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Conférence des villes - Responsabilités sociales : les villes prêtes à s'engager davantage, si l'État répond in fine

Lutte contre la pauvreté et insertion, santé, hébergement des demandeurs d'asile... en première ligne, les maires et présidents de communautés et métropoles entendent assumer leurs responsabilités sociales, mais demandent à l'État de les y aider.

Une fois n'est pas coutume, la Conférence des villes organisée par France urbaine ce 19 septembre s'est ouverte sur "la thématique sociale". Cette dernière est "au cœur de nos réalités, des vécus sur lesquels nous sommes interrogés", a justifié en préambule Jean-Luc Moudenc, maire de Toulouse et président de France urbaine, ajoutant qu'il ne s'agissait pas de "faire ombrage à quelque collectivité que ce soit". "Les deux tiers des plus pauvres vivent dans les grandes villes", a embrayé Louis Maurin, directeur de l'Observatoire des inégalités, venu tordre l'"idée reçue selon laquelle la pauvreté serait bien loin des villes".
Intitulé "Les nouvelles responsabilités sociales des territoires urbains", ce temps d'échange aura surtout été l'occasion pour les élus des villes de rappeler l'étendue des sujets sur lesquels ils sont en première ligne, sans pour autant disposer de tous les leviers. Et de réagir aux annonces du gouvernement en la matière, à commencer par les plus récentes sur la pauvreté et la santé. 

Contractualisations sur l'insertion : les villes, communautés et métropoles invitées à prendre leur place

"Vous êtes la première ligne de front de l'accès au droit", a considéré Olivier Noblecourt, délégué interministériel à la prévention et à la lutte contre la pauvreté, récapitulant les mesures du plan présenté la semaine dernière (voir notre article du 13 septembre 2018) et invitant les villes et agglomérations à investir la dynamique de contractualisation entre État et collectivités sur l'insertion. Avec un fonds de contractualisation de 250 millions d'euros par an - dont 50 millions du fonds d’appui aux politiques d’insertion lancé en 2017 -, il s'agit de "vous donner plus de moyens, plus de liberté", sans "vous dire comment faire", a insisté Olivier Noblecourt, ancien maire adjoint à l'action sociale de Grenoble.
Tout en saluant l'intérêt de la démarche contractualisation, les élus ne se sont pas attardés sur le fond - ni sur des dossiers qui les mobilisent tels que le plan Logement d'abord ou le périscolaire, ni sur les organisations mises en place au lendemain de la loi Maptam.

"France urbaine va s'engager à fond sur la question de la santé"

Ils ont en revanche marqué plus d'enthousiasme à l'évocation du plan Santé, présenté la veille (voir notre article du 18 septembre 2018). "France urbaine va s'engager à fond sur la question de la santé", a ainsi annoncé son secrétaire général André Rossinot, président de la métropole du Grand Nancy et médecin de formation. Dans sa métropole, la politique de "santé et bien-être" engloberait désormais un champ très large : "l'écologie, le monde de la solidarité, l'accès au soin et au logement".
Le plan Santé pourrait "redonner à la démocratie sanitaire tous ses pouvoirs", s'est réjoui François Arnault, délégué général aux relations internes au Conseil national de l’ordre des médecins, soulignant le "rôle" des maires des grandes villes pour désengorger les urgences des CHU.
Pour André Rossinot, ce rôle ne pourra réellement être joué qu'à condition de "casser" l'organisation actuelle consacrant le rôle prééminent des agences régionales de santé, qui ne permettrait pas aux territoires de se faire entendre. Dans le cadre actuel, les contrats locaux de santé ne sont "pas franchement attractifs", ils "n'engagent pas", d'où, selon l'élu nancéien, une couverture de seulement 30% du territoire français.

Migrants, dédoublement des CP-CE1... ne pas intégrer dans les pactes financiers tout ce que les villes font "en lieu et place de l'État"

Les élus urbains sont donc demandeurs de contractualisation avec l'État, mais pas à n'importe quelle condition. Les pactes financiers sont pour eux le meilleur exemple en la matière. "Sur les migrants ou autres, on ne peut pas nous demander que ça rentre dans 1,2% [de croissance des dépenses de fonctionnement, ndlr] alors que c'est en lieu et place de l'État", a jugé Roland Ries, maire de Strasbourg, expliquant qu'il avait dû "faire passer" le pacte "au forceps".
Un avis partagé par Johanna Rolland, maire de Nantes et présidente de Nantes Métropole, qui dit avoir mobilisé 1 million d'euros pour les migrants. "Nous sommes en responsabilité de fait sur un sujet sur lequel nous n'avons aucune compétence légale", a-t-elle fait valoir. Citant également le dédoublement des classes de CP et CE1 dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, une "belle mesure" mais qui n'aurait pas à être imputée au contrat de maîtrise des dépenses, la maire de Nantes a appelé à poursuivre le travail de "clarification" amorcé dans le cadre du Pacte de Dijon.

Face aux "mécontentements" et aux "dysfonctionnements", l'importance de "réaffirmer le rôle essentiel de l'État"

Clarifier dans quel sens ? C'est à l'échelle de chaque territoire que cela devrait désormais se dessiner, principe de "différenciation territoriale" oblige. L'important étant "que chaque collectivité ait son rôle à jouer et qu'on l'aide à le jouer", a jugé Roland Ries, se fondant sur l'expérience de la convention de délégation de compétences sociales entre le département du Bas-Rhin et la métropole de Strasbourg.
Et pour le citoyen, les choses seront-elles plus claires ? "Je sens des mécontentements monter, je sens des dysfonctionnements se répandre (…). Il nous faut réaffirmer le rôle essentiel de l'État", a appuyé Jean-Luc Moudenc, alors qu'il devait s'adresser au Premier ministre dans l'après-midi.