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Emploi - Quand les collectivités investissent le champ de l'économie solidaire

L'économie sociale et solidaire se développe à grands pas. Les initiatives et les acteurs se multiplient, en partie grâce à l'action des collectivités. Mais des freins persistent, comme le manque de ressources financières et la centralisation encore trop forte.

Avec quelques milliers d'initiatives locales développées depuis les années 1980 en réponse à la montée du chômage, l'économie solidaire est un secteur en pleine expansion. Aujourd'hui, elle emploie plus de 800.000 personnes dans des activités diverses : accès à l'emploi de personnes en difficulté ou en situation de handicap, services à la personne, logement très social ou encore commerce équitable. Sa spécificité : elle répond à des besoins que l'Etat ne peut pas satisfaire et se caractérise par la création et le développement d'activités économiques d'utilité sociale que les investisseurs classiques délaissent, les considérant comme insuffisamment rentables. Pour favoriser cette économie, le gouvernement a lancé en 2001, avec la loi Fabius, les fonds salariaux solidaires. Ce dispositif a été confirmé en 2003 par la loi Fillon, à travers les plans d'épargne pour la retraite collectifs (Perco). Si leur diffusion est encore limitée (2% seulement des fonds d'épargne salariale sont solidaires), leur croissance est très rapide : près de 40% pour le premier semestre 2006. Ces fonds représentent aujourd'hui 355 millions d'euros, dont 20 millions sont obligatoirement investis dans les entreprises agréées solidaires. Autre facteur de développement de l'économie solidaire : les acteurs spécialisés y sont nombreux et les collectivités y jouent un rôle de plus en plus important. "Ce sont des acteurs-clés de l'économie solidaire", assure ainsi Marine Viala de l'Association pour le droit à l'initiative économique (Adie). En termes de dispositifs, les collectivités ont le choix entre différentes structures en fonction des spécificités de leur territoire.

 

Un développement variable selon les régions

L'Adie est pour sa part spécialisée dans le micro-crédit à destination des personnes en difficulté qui souhaitent créer une entreprise. Depuis sa création, elle a mis à disposition 43.000 micro-crédits, pour un montant total de 118 millions d'euros, et près de 8.700 prêts d'honneur. Et les taux de réussite sont probants : 75% des créateurs d'entreprise financés sortent des minima sociaux. L'Agence de valorisation des initiatives socio-économiques (Avise) cherche quant à elle à créer un centre de ressources sur l'économie solidaire à disposition des collectivités pour sensibiliser les populations à ce nouveau secteur. "Nous manquons de porteurs de projet, explique Christian Valadou, responsable du pôle entreprendre autrement de l'Avise. Il faut faire comprendre aux futurs entrepreneurs que l'économie solidaire est une autre façon d'entreprendre mais avec une réelle logique économique." D'autres types d'entreprises, impliquant la participation des collectivités locales, ont également émergé. Il s'agit notamment des sociétés coopératives d'intérêt collectif (Scic), qui réunissent au capital d'un même projet des associations, des salariés et des collectivités locales. 100 projets ont ainsi été créés depuis leur lancement il y a cinq ans. Progressivement, les régions prennent conscience de l'enjeu de cette nouvelle économie : dix-sept d'entre elles ont déjà créé une fonction de délégué à l'économie solidaire. Mais si les initiatives locales se multiplient, le développement n'est pas uniforme : "Certaines régions ont des traditions solidaires, comme le Nord-Pas-de-Calais ou la Bretagne, d'autres ont moins ce réflexe et le développement de ce secteur est alors plus long", observe Edmond Maire, le président de la société d'investissement du réseau France active (Sifa), premier organisme d'investissement solidaire en France.

 

Sortir de la logique des subventions

Et des freins persistent. Edmond Maire en identifie deux principaux : la lourdeur des organismes centraux chargés de son suivi et le manque de ressources. Pour faciliter son développement, sa société a proposé début mars la création de fonds régionaux d'investissement solidaire (Fris), qui permettent aux collectivités de bénéficier d'un effet de levier important : "Au final, la région ne met qu'un cinquième des montants investis par la Sifa", explique Edmond Maire. La région Pays-de-la-Loire s'est déjà lancée dans le dispositif avec la création du fonds capital solidaire régional, qu'elle a doté de 500.000 euros, et qui permet de mobiliser 2,5 millions d'euros en faveur des entreprises solidaires. Si cette région est la première de France en terme d'économie solidaire avec 36.000 sociétés spécialisées et 12% de la masse salariale, ces entreprises, le plus souvent créées sous forme d'associations, ne sont pas capitalistiques et leur statut menace leur développement. Le Fris permet à la région d'intervenir dans leurs fonds propres et d'assurer leur pérennité. Autre avantage : "En confortant leur situation financière, on considère ces acteurs comme de véritables entreprises, explique Fabienne Renaud, déléguée à l'économie sociale et solidaire au conseil régional de Pays-de-la-Loire. On sort de la logique de subventions qui est une sorte d'assistanat et qui ne correspond pas à leurs attentes." Deux autres régions, Provence-Alpes-Côte d'Azur et Lorraine, ont mis en place des Fris. Au total, 20.000 emplois pourraient être ainsi créés ou consolidés chaque année grâce à ce nouveau dispositif, soit 1.000 en moyenne par Fris.

 

Emilie Zapalski