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Logement - Reconnaître l'habitat informel dans les DOM pour mieux le résorber

La commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale a adopté le 12 janvier 2011 la proposition de loi portant dispositions particulières relatives à l'habitat informel et à la lutte contre l'habitat indigne dans les départements et régions d'outre-mer. Le bon accueil réservé à cette proposition - déposée par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche -, avant son examen en première lecture le 27 janvier, laisse augurer une possible adoption par le Parlement. Il est vrai que le texte est très consensuel. Il est en effet issu du rapport remis à l'automne dernier aux ministres de l'Intérieur, du Logement et de la Santé par Serge Letchimy sur la résorption de l'habitat insalubre et indigne dans les DOM (voir notre article ci-contre du 14 octobre 2009). Dans ce document, le député (PS) et président du conseil régional de la Martinique, urbaniste de profession, estimait que "le droit constitutionnel à un logement décent n'existe pas dans les DOM" et formulait quatorze propositions. Une bonne part d'entre elles se retrouvent aujourd'hui dans la proposition de loi, dont Serge Letchimy est le rapporteur pour la commission des affaires économiques de l'Assemblée.

Faire entrer les "quartiers d'habitat informel" dans la loi Besson

Forte d'une quinzaine d'articles, la proposition de loi est organisée en trois sections. La première est consacrée aux dispositions relatives aux "quartiers d'habitat informel", autrement dit les bidonvilles. Le texte prévoit notamment la possibilité, sous certaines conditions, d'indemniser la perte de jouissance de ces habitants sans droit ni titre, "lorsque la réalisation d'une opération d'aménagement ou d'équipements publics rend nécessaire la démolition des locaux à usage d'habitation des occupants à l'origine de leur édification sur la propriété d'une personne publique, ou de son concessionnaire [...]". Pour bénéficier de cette indemnisation, ces personnes doivent notamment justifier "d'une occupation paisible et continue" depuis au moins dix ans et n'avoir pas fait l'objet d'une procédure d'expulsion à l'initiative de la personne publique ou de son concessionnaire. Cette dernière aura également la charge du relogement des personnes concernées. Des dispositions similaires sont prévues pour les établissements à usage professionnel construits dans les mêmes conditions, mais également pour les bailleurs. La mesure peut paraître surprenante, mais l'exposé des motifs rappelle que "l'on peut évaluer à quelque 35% l'occupation locative dans nombre de quartiers d'habitat informel". Les indemnités prévues à ce dernier titre seront toutefois "assez faibles".  A noter : pour des raisons de constitutionnalité, les dispositions de cette première section s'appliquent à l'ensemble du territoire français, même si elles ne concerneront dans les faits que les DOM.

Une police de la salubrité adaptée

La seconde section de la proposition de loi est consacrée aux dispositions spécifiques aux départements et régions d'outre-mer en matière de police de la salubrité et de la sécurité publique. Il s'agit en l'occurrence de donner aux autorités publiques les moyens d'une intervention efficace contre l'habitat informel. Pour cela, le texte introduit la notion d'habitat informel dans la définition de l'habitat indigne donnée par l'article 4 de la loi du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement (loi Besson). Ceci doit permettre de passer d'une approche individuelle (l'habitat indigne) à une approche collective (le quartier d'habitat informel) et d'utiliser, pour ce dernier, les outils prévus par la loi, comme le plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées (PDALPD). La proposition de loi opère de même avec les dispositions du Code de la santé publique (CSP) relatives à l'habitat insalubre. Elle prévoit aussi la possibilité, pour le préfet, d'instaurer par arrêté un "périmètre insalubre à contenu adapté aux diverses constructions dans les secteurs d'habitat informel", moins rigide dans son contenu et dans ses effets que le périmètre insalubre prévu par l'article L.1331-25 du CSP. En pratique, cela permettra notamment d'éviter d'avoir à prononcer une interdiction définitive d'habiter portant sur toutes les constructions incluses dans ces périmètres, alors que certaines d'entre elles pourraient - au vu de leur état technique - être conservées et améliorées. La proposition de loi prévoit également plusieurs dispositions pour protéger les habitants de ces périmètres, dont la suspension des loyers et l'obligation de relogement par l'autorité en charge de l'opération de traitement de l'insalubrité. En matière d'obligation de travaux, le texte est en revanche plus contraignant que les dispositions actuelles. Ainsi, en cas de non exécution des travaux, il n'est pas prévu que l'administration les effectue d'office. La sanction sera donc la démolition, suivie du relogement des habitants. Dans le même esprit, la proposition de loi simplifie la procédure de péril, afin de tenir compte du fait que la personne visée n'est, par définition, pas propriétaire, puisqu'elle occupe sans droit, ni titre. Enfin, la section trois du texte regroupe les dispositions diverses. Elle règle notamment les situations d'abandon de parcelles et d'immeubles qui, sans être propres aux DOM, sont "assez massives dans nombre de centres de villes et bourgs". L'objectif est de pouvoir récupérer ainsi du foncier urbain libre et rare, compte tenu de la densité urbaine des DOM.

Un risque d'inconstitutionnalité ?

Au cours de l'examen du texte par la commission des affaires économiques de l'Assemblée, son président, Serge Poignant, a indiqué "que la Chancellerie nous a alertés sur les problèmes d'inconstitutionnalité auxquels ce texte - en particulier l'article 1er - pourrait se heurter". Tout en regrettant le caractère tardif de cette information, il a déclaré souhaiter "prendre toutes les précautions pour que cette proposition de loi soit non seulement adoptée, mais aussi bien appliquée". Il a donc proposé l'organisation d'une rencontre entre le rapporteur, le gouvernement et les députés directement concernés. Dans un climat très consensuel, les membres de la commission ont ensuite adopté une série d'amendements, qui ne portent toutefois que sur des aspects rédactionnels ou de coordination. Même si le gouvernement n'a pas encore fait connaître sa position sur cette proposition, la technicité de certains articles laisse penser que les ministères concernés n'y sont pas complètement étrangers. Le débat en séance plénière, le 27 janvier, devrait donc également se dérouler dans une ambiance favorable à l'adoption du texte.

Référence : proposition de loi portant dispositions particulières relatives à l'habitat informel et à la lutte contre l'habitat indigne dans les départements et régions d'outre-mer (examiné en première lecture par l'Assemblée nationale le 27 janvier 2011).

 

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