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Commande publique - Que faire lorsqu'on suspecte une entente entre candidats ? La réponse de Catherine Bergeal

Le Conseil d'Etat organisait, vendredi 7 mai, un colloque intitulé "Pouvoirs publics et concurrence". L'une des sessions était consacrée à l'achat de biens et services par les collectivités publiques. A cette occasion, Catherine Bergeal, directrice des affaires juridiques de Bercy a indiqué ce que pouvaient faire les acheteurs publics face aux entreprises qui adoptent des comportements d'entente. Ci-dessous, les points principaux de son intervention.

Prévenir, plutôt que guérir

Au préalable, une évidence : la préoccupation première de l'acheteur public est de respecter le droit des marchés publics, pas de savoir si les candidats respectent ou non le droit de la concurrence. Le juge administratif contrôle le comportement des acheteurs, pas celui des candidats. Mais, si elle veut avoir un nombre suffisant d'offres, la personne publique a tout intérêt à ce que les règles de la concurrence fonctionnent bien.
Pour cela, la directrice des affaires juridiques a indiqué que le plus simple était encore d'avoir de "bons réflexes" qui ne s'acquièrent que par une professionnalisation des services achat public. Une entente "c'est souvent compliqué à organiser", la première parade est donc d'examiner le mieux possible les dossiers, de pister les copier-coller, de repérer des erreurs de calcul qui reviendraient dans deux dossiers. Les acheteurs doivent ensuite essayer de détecter les comportements économiquement aberrants, et, principalement, les "offres de couverture". Comment ? Soit l'offre est très nettement plus chère que les autres, soit le candidat présente une offre et la retire, soit il la présente avec une irrégularité telle que le pouvoir adjudicateur est obligé de la refuser. Il y a aussi le cas des entrepreneurs qui persistent à soumissionner alors qu'ils n'obtiennent jamais de marché.
Troisième réflexe : bien connaître le contexte économique. Les guides de l'Observatoire économique de l'achat public (OEAP) constitutent naturellement une aide pour cela. Cependant, garder la mémoire - écrite - des marchés précédents est aussi essentiel (quels candidats, quelles offres, quels sous-traitants ?). Catherine Bergeal souligne le danger qu'il y a à se fier à la mémoire humaine et en particulier à celle d'un seul agent. Enfin, il est possible de demander de l'aide aux services de la concurrence et, par exemple, de participer à une commission d'appel d'offres lorsqu'on suspecte des difficultés.

Et le droit d'accès aux documents administratifs ?

Concilier droit de l'achat public, droit de la concurrence et droit d'accès aux documents administratifs est un "véritable casse-tête" estime Catherine Bergeal. Clairement, ces principes sont parfois contradictoires. Doit-on par exemple informer les candidats un à un, pour éviter qu'ils ne se rencontrent mais au risque d'un contentieux pour divulgation d'information différente ? Doit-on préférer organiser une réunion où certes l'information est égale pour tous mais qui permet de savoir qui candidate ? Naturellement, pas de réponse générale à ces questions. Autre difficulté, lorsqu'il y a renouvellement d'un contrat pour lequel le titulaire veut candidater à nouveau : que peut-on divulguer comme information ? Une fois le marché conclu le principe est que tout est communicable, mais la Commission d'accès aux documents administratifs a développé une jurisprudence sur ce sujet (disponible sur son site).

A l'impossible, nul n'est tenu

Mais tous ces réflexes ne peuvent pas faire de miracles : avant la signature du marché, si l'on soupçonne une entente, le plus simple est de s'en sortir en déclarant le marché infructueux (éventuellement après avoir demandé conseil au centre de Lyon). Une fois le marché signé, tout est plus compliqué. On peut certes demander au juge de reconnaître qu'il y a eu dol et de déclarer le contrat nul. Mais cela ne vaut qu'en tout début de marché : sans parler de la durée et du coût d'un contentieux, si le marché est déclaré nul, il n'est plus possible de faire jouer, par exemple, la responsabilité décennale. Quant à demander des indemnités en réparation du préjudice, il faut non seulement en établir la preuve, mais le chiffrer. Ainsi, en clair, une fois le contrat signé, les outils à la disposition des acheteurs sont bien maigres, a conclu Catherine Bergeal.

 

Hélène Lemesle