Régulation des crèches privées : la proposition de loi de Céline Hervieu à l’agenda des députés
La proposition de loi socialiste, qui sera examinée le 12 décembre en séance publique par l’Assemblée nationale, comporte trois "mesures d’urgence pour protéger nos enfants accueillis en crèches privées à but lucratif" : interdire aux fonds d’investissement d’investir dans des crèches ou groupes de crèches, renforcer les sanctions financières à l’encontre des gestionnaires ne respectant pas les règles de sécurité et de qualité des lieux d’accueil et interdire les formations à distance dédiées à l’obtention du CAP petite enfance.
Un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) en avril 2023 (voir notre article), deux livres-enquêtes sur les crèches privées en septembre 2023, un rapport de la délégation aux droits des enfants de l’Assemblée nationale appelant, en novembre 2023, à mettre fin à la dérégulation du secteur (voir notre article), une commission d’enquête parlementaire ayant rendu sa copie en mai 2024 (voir notre article), le livre "Les Ogres" de Victor Castanet en septembre dernier (voir notre article), une mission d’information créée le 9 octobre 2024 au Sénat sur "le contrôle des crèches et ses éventuelles défaillances"… et, désormais, une proposition de loi (PPL) socialiste visant à prendre "des mesures d’urgence pour protéger nos enfants accueillis en crèches privées à but lucratif". Le texte sera examiné à l’occasion de la niche parlementaire du groupe socialiste, ce 4 décembre 2024 en commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale puis le 12 décembre en séance publique.
"Les dérives de ces structures privées sont nombreuses et doivent être sanctionnées", affirment les députés socialistes dans l’exposé des motifs de ce texte porté par la députée de Paris Céline Hervieu. "Ces entreprises représentent 33% des places de crèches en France, soit environ 160.000 berceaux", indiquent-ils, citant des chiffres de la Drees de 2023. "Le secteur des crèches privées a enregistré un chiffre d’affaires de plus de 1,7 milliard d’euros", selon une étude de l’institut Xerfi de 2020, ajoutent les députés. "Pire, cette recherche de profit effrénée est menée sous perfusion d’argent public", s’indignent les parlementaires, citant une étude de 2019 de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) selon laquelle "un berceau dans une crèche privée à but lucratif est financé à 66% en moyenne par la branche Famille de la sécurité sociale". Ces députés estiment ainsi "urgent de mettre un terme" à cette financiarisation à laquelle ils s’opposent pour le secteur de la petite enfance comme "pour l’ensemble des secteurs d’accueil et de prise en charge de personnes vulnérables" (personnes âgées et personnes handicapées).
Le groupe People & Baby dans la tourmente
La PPL contient trois articles. Le premier "interdit aux fonds d’investissement d’investir dans les crèches et les grands groupes qui les gèrent", afin de "stopper cette recherche effrénée du profit au détriment de la qualité". Une mesure qui toucherait directement les grands groupes privés que sont Les Petits Chaperons rouges (groupe Grandir, détenu en partie par le fonds Infravia Capital Partners), Babilou (fonds d’investissement Antin), La Maison bleue (le fonds TowerBrook et Bpifrance étant actionnaires minoritaires) et People & Baby (fonds de dette Alcentra).
Ce dernier, qui fait l’objet des accusations les plus lourdes dans le livre de Victor Castanet et qui connaît des difficultés importantes depuis plus d’un an, a récemment annoncé lancer une procédure de sauvegarde accélérée. People & Baby fait également face à une plainte de l’association Anticor pour "détournement de fonds publics et escroquerie au préjudice d’une personne publique".
Des sanctions financières aujourd’hui "dérisoires"
Le deuxième article de la PPL "renforce les sanctions financières quand les crèches ne respectent pas les règles basiques de sécurité et de qualité d’accueil du jeune enfant". Les sanctions financières actuelles sont "dérisoires", estiment les députés. La PPL prévoit des pénalités pouvant aller jusqu’à 10 millions d’euros.
Le troisième et dernier article "interdit les formations à distance pour l’obtention du CAP Petite Enfance". "Il n’est pas acceptable que des professionnels de la petite enfance soient formés via des modules en ligne, sans aucun contact avec les enfants", jugent les députés signataires, considérant que ces formations n’apportent pas "les garanties nécessaires" au bon exercice du métier, "amoindrissent le niveau de qualification des auxiliaires de puériculture" et "participent à la dégradation de la qualité de l’accueil".