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Congrès HLM - Une brèche inquiétante sur la Croisette

Après trois jours de débats professionnels, l'Union sociale pour l'habitat se tourne vers les partenaires qui partagent ses valeurs - les collectivités et les associations -, condamnant la démobilisation de l'Etat. Est-ce un épiphénomène ou l'annonce d'une véritable rupture entre l'USH et l'Etat ?

"Pour convenir d'un pacte et le signer, il faut être deux et cela n'a pas été possible. En décembre dernier, le président de la République nous proposait un pacte mais le budget 2009 annonce une véritable rupture avec l'Etat." Michel Delebarre a exprimé, lors de son discours de clôture, la tension contenue durant les trois journées du Congrès de l'Union sociale pour l'habitat (USH). Tout au long de cet événement, tentant d'endiguer la colère des congressistes, le président de l'USH avait placé le mouvement dans une posture constructive. Objectif de Michel Delebarre : partager avec ses partenaires - collectivités territoriales, locataires, syndicats - un projet commun pour l'avenir du logement social. Construire au plus vite une digue pour tenter d'arrêter le mouvement d'érosion.

 

Appeler les partenaires à la rescousse

Ce 25 septembre, la séance plénière a ouvert sa tribune aux partenaires des HLM. Le constat est partagé : le projet de loi de Christine Boutin acte le désengagement de l'Etat, la volonté du gouvernement de réserver le logement social aux plus pauvres et le renforcement des inégalités entre territoires. Mais les réponses divergent. L'Association des maires de France (AMF), représentée par Annie Guillemot, maire de la ville de Bron et représentante de l'AMF au Conseil national de l'Union sociale pour l'habitat, condamne le projet de loi qui a pour effet, dans une situation de crise, de désespérer les acteurs du logement social et de renforcer les inégalités entre territoires : "Si la délégation des aides à la pierre consiste à gérer la pénurie des enveloppes, il y aura des problèmes entre les collectivités et l'Etat." La Confédération nationale du logement a quant à elle choisi d'exprimer sa colère : elle a brandi des cartons rouges devant la ministre du Logement. Pour Patrick Doutreligne, délégué général de la Fondation Abbé-Pierre, "il faut s'unir pour être force de propositions". Alors que Yves Mano, adjoint au maire de Paris en charge du logement, estime que le pacte de confiance est rompu : "Au-delà du texte de loi, c'est la logique idéologique qui est scandaleuse."

 

Dialogue de sourds

Les résolutions adoptées dans la matinée du 25 septembre par les congressistes demandent que l'article 55 de la loi SRU ne soit pas modifié (le projet de loi prévoit un élargissement de la définition de logement social à l'accession à la propriété) et demandent le "droit au maintien dans le patrimoine social" (le texte instaure un contrat de location d'une durée de trois ans).
La ministre du Logement a pleinement assumé son texte. Elle a réaffirmé que son projet de loi cherche à répondre aux difficultés constatées sur le terrain : "Personne ne peut remettre en cause ma détermination à faire respecter l'article 55 de la loi SRU. J'ai voulu intégrer l'accession sociale dans la définition du logement social pour encourager les maires à fluidifier leur parc de logements et pour construire des logements sociaux." Il n'est pas non plus question de revoir la mesure visant à créer un bail à durée limitée. Christine Boutin s'est aussi voulue rassurante en affirmant qu'en 2009, "nous pourrons financer 120.000 logements sociaux". 

 

Tendre la main ?

Enfin, selon les organismes HLM, le mécanisme de péréquation qui consiste à prélever des moyens financiers auprès des bailleurs sociaux ayant une activité d'investissement réduite pour redistribuer ces ressources à d'autres organismes ne peut en aucun cas être rétroactif. La ministre du Logement laisse sur ce point la discussion ouverte et a réaffirmé que les conventions d'utilité sociale prévues dans le texte de loi s'appuieront sur des critères objectifs.
Reconnaissant que le bilan des HLM en matière de construction est très positif (108.000 logements financés en 2007), la ministre a tenu à présenter son nouveau programme de rénovation des quartiers anciens dégradés qui devrait conduire à près de 10 milliards d'euros de travaux sur huit ans. Sur l'accession à la propriété, voulant tendre la main aux organismes HLM, Christine Boutin s'est engagée à examiner les adaptations du PSLA (prêt social location-accession). Le mouvement HLM demande en effet dans ses résolutions que le PSLA bénéficie du prêt à taux zéro. Elle a aussi proposé qu'un chantier soit ouvert pour la création d'un fichier commun de la demande afin d'améliorer l'attribution des logements et s'est déclarée favorable à l'intégration dans le projet de loi des mesures sur la question du partage des charges.
Pour conclure son dernier congrès et faire ses adieux, Michel Delebarre a fait "le rêve que les trois pôles - Etat, collectivités locales, opérateurs - contractualisent autour de territoires sur les objectifs en matière de développement territorial, de politique de rénovation urbaine, de Dalo, de mixité sociale, d'environnement, sur la manière de les mettre en oeuvre et de les évaluer, et sur les moyens à mobiliser". Longue ovation des congressistes et de Christine Boutin.

 

Clémence Villedieu, à Cannes