Projets alimentaires territoriaux : 400 démarches et des incertitudes sur la suite des financements
Avec le soutien du plan de relance, les projets alimentaires territoriaux se sont multipliés et près de 400 PAT, dont une quarantaine de niveau 2, sont actuellement reconnus par le ministère de l’Agriculture. Les trois quarts sont portés par une collectivité territoriale, les communautés de communes étant notamment de plus en plus à la manœuvre. Localtis a fait le point sur ce "boom" des projets avec le Réseau national des PAT, alors que les territoires ne savent pas encore de quels moyens ils disposeront, à partir de l’été prochain, pour poursuivre les démarches.
Près de 400 projets alimentaires territoriaux (PAT) sont désormais reconnus par le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, a indiqué ce dernier sur son site le 24 janvier 2023. Plus exactement, 387 PAT sont reconnus, dont une quarantaine de niveau 2 (projets opérationnels) et les autres de niveau 1 (projets émergeants). Un changement d’échelle des démarches labellisées a eu lieu ces deux dernières années avec les 80 millions du plan de relance (voir notre article du 23 septembre 2020) et le ministère souligne que l’objectif d’avoir un moins un PAT reconnu par département est atteint
Le PAT est un projet de territoire "collectif et systémique", visant à "rapprocher tous les acteurs de l’alimentation" et à "mettre en cohérence l’ensemble des démarches pour développer une alimentation durable et une alimentation de qualité", rappelle le ministère dans une présentation figurant sur son site. Il ajoute que le dispositif est fondé "sur des démarches volontaires et ascendantes", d’où la diversité des périmètres d’actions et des porteurs de projet – commune, établissement public de coopération intercommunale (EPCI), département, pôle d’équilibre territorial et rural (PETR), parc naturel régional (PNR) ou encore association.
Les trois quarts des PAT portés par une collectivité
Dans une note de l’Observatoire national des PAT intitulée PATnorama 4 et datée de septembre 2022, le Réseau national des PAT (RnPAT) identifie 30 autres projets non-labellisés – par choix, manque de temps ou parce qu’ils "sont le résultat de scissions de PAT initialement portés à une plus grande échelle". Mais "l’’écart entre les PAT identifiés et les PAT labellisés tend à être de plus en plus faible, compte tenu de la grande incitation à la labellisation devenue une condition préalable et obligatoire pour prétendre aux subventions".
Le RnPAT indique que près des trois quarts des PAT sont portés par une collectivité territoriale, d’abord par des communautés de communes (31,5%) et des intercommunalités urbaines (29,5%), mais également par des départements (6,7%) et des communes (5,7%). Pour quasiment l’ensemble du dernier quart (23%), les PAT sont portés par des territoires de projets – PETR, pays, syndicats mixtes, pôles métropolitains, PNR. Une "percée des communautés de communes" est observée, alors que ces dernières n’étaient que le troisième type de porteur en 2020 "derrière les intercommunalités urbaines et les territoires de projet".
"La montée d’instances de plus petite taille, à visée plus opérationnelle et de gestion, tournées vers ‘l’action immédiate’" interroge "quant à la mise en place de stratégies alimentaires dans le maillage territorial et administratif considéré comme adéquat dans les espaces ruraux", selon le RnPAT. Ce dernier constate en parallèle une "moindre évolution du portage par les pays et pôles territoriaux chargés de développer des stratégies de développement à long terme". En étudiant plus particulièrement un échantillon de 17 PAT émergeants, le Réseau repère un "effet d’aubaine" pour 11 d’entre eux, tandis que les six autres territoires avaient déjà amorcé une réflexion sur les enjeux agricoles et alimentaires avant l’appel à projets.
Enchevêtrement
La difficulté qui peut se poser pour certains porteurs de projet de petite taille est celle des moyens d’animation et d’ingénierie. La dynamique ne sera pas la même "en fonction des moyens disponibles et de la volonté politique derrière", constate auprès de Localtis Paul Mazerand, responsable animation des réseaux à Terres en villes – l’association qui anime le RnPAT.
"Il y a plein de cas d’enchevêtrement de PAT, avec différentes échelles et différentes orientations", explique Paul Mazerand. Si l’articulation a normalement été précisée dans le cadre de la reconnaissance du ou des PAT, il importe selon lui "que les moyens convergent". Certains territoires parviennent à articuler les différents niveaux, à l’instar du projet alimentaire inter-territorial (PAIT) de la région grenobloise qui regroupe la métropole, la ville de Grenoble, quatre communautés de communes et d’agglomération, les deux PNR du Vercors et de la Chartreuse, l’association Espace Belledonne, ainsi que le Réseau des conseils de développement de la région grenobloise, la Chambre d’agriculture de l’Isère et un collectif s’intéressant à l’autonomie alimentaire. "Ils se sont mis d’accord sur un PAIT et en même temps ils déclinent des projets à l’échelle des territoires de proximité, voire des communes", souligne Paul Mazerand.
"Grande incertitude" sur les financements
À partir de l’échantillon de PAT émergents observés, le RnPAT repère dans sa note PATnorama 4 une tendance générale à favoriser "une vision de l’alimentation plus systémique" - économie agricole et alimentaire, mais aussi accessibilité sociale, nutrition, santé et restauration collective -, mais un investissement encore "timide" dans la sphère environnementale – notamment une absence des dimensions d’urbanisme et d’aménagement. Les PAT opérationnels, selon un échantillon de 27 PAT de niveau 2, sont en revanche "plus ambitieux en matière de transition écologique de l’alimentation".
L’ancienneté du projet joue évidemment un rôle pour avancer dans la résolution de problématiques complexes, telles que l’artificialisation des terres. Ce qui nécessite de la continuité dans les moyens mis à disposition de ces dynamiques territoriales. Alors que beaucoup de territoires se sont emparés du dispositif PAT du fait de l’opportunité des financements, "il y a désormais une grande incertitude sur les moyens qui vont être mis à disposition après le plan de relance et après le Programme national pour l’alimentation" (PNA), indique Paul Mazerand. Le PNA va en effet être remplacé à l’été 2023 par une "Stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat" dont on ne connaît pas encore les contours. "Les territoires sont dans l’attente, puisque les fonds du plan de relance étaient pour deux ans maximum et que beaucoup d’actions financées vont arriver à échéance", poursuit Paul Mazerand.
Les résultats d’un dernier appel à projets (voir notre article du 1er décembre 2022), portant sur l’émergence et l’accompagnement des PAT au niveau régional, devraient être annoncés lors du prochain Salon de l’agriculture, qui s’ouvre le 25 février prochain. L’occasion peut-être, pour le ministère de l’Agriculture, de préciser ses intentions pour la suite des PAT.
Alors que la filière bio traverse une zone de turbulence, Terra Nova voit dans les projets alimentaires territoriaux (PAT) un moyen de réaliser des économies d’échelle et donc de faire baisser les coûts. Car ces derniers sont les principaux freins à la consommation de produits bio, surtout en période d’inflation et de baisse du pouvoir d’achat (voir notre article du 13 février 2023). Dans un rapport publié le 15 février, le cercle de réflexion se demande si cette baisse de la consommation en bio est un "simple ralentissement" ou un "véritable décrochage". Il appelle, parmi 23 propositions, à "continuer de développer les PAT", sachant que nombre d’entre eux sont particulièrement attachés à la filière bio. Ils permettent plusieurs actions en ce sens : "établir un diagnostic de la progression de l’agriculture biologique", "sensibiliser les élus aux spécificités et intérêts de l’agriculture biologique" ou encore "créer une régie municipale agricole", comme l’ont fait les PAT Pays du Grand Bergeracois ou de Mouans Sartoux. C’est aussi dans le cadre des PAT, que de nombreuses métropoles comme Aix-Marseille ont pu sécuriser les commandes des producteurs et l’approvisionnement de leurs cantines en s’engageant à leur fournir "pendant plusieurs années" des produits locaux. "C’est une garantie de prix et de durée pour le producteur, qui lui permet, grâce à ces marges, de s’équiper, éventuellement en mutualisant les investissement", souligne le rapport. |