Congrès AMF - Réforme territoriale : et la commune dans tout ça ?
Si le volet le plus spectaculaire ou singulier de la réforme des collectivités est celui qui touche les départements et les régions avec la création du conseiller territorial, les communes voient elles aussi leur rôle largement modifié par le projet du gouvernement, essentiellement bien sûr par les volumineux articles du texte consacrés à l'intercommunalité : achèvement et rationalisation de la carte intercommunale, renforcement des compétences des communautés, diminution du nombre des vice-présidents des EPCI, élection des délégués communautaires au suffrage universel, modification de la composition et du rôle de la commission départementale de la coopération intercommunale… Sans oublier la création de trois nouvelles entités : les métropoles, les pôles métropolitains et les communes nouvelles. Ces dernières correspondant ni plus ni moins qu'à une fusion de commune, avec ou sans subsistance de "communes déléguées".
Au final, donc, cela fait beaucoup. Cela semble ne pas avoir échappé aux maires venus écouter ce mercredi 18 novembre la table ronde consacrée à cette réforme territoriale dans le cadre du 92e Congrès des maires de France. En sachant que les dispositifs proposés ne sont pas toujours simples… et peuvent encore assez largement évoluer.
Le Premier ministre, venu la veille s'exprimer devant ces mêmes maires (voir notre article ci-contre), a d'ailleurs lui-même esquissé quelques modifications possibles au volet intercommunalité du projet de loi. S'il n'a rien dit des métropoles et des communes nouvelles – ce dont certains élus se sont étonnés mercredi –, il a en effet indiqué que le gouvernement se montrerait plutôt ouvert sur le rôle des commissions départementales de coopération intercommunale (CDCI) face aux préfets ("lorsque vos représentants membres de la CDCI auront réuni la majorité des deux tiers sur une proposition, c'est cette proposition qui s'imposera") ou sur la répartition des sièges entre communes au sein de l'EPCI. Sur ce dernier point, il a fait savoir – et Alain Marleix, venu conclure la table ronde de mercredi, l'a confirmé – qu'en cas d'unanimité des communes membres, le tableau figurant dans le projet de loi (tableau permettant de distribuer, en fonction de la population, les sièges restants une fois qu'un siège par commune aura été attribué) n'aura pas forcément à s'appliquer.
Ou bien encore, cette fois sur les transferts de compétence, Alain Marleix a indiqué que les articles 31 et 32 pourraient être retouchés pour maintenir "la majorité des deux tiers actuellement requise pour procéder à un transfert de compétences à l'intercommunalité" (alors que le projet de loi prévoir une majorité simple) et pour faire en sorte qu'un transfert de compétence n'entraîne pas automatiquement un transfert des pouvoirs de police correspondant, contrairement à ce qui est écrit dans le texte actuel. Autre point pouvant encore, nous dit-on, être discuté : le seuil de 500 habitants pour le scrutin de liste. Enfin, François Fillon a confirmé qu'il n'y aura "pas de taille minimale imposée pour les groupements de communes". Ainsi seul un "seuil indicatif" serait inscrit dans la loi, a précisé mercredi Eric Jalon, le nouveau directeur général des collectivités locales. Certains voudraient d'ailleurs qu'aucun seuil ne soit inscrit : "Si dans la loi, il y a un seuil indicatif, on sait comment les choses se passent… il deviendra vite impératif", prédit par exemple André Laignel, le secrétaire général de l'AMF.
Sur ces points comme sur d'autres, Gérard Larcher, le président du Sénat, qui figurait mercredi parmi les participants au débat, a rappelé que les quatre lectures parlementaires, qui s'étendront sur le premier semestre 2010, permettront bien de "clarifier" les choses. Et, surtout, qu'en vertu de la réforme constitutionnelle, le texte qui sera examiné "n'est pas le texte du gouvernement, mais le texte qui sortira de la commission des lois du Sénat, enrichi entre autres par les rapports Belot, Warsmann, Mauroy, ou par les contributions des associations d'élus".
Moins pour le département et la région... c'est aussi moins pour la commune
Pour l'heure, les questions et objections des maires ne manquent pas. "Il faut que ce soit les élus qui aient la main et non le préfet." "Qu'est-ce qui est prévu pour une communauté de communes qui voudrait rester autonome et ne pas être absorbé par une métropole ?" "Est-ce que le découpage des futurs cantons tiendra compte des territoires intercommunaux ?" "Les représentants des syndicats intercommunaux ne devraient pas être comptabilisés dans la part de 40% réservée aux représentants d'EPCI au sein de la CDCI." "Il faudrait que la loi inscrive un socle minimal de compétences obligatoirement exercées par la commune." "Pour les communes et communautés rurales, il est essentiel que l'on prenne en compte, non seulement des critères de population, mais aussi la notion de territoire, de superficie." Telles sont quelques-unes des interventions spontanées venues de la salle ce mercredi dans le grand amphithéâtre du Congrès.
Globalement, pas mal de maires de petites communes craignent d'être "étouffés" par une machine intercommunale dictée par l'Etat. Et à ce titre, le projet de communes nouvelles rappelle à certains de mauvais souvenirs. Certes, Alain Marleix a redit que "rien ne sera imposé" : pas de commune nouvelle sans volontariat. Mais là encore, le préfet ne sera pas absent du cercle des décisionnaires. Et la bonification de DGF prévue pour encourager le mouvement pourrait contribuer à convaincre les hésitants, tel que l'a relevé Christophe Sirugue, rapporteur de la commission Intercommunalité de l'AMF.
De même, l'ombre des futures métropoles fait un peu peur. Pour les maires qui se sont exprimés, il est clair que la commune membre d'une métropole ne sera guère plus qu'une coquille vide. Même Gérard Collomb, le maire de Lyon, pourtant demandeur d'un nouvel élan pour sa communauté urbaine, s'interroge : "Qu'est-ce qui restera aux communes ? Les crèches, les écoles et l'état civil..." L'AMF continue d'ailleurs de plaider pour que le seuil de création des métropoles, fixé à 450.000 habitants dans le projet de loi actuel, soit porté à 700.000 habitants.
Enfin, les dispositions de la réforme destinées aux départements et aux régions ne laissent pas non plus les maires indifférents. Même si l'AMF l'a relativement peu relayé au cours des derniers mois, ces élus locaux ont bien compris que les importants financements dont bénéficient leurs projets communaux de la part des régions et, surtout, des départements, pourraient être déstabilisés par la réforme territoriale, surtout lorsque celle-ci se double d'une réforme fiscale. De quoi, alors, plaider pour le maintien de la clause générale de compétence pour tous les niveaux de collectivités. Et pour des conditions de financements croisés restant relativement souples (sur ce point, la formule finalement choisie dans le projet de loi, à savoir que "le maître d'ouvrage doit assurer une part significative du financement", laisse certains fort dubitatifs...).
Un élu a d'ailleurs pris la parole pour prévenir : "Ce que l'on va faire en faveur des communes, entre autres en leur accordant une part de la future cotisation complémentaire, n'oublions pas que ce sera au détriment des départements et des régions... et que ce sera par conséquent moins de moyens, pour ces collectivités, pour aider les communes. Prenons garde à ne pas tomber dans un marché de dupes."
S'agissant de la relation commune-département, Alain Marleix a toutefois, semble-t-il, apporté une précision pas inintéressante : "Le département conservera son rôle de solidarité avec les communes. Ce rôle de solidarité, qui s'exerce notamment par l'octroi de subventions pour tel ou tel projet, est une compétence attribuée aux départements par la loi."
Claire Mallet