Rénovation énergétique des bâtiments publics : la loi sur l’expérimentation du tiers-financement est publiée
Pour faciliter et accélérer la rénovation énergétique de leurs bâtiments publics, notamment scolaires, la loi ouvre désormais aux collectivités territoriales l’expérimentation du mécanisme du tiers-financement des marchés globaux de performance. Autrement dit, la possibilité de lisser dans le temps le coût de l’investissement des travaux grâce aux futures économies d’énergie qu’ils entraîneront.
La loi visant à ouvrir le recours au tiers-financement à l’État et aux collectivités territoriales pour massifier la rénovation énergétique des bâtiments publics, portée par le député Renaissance Thomas Cazenave, a été promulguée ce 31 mars. Ce texte, qui prévoit d’expérimenter cet outil pendant cinq ans, afin de lever les obstacles pour franchir le "mur d’investissement" auquel font face les acteurs publics en la matière - chiffré autour de 400 milliards d’euros et 300 millions de mètres carrés pour les collectivités - avait été définitivement adopté le 22 mars par le Parlement, après le vote des députés.
Techniquement, il fait sauter un verrou de la commande publique, en les autorisant à recourir au paiement différé, tout en gardant une maîtrise d’ouvrage publique, par le biais d’un dispositif ad hoc. Le texte prend ainsi appui sur des contrats de performance énergétique (CPE) conclus par l’État, les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements, sous la forme d’un marché global de performance pour la rénovation d’un ou plusieurs de leurs bâtiments. Ce type d’opération n’était pas possible jusqu’à présent, sauf à recourir aux marchés de partenariat, modalité complexe et contraignante, et donc très peu utilisée à l’appui des CPE.
Comme son nom l'indique, le tiers-financement permet de faire reposer sur un tiers, qui peut être soit l'entreprise titulaire du contrat, soit une société de tiers-financement, soit un organisme financier, le financement de l’opération, puis de ne s'acquitter de sa dette qu'une fois les travaux terminés, selon une échéance définie contractuellement, c’est-à-dire à mesure que les économies d’énergie seront réalisées. La particularité du dispositif est de pouvoir s’appuyer par exemple, sur son intercommunalité, sur la Banque des Territoires, une société d’économie mixte (SEM), une société publique locale (SPL) ou même un syndicat d’énergie.
Le texte clarifie au passage l’intervention des structures de mutualisation publiques (typiquement les EPCI et syndicats d’énergie) dans la réalisation des études et travaux de rénovation énergétiques des bâtiments publics de leurs membres, et leur permet d’en assurer le tiers-financement. Toute élément de seuil initialement prévu pour recourir à ces opérations a également été supprimé au début de l’examen du texte pour permettre aux petites communes de s’en saisir.
Traçabilité de la dette et garde-fous
Pour assurer la transparence sur les engagements financiers contractés par les collectivités qui auront recours à cette expérimentation, le texte comporte certaines précautions visant à identifier clairement les coûts et la dette que représenteront ces nouveaux contrats. Il complète notamment les documents budgétaires des collectivités ou des établissements publics concernés en les assortissant de deux nouvelles annexes : la première retraçant l'ensemble des engagements financiers résultant des contrats de performance énergétique conclus dans le cadre de cette expérimentation et la seconde retraçant la dette liée à la part d'investissement de ces mêmes contrats. S’y ajoutent un certain nombre de garde-fous pour limiter les risques de surendettement. Pour conclure ces contrats, l’État et les collectivités devront donc démontrer la soutenabilité budgétaire de leur opération, mais surtout son efficacité énergétique par une étude préalable de l’intérêt du projet en particulier au regard du critère de la performance énergétique.
La procédure de passation de ce marché ne pourra être engagée que si l’étude préalable démontre que le recours à un tel contrat est "plus favorable" que le recours à d'autres modes de réalisation du projet, notamment en termes de performance énergétique, le critère du paiement différé ne pouvant à lui seul constituer l'unique avantage mis en avant.
Une étude de soutenabilité budgétaire devra en outre permettre d'évaluer la viabilité financière du projet, sachant que les économies d'énergie réalisées ne pourront pas compenser intégralement les importants coûts que représentent les travaux de rénovation énergétique. Celle-ci devra identifier clairement les engagements financiers supportés par chacune des personnes morales concernées, lorsque le marché est conclu pour les besoins de plusieurs d'entre elles.
L’étude préalable, l'étude de soutenabilité budgétaire et les avis sur celles-ci sont présentés à l'assemblée délibérante de la collectivité ou à l'organe délibérant de l’établissement public local, qui se prononce sur le principe du recours à un marché global de performance. Quant aux modalités de passation, d'exécution et de résiliation des contrats conclus dans le cadre de l’expérimentation, elles reprennent en grande partie les dispositions des articles L.2221-1 à L.2235-3 du code de la commande publique. Sont notamment applicables, l’autorisation de la signature du marché par l'assemblée délibérante ou l'organe délibérant, ou encore le droit à l'indemnisation des dépenses engagées par le titulaire du contrat lorsque celui-ci est annulé ou résilié par le juge à la suite du recours d'un tiers. Notons que la durée du marché global de performance est elle aussi encadrée. Elle est déterminée "en fonction de la durée d'amortissement des investissements ou des modalités de financement retenues".
Rapport d'évaluation de l’expérimentation
Le principe d'un suivi régulier du dispositif expérimental par le gouvernement est posé. Dans la perspective d’une pérennisation du dispositif expérimental, la remise d’un rapport est également prévue dans les trois ans. Ce dernier devra notamment examiner le recours des communes de moins de 3.500 habitants à ces contrats, grâce à la mutualisation de plusieurs opérations entre différentes communes, l’accès des petites et moyennes entreprises ou le recours à ces contrats par catégories de collectivités territoriales. Il s’attachera bien sûr aussi à présenter le nombre et la destination des bâtiments publics ayant été rénovés grâce à ce dispositif, les économies d'énergie qu'il aura permis de réaliser et l'atteinte ou non des objectifs chiffrés de performance énergétique définis dans ces contrats.
Une mise à jour, six mois avant le terme de l'expérimentation, du rapport de mi-parcours est aussi actée.
Ce dispositif expérimental s’applique dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises. Seuls les marchés passés par l'État et ses établissements seront en revanche concernés.
Référence : loi n° 2023-222 du 30 mars 2023 visant à ouvrir le tiers financement à l'État, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales pour favoriser les travaux de rénovation énergétique, JO du 31 mars 2023, texte n° 2. |