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Habitat / Europe - Quelle mobilisation des institutions communautaires en faveur du logement social ?

Plan Juncker, fonds structurels européens, partenariats entre la Caisse des Dépôts et la Banque européenne d'investissement... Les outils de financement européens à portée des organismes HLM se multiplient. La fédération des entreprises sociales pour l'habitat (ESH) salue cette nouvelle donne lors de sa quatrième "Université Europe" organisée à Bruxelles le 17 novembre 2015. Elle souligne aussi les contreparties de ces financements, qui supposent une connaissance et un respect strict du droit communautaire.

"On n'a jamais autant parlé de logement à Bruxelles que ces derniers mois. La prise en compte du logement dans les politiques de cohésion n'est plus un tabou pour la Commission européenne [depuis la nomination à sa tête en novembre 2014 de Jean-Claude Juncker]." Partant de ce constat, posé par le directeur des affaires européennes de l'Union sociale pour l'habitat (USH), Laurent Ghekiere, la fédération des entreprises sociales pour l'habitat (ESH) a placé la quatrième édition de son Université Europe, organisée dans la capitale belge le 17 novembre 2015, sous le thème de la mobilisation des institutions communautaires en faveur du logement social.
Plan Juncker, fonds structurels, partenariats entre la Banque européenne d'investissement et la Caisse des Dépôts… Les outils de financement européens à la portée des organismes HLM se multiplient ces derniers mois, faisant de l'Europe "un partenaire" des organismes HLM plus en plus "présent", relève Daniel Biard, vice-président de la fédération en charge de la commission Europe, qui pointe en parallèle la baisse des aides à la pierre et du soutien des collectivités locales en France.

Mobiliser les ESH sur l'utilisation des fonds européens

Entre 2009 et 2013, les organismes HLM ont mobilisé environ 220 millions d'euros du Feder, rappelle ainsi Laurent Ghekiere. Et compte tenu des programmes opérationnels élaborés par les régions pour la période 2014-2020 (en tant que nouvelles autorités de gestion de ce fonds, depuis la loi Mapam), "460 millions d'euros du Feder seront dédiés à la rénovation thermique sur la nouvelle période".
Par ailleurs, 5% de l'enveloppe globale du Feder en France, soit 421 millions d'euros, doivent être investis dans des projets de développement urbain intégrés, et 10% fléchés vers les quartiers de la politique de la ville.
Quant au FSE, pour l'heure assez peu utilisé par les ESH, il "pourrait s'avérer un outil de financement très intéressant, notamment pour le financement de projets situés dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville", défend la fédération.
C'est donc pour "aider les ESH à se repérer dans ces financements et à les mobiliser" qu'elle a élaboré un guide intitulé "Financez vos projets avec les fonds structurels" (en lien ci-contre). En parallèle, la fédération organise une session de formation gratuite pour les opérationnels en charge du montage des dossiers de demande de financement.

BEI/Caisse des Dépôts une "vraie logique de coopération et d'amplification de moyens"

Outre les fonds européens, le plan Juncker et les financements associés mis à disposition par la Banque européenne d'investissement constituent un nouveau canal de ressources pour les organismes HLM. "Pour la première fois dans l'histoire de la BEI, la Caisse des Dépôts va directement négocier auprès d'elle pour appuyer son offre de prêts dans le logement social", souligne Laurent Ghekiere, saluant cette "vraie logique de coopération et d'amplification de moyens".
Pour mémoire, un accord a été conclu le 29 octobre dernier entre la BEI et la Caisse des Dépôts pour un montant de 2 milliards d'euros qui doivent permettre à la Caisse d'accorder des prêts à des taux fixes et attractifs, sur une durée de 25 ans, à des projets liés à la transition énergétique dont 500 millions d'euros pourront être consacrés à la rénovation énergétique de logements sociaux (voir notre article ci-contre du 30 octobre 2015). Les deux institutions financières travaillent en outre avec l'USH et l'UESL-Action Logement, comme annoncé lors du congrès HLM de Montpellier (Hérault), fin septembre dernier, sur un dispositif de "quasi fonds propres", c'est-à-dire de prêts de très long terme, de l'ordre de 40-50 ans, à des taux bonifiés, accordés par Action Logement, avec un différé d'amortissement de l'ordre de 15 ou 20 ans, et une garantie de la BEI (voir notre article du 24 septembre 2015).

La fin du "pas vu, pas pris"

Mais ces financements déployés par l'Union européenne ne sont pas sans "contreparties", pointe Laurent Ghekiere, car "de plus en plus d'éléments de conditionnalité obligent à respecter le droit européen". En conséquence, "la stratégie du 'pas vu, pas pris' que certains pratiquent parfois" pourrait "très bientôt" être mise à mal par des contrôles de plus en plus stricts, prévient-il, contrôles qu'il revient à l'Ancols (Agence nationale de contrôle du logement social) d'exercer.
Parmi les infractions au droit communautaire qui pourraient être relevées par l'agence nationale, celles portant sur le distinguo que les bailleurs sociaux doivent opérer, dans leur comptabilité, entre leurs activités relevant du Sieg (services économiques d'intérêt général) et celles de nature marchande.

Vers une comptabilité distinguant les activités " Sieg" des activités commerciales

Cette obligation découle d'une décision de la Commission européenne de décembre 2011 sur le régime des aides d'État, d'application directe, qui implique que les aides aux organismes HLM "sont compatibles avec les règles européennes de concurrence dès lors qu'elles se limitent à compenser les coûts nets d'investissement et de gestion de la mise sur le marché d'une offre de logement social, plus un bénéfice raisonnable", explique l'USH sur son site dédié aux questions européennes. "Une telle exigence suppose une comptabilité analytique distinguant les activités relevant du Sieg du logement social des autres activités commerciales".
Cette distinction pourrait être inscrite au projet de loi Egalité et Citoyenneté attendu au Parlement début 2016, selon Francine Albert, de la direction juridique de l'USH.
Reste que "un grand nombre d'organismes HLM ne sont pas coutumiers de ces pratiques-là", déplore Yves-René Guillou, avocat associé du cabinet Earth avocats. Et concrètement, "les systèmes informatiques qui ont été mis en place jusqu'à présent n'ont pas été paramétrés pour déterminer ce qui relève du Sieg et ce qui n'en relève pas", souligne Olivier Silvert, directeur des études financières de la fédération des ESH. Le sujet sera inscrit à l'ordre du jour de la prochaine réunion de la commission Europe de la fédération des ESH.

 

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