Congrès des maires – Service public de la petite enfance : Agnès Canayer veut rassurer les élus

Les inquiétudes des élus portent sur le montant et les modalités de la compensation financière des nouvelles compétences liées au service public de la petite enfance (SPPE) – ce dernier entrant en vigueur au 1er janvier 2025 même si quatre décrets d’application sont encore attendus. Les petites intercommunalités, en particulier, pourraient ne rien toucher. Autre motif de préoccupation : la complexité induite par cette réforme, notamment en termes de transferts de compétences à l’échelon intercommunal. Lors du Congrès des maires, Agnès Canayer, la ministre en charge de la petite enfance, ainsi que le directeur général de la Cnaf et plusieurs experts des administrations centrales se sont efforcés de rassurer les élus, mettant l’accent sur quelques mesures de simplification, sur la bienveillance attendue des préfectures pour la première année de mise en œuvre et sur les promesses de ce SPPE pour les communes.   

Au 1er janvier 2025, le service public de la petite enfance (SPPE), tel que prévu dans la loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi, va entrer en application. Pour les communes, et les intercommunalités concernées, plusieurs compétences liées à l’accueil du jeune enfant deviennent ainsi obligatoires (voir notre article). Le 20 novembre, lors du 106e Congrès des maires et des présidents d’intercommunalité de France, une séquence était destinée à apporter des clarifications sur ces nouvelles compétences, les modalités de mise en œuvre et les compensations financières. Cela en présence de la ministre en charge de la famille et de la petite enfance, Agnès Canayer, du directeur général de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), Nicolas Grivel, et de plusieurs experts des administrations centrales de l’État.

"Il ne faut pas que les maires aient peur de ce service public de la petite enfance, au contraire, il faut qu’ils s’en emparent", a d’emblée cherché à rassurer la ministre de la Petite Enfance. "C’est un beau projet politique", a insisté Agnès Canayer, considérant qu’il s’agit d’un "vrai enjeu d’attractivité" pour les territoires et mettant l’accent sur "l’accompagnement" et les "moyens" mis au service de l’accueil du jeune enfant. 

Une compensation financière jugée insuffisante 

Coprésidents du groupe de travail petite enfance de l’Association des maires de France (AMF), Clotilde Robin, adjointe au maire de Roanne (42), et Daniel Cornalba, maire de L’Étang-la-Ville (78), saluent le travail approfondi de concertation qui a été réalisé avec les élus. "Il nous reste beaucoup à obtenir, en termes de compensation financière notamment", tempère toutefois Clotilde Robin. "Près de 40% des communes n’ont à ce jour pas d’agent dédié à la petite enfance en dehors des agents qui sont dans les crèches", ajoute Daniel Cornalba, pointant la nécessité de "recrutements", et donc de moyens, pour être à la hauteur de l’"ambition" du SPPE. 

"Les communes vont être compensées mais les intercos qui faisaient, à ce jour, ne vont pas être compensées", interpelle la maire d’une commune et vice-présidente d’une communauté de communes du Bas-Rhin, déplorant l’absence de "textes précis en temps et en heure". 

"Il nous reste quatre décrets d’application à affiner", en lien avec les élus, avait auparavant précisé la ministre. Le principal point d’achoppement porte sur les modalités de compensation financière. Dans la loi, seules les communes de plus de 3.500 habitants ont droit à compensation financière, ce qui exclut toute compensation pour les intercommunalités n’ayant pas de commune de cette taille. En outre, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025, le fonds de compensation s’élève à 86 millions d’euros – soit un montant bien maigre pour compenser les créations d’emplois présentées comme nécessaires pour mettre en œuvre le SPPE.

"J’espère aller plus loin, je compte beaucoup sur les sénateurs", évoque Agnès Canayer. Cette dernière plaiderait, en interministériel, pour le dépôt d’un amendement gouvernemental destiné à élargir l’enveloppe dédiée à la compensation, indique Jean-Baptiste Frossard, directeur de projet service public de la petite enfance à la direction de la sécurité sociale, à Localtis. 

Sur les moyens dédiés à la création de places, "la COG [convention d’objectifs et de gestion] est ambitieuse et qualitative", assure le directeur général de la Cnaf, considérant que l’augmentation de 1,5 milliard d’ici 2027 (par rapport aux 4,5 milliards financés en 2022) est "tout à fait considérable". Sur l’ingénierie, la "démarche d’appui auprès des élus" est en cours de structuration et va "monter en puissance", affirme Nicolas Grivel. 

L’actualisation "pragmatique et adaptée" des statuts sera nécessaire 

Autre source d’inquiétude pour les élus (voir notre article), le transfert de compétence à l’échelon intercommunal a été abordé spécifiquement par Isabelle Dorliat-Pouzet, sous-directrice des compétences et des institutions locales à la direction générale des collectivités locales (DGCL). "Oui il faudra actualiser les statuts", mais "le contrôle de légalité ne va pas regarder cela le 2 ou le 3 janvier", indique-t-elle. Les services des préfectures auraient reçu l’instruction d’être "à l’écoute et en appui des intercommunalités" pour ces nouveaux transferts de compétences qui pourront se faire "de manière pragmatique, concrète et adaptée" à chaque situation particulière, poursuit Isabelle Dorliat-Pouzet. 

La ministre affirme vouloir "simplifier la vie des élus locaux" et souligne une avancée dans ce sens : "Quand il y a une CTG [convention territoriale globale] avec la CAF qui fonctionne, avec un schéma qui existe, il n’y aura pas besoin de refaire ce qui existe déjà." En effet, pour la compétence du SPPE relative à la planification du maintien et du développement de l’offre d’accueil des jeunes enfants (en lien avec l’autre compétence correspondant au recensement des besoins), les communes ou intercommunalités de plus de 10.000 habitants auront l’obligation de réaliser et d’actualiser un schéma pluriannuel. Le fait de s’inscrire dans une CTG permettra donc de se dispenser de cette obligation, à condition que la CTG soit bien "au niveau d’exigence de ce qu’on définit pour le schéma", précise Jean-Baptiste Frossard. 

Avis des communes sur les projets de nouvelles structures : les critères bientôt définis par décret

Les modalités d’agrément et de contrôle des crèches évoluent également avec désormais un "avis conforme" de la commune ou de l’intercommunalité qui sera nécessaire pour tout porteur de projet. Sur demande de nombreuses communes, la possibilité pour le conseil municipal de déléguer au maire la réalisation de cet avis devrait être prochainement validé par un décret en Conseil d’État et également via une disposition du projet de loi de finances.   

Cet avis portera sur l’"opportunité" du projet, "pour vérifier que [celui-ci] correspond aux besoins de votre territoire" et sera la première étape du processus d’autorisation du projet, avant que le département n’ait à se prononcer sur des aspects de conformité réglementaire, qualité d’accueil et projet pédagogique, détaille Pauline Domingo, sous-directrice de l’enfance et de la famille à la direction générale de la cohésion sociale. Une élue émettant des doutes sur la capacité d’une commune à s’opposer au projet d’un grand groupe privé, Pauline Domingo répond que "les refus devront être justifiés au regard de critères" définis dans un décret. 

Dans la salle du Congrès des maires, à l’issue du point d’information, de nombreux élus affichent un visage perplexe, certains émettant des doutes sur la "simplification" qui leur est promise. De nombreux documents, dont le futur référentiel de qualité (voir notre article), seront publiés d’ici la fin de l’année pour les aider à y voir plus clair. La ministre a prévu en 2025 un "SPPE tour" pour "aller rencontrer et écouter les élus", "faire remonter les difficultés" et continuer à "faire de la pédagogie".