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Environnement - Réseaux d'eau potable : 60 millions de consommateurs relance la chasse aux fuites

Une enquête rendue publique le 20 mars par 60 millions de consommateurs alerte sur les piètres rendements et fuites d'eau détectées mais délicates à régler dans de nombreux réseaux d'eau potable. Selon l'association, un litre d'eau potable sur cinq est perdu lors de sa distribution.

Où en est-on, plus de deux ans après sa parution, dans l'application du décret invitant les collectivités à mettre en œuvre des plans d'actions pour réduire les pertes d'eau dans les réseaux de distribution ? "Presque au point mort", déplore-t-on chez 60 millions de consommateurs. L'association a publié ce 20 mars une enquête sur l'état du patrimoine de distribution d'eau potable dans 101 préfectures de France, réalisé avec l'appui de l'association France Libertés-Danielle Mitterrand. "En toute urgence, pour respecter l'échéance de fin 2013 et éviter les pénalités (en fait, des majorations de la redevance aux agences de l'eau, NDLR), des collectivités votent des plans d'actions mais le retard perdure du fait d'un manque de connaissance des réseaux dont elles sont propriétaires. Or pour réduire les fuites et donc améliorer le rendement, impossible de passer outre cette phase de diagnostic et d'inventaire". Réunir des données fiables dans le domaine reste un casse-tête. Auquel l'association s'est frottée en allant piocher dans différentes sources : rapports annuels sur le prix et la qualité du service (RPQS) d'eau potable émis par les maires, base de données nationale Sispea (Services publics d'eau et d'assainissement) également alimentée au bon vouloir des collectivités… Et auprès de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema) et de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), même s'ils "manquent également d'informations".

Rares sont les bons élèves

En complément, il a donc fallu remonter directement aux services d'eau, "souvent jusqu'au maire pour obtenir un retour". Dans des villes comme Gap (Hautes-Alpes), Evry (Essonne) ou Foix (Ariège), aucune donnée n'a été communiquée. Malgré cela, l'inventaire des taux de fuite et indice linéaire de pertes établi par l'association est plutôt complet. Il en ressort quelques constats connus (une enquête similaire mais sur moins de villes, une cinquantaine à l'époque, a été menée il y a cinq ans) : par exemple que Paris mais aussi Reims, Blois, Vannes, Agen, Le Mans, Orléans, Moulins, Créteil et Melun font partie des villes les plus économes pour leur eau potable (4 à 8% de pertes). A l'opposé, Digne-les-Bains (Alpes-de-Haute-Provence) accuse le taux le plus élevé de pertes (54%), devant des collectivités comme Bar-le-Duc (48%), Tulle (36%), Evreux (36%), Cahors (34%), Belfort (33%), Avignon et Epinal (32%) ou encore Tarbes (30%). Les communes de la Martinique et de la Réunion sont tout aussi mal loties. L'exemple de l'agglomération de Nîmes est cité : "17 mètres cubes d'eau par jour et par kilomètre de réseau y sont perdus, contre 3,4 m3 en moyenne en France", indique l'étude. Comme d'autres, l'agglomération doit mettre dans la balance un prix de l'eau acceptable d'un côté, et des enveloppes de travaux non extensibles à l'infini de l'autre.

Rapprocher les services

Car changer les canalisations a un coût. 60 millions de consommateurs l'évalue entre 100.000 et 200.000 euros par kilomètre de canalisation renouvelée en milieu rural, et 400.000 et 800.000 euros en ville. Pour Emmanuel Poilane, directeur de la fondation France Libertés-Danielle Mitterrand, la seule issue possible en ces temps de disette budgétaire consiste donc à "mutualiser les moyens, à regrouper les services en mettant tout le monde autour de la table, élus et délégataires". Le bon niveau pour agir est-il intercommunal ? "Le départemental l'est aussi et Eau 47 dans le Lot ou Vendée Eau dans le département du même nom, une structure qui fédère à cet échelon des syndicats ruraux, ont montré la voie." L'association rappelle qu'en Vendée, c'est la contrainte pesant sur la ressource (faible abondance et une eau surtout de surface) qui a motivé un rapprochement entre acteurs et un renouvellement bien mené du réseau, en étalant et amortissant mieux les coûts. "C'est un exemple à suivre pour de nombreux petits syndicats qui, seuls, sont dans l'incapacité de réaliser les investissements nécessaires pour entamer ce renouvellement de réseau." Un appel à plus de péréquation a donc été formulé, pour ne pas que l'écart se creuse entre collectivités. "Car plus les élus attendent, plus la situation s'aggrave."