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Social - Quelles sont les villes les plus inégalitaires ?

Le Centre d'observation de la société - dirigé par Louis Maurin, le fondateur de l'Observatoire des inégalités - publie une étude sur les villes les plus inégalitaires de France. Celle-ci s'appuie sur les résultats issus d'un nouvel outil mis en œuvre par l'Insee - Filosofi, le fichier localisé social et fiscal -, qui apporte des données nouvelles sur la répartition spatiale de la pauvreté (voir notre article ci-contre du 2 juin 2015).

Les villes les plus inégalitaires sont souvent les plus riches

En pratique, l'étude rapproche, dans les villes comptant plus de 20.000 personnes en ménages fiscaux, le revenu minimum des 10% les plus riches (soit le seuil d'entrée dans le dernier décile) et le revenu maximum des 10% les plus pauvres (soit le seuil de sortie du premier décile). L'écart entre ces deux données peut être calculé en valeur brute (écart entre les montants des deux revenus concernés) ou sous la forme d'un ratio.
Sans véritable surprise, il apparaît que "les villes les plus inégalitaires sont le plus souvent des villes riches". Et que la ville la plus "inégalitaire" de France - autrement dit celle où le rapport interdécile est le plus élevé - est... Neuilly-sur-Seine, avec un rapport de 8,0. Viennent ensuite Paris (6,7), Annemasse (5,5), Boulogne-Billancourt (5,4), Saint-Cloud (5,3), Saint-Mandé (5,2), Asnières-sur-Seine (5,1), Sèvres (5,0), Levallois-Perret (4,9) et Suresnes (4,9). On notera au passage que, sur ces dix villes, sept se situent dans les Hauts-de-Seine.
Si on raisonne en termes de montant de l'écart interdécile, le classement est un peu différent. Neuilly arrive toujours largement en tête, avec un écart de 97.672 euros entre le seuil de sortie du premier décile et le seuil d'entrée dans le dernier décile. Suivent Saint-Cloud, Saint-Mandé, Boulogne-Billancourt, Paris, Sèvres, Levallois-Perret, Saint-Germain-en-Laye, Maisons-Laffitte et la Celle-Saint-Cloud (avec un écart de 47.937 euros). Pour faire simple, un riche à Neuilly gagne en moyenne huit fois plus qu'un pauvre à Neuilly et affiche un revenu supérieur de près de 100.000 euros à celui du pauvre.

Grand-Quevilly et Grande-Synthe, les villes les moins inégalitaires

L'exercice fonctionne bien sûr aussi dans l'autre sens et l'étude indique donc la liste des dix villes les moins "inégalitaires" de France, autrement dit celles où le rapport interdécile est le moins élevé. Elle comprend Le Grand-Quevilly (avec un ratio de 2,5), Couëron (2,5), Grande-Synthe (2,7), Coudekerque-Branche (2,7), Wattrelos (2,7), Saint-Sébastien-sur-Loire (2,8), Rezé (2,8), Saint-Médard-en-Jalles (2,8), Villenave d'Ornon (2,8) et Lanester (2,8).
En termes d'écart en valeur absolue, la ville la moins inégalitaire est Grande-Synthe, où les 10% les plus riches affichent un seuil supérieur de 15.004 euros à celui des 10% les plus pauvres.

Des questions méthodologiques

Ces résultats et ces classements ne manquent pas d'attirer l'attention, mais posent néanmoins de nombreuses questions, dont la plupart sont d'ailleurs évoquées par l'étude elle-même.
Par exemple, faire partie des 10% les plus pauvres n'a pas le même sens - ni ne correspond au même niveau moyen de revenu - à Neuilly et au Grand-Quevilly. Le seuil de niveau de vie des 10% les plus pauvres est ainsi de 14.000 euros par an pour une personne seule à Neuilly, soit un montant supérieur de 40% au seuil national et de 83% à celui observé à Montreuil-sous-Bois (Seine-Saint-Denis).
Ensuite, la mesure de la pauvreté au niveau d'une commune n'a pas forcément beaucoup de sens dans les grandes villes. Les écarts entre arrondissements ou quartiers peuvent être en effet supérieurs à ceux observés sur l'ensemble de la commune.
Enfin, les écarts observés ne répondent pas forcément à la même logique. Une ville peut ainsi être inégalitaire parce qu'elle compte beaucoup de très riches (inégalité par le haut) ou, à l'inverse, beaucoup de très pauvres (inégalité par le bas). D'autres villes peuvent aussi être faiblement inégalitaires, simplement parce qu'elles comptent à la fois peu de très riches et peu de très pauvres (villes "de classes moyennes"). Cela n'en fera pas, pour autant, des villes plus ouvertes que Neuilly à l'accueil de personnes à faibles revenus.