de la production des repas à Fontenay-sous-Bois. Comme l'AMF, l'Agores travaille donc aussi à un "nouveau règlement européen pour une commande publique de nouvelle génération au sein de la directive européenne qui puisse permettre d'avoir 50% des achats libres de nos procédures". "Et non accessible à tous", souligne Maxime Cordier.
Ce dernier regrette par ailleurs que "la marque employeur fonctionnaires territoriaux" ne soit pas prisée, "notamment en restauration". Il faut trouver une équipe qui puisse orchestrer une politique. Ils sont plusieurs à souligner les difficultés de recrutement dans le secteur. C'est d'ailleurs souvent le frein pour qu'une commune bascule de la délégation de service public (DSP) à la régie. Rappelons que d'après la dernière enquête de l'AMF de 2020, 40% des communes sont en DSP et 60% en régie. Une tendance qui s'inverse pour l'Ile-de-France.
Le PAT organise la synergie des acteurs sur le terrain
Le forum a abordé en seconde partie la question des projets alimentaires territoriaux (PAT), créés en 2014. "C'est un grand enjeu pour l'AMF de demander au gouvernement de continuer à financer ces PAT", indique Gilles Pérole, qui précise "qu'ils sont passés d'une centaine à 427 en peu de temps car des financements sont arrivés". "Nous attendons une réponse du ministre qui a eu 17% d'augmentation de son budget", glisse-t-il. Selon lui, "Les PAT, c'est très concret : c'est faire travailler ensemble sur le terrain les agriculteurs, les collectivités, les porteurs de projets et la population". Ils favorisant la structuration des filières locales ; la cantine étant l'un des principaux débouchés. Gilles Pérole estime que cet outil doit être un levier d'approvisionnement local. "Préverser les terres agricoles pour l'approvisionnement local, c'est un enjeu de sécurité alimentaire", affirme-t-il, citant l'initiative de la ville de Villejuif qui vient d'acheter une ferme à 150 kilomètres (voir notre interview du 11 mai 2023). "Je suis un grand défenseur des PAT communaux je suis convaincu qu'il faut un PAT communal et intercommunal et qu'ils travaillent en synergie", poursuit le co-président du groupe de travail alimentation et restauration de l'AMF.