Finances locales - Réforme de la DSU : la colère est unanime !
Depuis la révélation, le 17 septembre, par l'Association des maires de grandes villes de France (AMGVF) de la liste des villes qui ne bénéficieraient plus de la dotation de solidarité urbaine (DSU) après la réforme de la loi de finances 2009, les initiatives de rejet n'ont pas manqué. Mobilisation des élus d'Ile-de-France (80 villes seraient exclues de la DSU), tribunes et reportages dans la presse généraliste, lettres aux élus et à la ministre de l'Intérieur, demandes de rendez-vous et contacts informels auprès des membres du gouvernement, grèves des services municipaux...
7 octobre : c'est le point d'orgue avec, pour la première fois, une conférence de presse réunissant près d'une quarantaine de maires membres de trois associations (AMGVF, FMVM et Ville et Banlieue). Cette initiative n'a pas laissé indifférent le gouvernement : les élus sont attendus dans le bureau de Michèle Alliot-Marie le 8 octobre. La réforme de la dotation de solidarité urbaine, annoncée depuis plusieurs mois et dont l'objet est de concentrer les ressources sur les villes qui en ont le plus besoin, ne fait donc que des mécontents. Elle consiste à réduire le nombre de villes bénéficiaires, à modifier les critères d'éligibilité (suppression du critère "logement social" et réduction des critères ZUS et ZFU) et à créer une DDU (dotation de développement urbain) de 50 millions d'euros distribuée par les préfets aux communes les plus pauvres et financée sur l'enveloppe globale des dotations.
La goutte qui fait déborder le vase ?
Alors que ce dossier pouvait diviser les communes, aujourd'hui, toutes ont fait leurs comptes : il y a celles qui ne seront plus bénéficiaires de DSU et pour celles qui restent, il y a une réelle perte de ressources. Ce "ras-le-bol" cristallise une opposition aux différentes réformes annoncées dans le projet de loi de finances (intégration du FCTVA, indexation de la DGF). "Nous allons perdre à nouveau des ressources avec l'intégration du FCTVA : son augmentation de 600 millions d'euros va devoir être compensée dans l'enveloppe globale qui, elle, ne doit pas augmenter et l'on nous annonce une perte nouvelle de la DCTP", explique Jean-Claude Boulard, maire de la ville du Mans et membre du Comité des finances locales.
Si les maires des banlieues demandent depuis des mois que la DSU soit concentrée sur les villes les plus pauvres, ils se déclarent aujourd'hui perdants. "Pour la ville de Clichy-sous-Bois, illustre son maire et président de Ville et Banlieue, Claude Dilain, la perte annoncée sera de 900.000 euros car avec la loi Borloo, nous attendions 1 million d'euros supplémentaire et avec la réforme de la DSU, nous allons gagner 100.000 euros." Car au-delà de cette nouvelle réforme du PLF 2009, les élus comptabilisent la réforme de la loi de finances précédente qui avait limité l'augmentation à 90 millions d'euros contre les 120 millions d'euros attendus (voir notre article "Les maires de banlieue sonnent le tocsin", 13 novembre 2007). Pour Michel Destot, maire de Grenoble, député de l'Isère et président de l'AMGVF, il n'est pas possible d'accepter une réforme qui réduit le nombre des villes bénéficiaires de 715 à 477. "Si nous ne sommes pas opposés à une réforme qui vise à renforcer la péréquation en faveur des plus pauvres, nous demandons que les critères de péréquation actuels soient conservés, nous demandons une véritable politique de péréquation et nous demandons un moratoire pour que l'on ne modifie plus les règles du jeu pendant un an."
Pour les villes adhérentes à la Fédération des maires des villes moyennes (FMVM), la perte est en moyenne de 800.000 euros soit 2 % de leurs ressources. "Avec la réforme de la DSU, explique Bernadette Laclais, maire de Chambéry et porte-parole de la FMVM, la ville perd 1,8 million d'euros. Nous découvrons cette réforme alors que nous sommes en début de mandat et que nous tentons d'élaborer nos programmes pluriannuels de financement. D'un côté, on nous demande de participer au programme de rénovation urbaine, de l'autre, on nous enlève les ressources pour réaliser le programme." Les témoignages se sont succédé durant la conférence de presse du 7 octobre illustrant l'impasse dans laquelle se trouvent les élus locaux : faut-il augmenter les impôts alors que les contribuables sont taxés au maximum de leur capacité contributive ? Faut-il réduire les investissements ? Faut-il licencier le personnel ? La DSU deviendrait-elle le cheval de Troie dans lequel les élus locaux enfin réunis pourraient s'engouffrer pour lutter contre la baisse des dotations de l'Etat ?
Tous perdent des ressources
Les acteurs du logement social sont aussi montés au créneau dénonçant la suppression du critère d'éligibilité "logement social" qui pénalise les élus bâtisseurs. Le mouvement HLM avait demandé dans ses résolutions du congrès de Cannes, fin septembre, que ce critère ne soit pas supprimé. Les associations d'élus condamnent elles aussi ce pan de la réforme. La DGCL rétorque que ce critère sera remplacé par celui des bénéficiaires d'aides au logement pour être au plus près des ressources réelles des habitants. Cet argument n'est pas nouveau et en son temps, il trouvait grâce auprès des élus.
Le Conseil national des villes, co-présidé par François Pupponi, maire de Sarcelles, et Xavier Lemoine, maire de Montfermeil, demandait une DSU recentrée dans son avis en novembre 2007. Il estimait que "le fait de prendre en considération le nombre d'allocataires plutôt que celui, stricto sensu, des logements sociaux, permettrait d'approcher au plus près la réalité sociologique des villes dont les charges socio-urbaines sont supérieures à la moyenne nationale et, ce faisant, de concentrer cette dotation sur les villes qui en ont le plus besoin" (voir notre article "Le Conseil national des villes donne son avis sur la DSU", 23 novembre 2007).
Le Comité des finances locales, à qui la DGCL a présenté ses pistes de réformes le 1er juillet dernier (voir notre article "La DGCL est favorable à une dotation contractualisée pour les communes 'indiscutables'", 2 juillet 2008 ) et qui a participé à la définition de la réforme, s'est régulièrement déclarée favorable au remplacement du critère social par un critère reposant sur les aides personnelles au logement. Sensible à la colère des élus locaux des grandes villes et des banlieues, le CFL a d'ailleurs annoncé, le 25 septembre, que le groupe de travail consacré à la réforme de la DSU "prolongeait d'un mois la réflexion afin d'émettre un avis sur la réforme proposée par le gouvernement". Son président, Gilles Carrez, a estimé qu'"il faut se demander avec courage s'il est préférable de disperser une enveloppe limitée sur un maximum de collectivités locales ou bien la répartir sur celles qui en ont le plus besoin".
Trouver un terrain d'entente
"La suppression du critère de logement social est une dénonciation d'affichage : la seule question, alors que j'ai dans ma commune un nombre de logements sociaux à peu près équivalent au nombre de bénéficiaires d'APL, c'est qu'au final je perds de l'argent. Il faut dénoncer le fait que cette modification des critères n'a pas pour effet de donner plus d'argent aux plus pauvres", reconnaît Jean-Claude Boulard, maire de la ville du Mans et membre du CFL. Que vont donc proposer les élus en colère à Michèle Alliot-Marie, le 8 octobre ? Les villes moyennes mettent en avant leurs charges de centralité renforcées par l'intercommunalité (voir notre article "Pourquoi ne pas prévoir des ponctions au niveau des communautés d'agglomération ?"), les grandes villes se disent favorables à une véritable péréquation tout en mettant en avant leurs quartiers en ZUS et ZFU et les villes de banlieue demandent une DSU recentrée. "La solution, estime le maire du Mans, serait de tester la réforme sur la croissance de DSU annoncée de 70 millions d'euros. On pourrait dans cette enveloppe modifier les critères pour renforcer la péréquation tout en évitant de réduire les ressources des communes qui ont tout de même besoin de la DSU." "Le problème, conclut François Pupponi, c'est que personne ne sait ce que le gouvernement veut faire de ces 70 millions d'euros auxquels on doit ajouter les 70 millions d'euros économisés par la réduction du nombre des villes éligibles."
Clémence Villedieu