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Mois de l'ESS - Quand l'économie sociale et solidaire se met en grappes

A l'image des "grappes d'entreprises", les acteurs de l'économie sociale et solidaire se regroupent de plus en plus en pôles territoriaux, avec le soutien des collectivités.

Un rassemblement d’entreprises issues du même secteur d’activité, qui coopèrent et trouvent des synergies, en lien avec d’autres acteurs locaux, à l’échelle d’un territoire… Le concept ne définit pas uniquement les "grappes d’entreprises", que le ministère de l’Aménagement du territoire soutient depuis 2009. Qu’ils soient en coopératives, en associations ou en entreprises d’insertion, des professionnels de l’économie sociale et solidaire (ESS) se le réapproprient aujourd’hui, sous des appellations variées : "pôles territoriaux de coopération économique", "pôles de développement territorial", ou encore "pôles de développement de l’ESS"… De la Bretagne aux Landes en passant par la Drôme, ces partenariats locaux, il est vrai, prennent eux-mêmes des contours variés.

Innovation

A Tarnos, dans les Landes, les acteurs locaux regroupés dans le comité de bassin d’emploi ont d’abord initié, en 1996, l’ouverture d’un "pôle de services". Il regroupe aujourd’hui, dans un bâtiment de 2.500 m2, six représentants de l’ESS : l’Urscop Aquitaine (union régionale des sociétés coopératives de production), mais aussi un restaurant d’entreprises oeuvrant à l’insertion par l’activité économique (IAE), ou encore une coopérative d’activité et d’emploi (CAE). La région, notamment, soutient ce regroupement : "Il répondait à notre appel à projets pour la mutualisation des acteurs de l’ESS", apprécie la vice-présidente Bérénice Vincent.
Toutefois, "l’objectif n’est pas uniquement de partager des locaux", précise Stéphane Montuzet, le directeur du comité. "Nous sommes avant tout dans une logique d’innovation et de recherche-développement." De fait, les expérimentations ont pu fleurir, grâce aux acteurs locaux, et à la coopération des têtes de réseau nationales de l’ESS, d’universitaires, ou encore d’élus. Ainsi le restaurant d’insertion et la CAE ont-ils été les premiers de France à être constitués en Scic (sociétés coopératives d’intérêt collectif, qui peuvent regrouper plusieurs parties prenantes, dont des collectivités). Grâce à la ville, la communauté de communes, le département et la région, le regroupement devrait bientôt s’amplifier pour aboutir à un "pôle de coopération économique, sociale, et environnementale". Un centre de formation à l’éco-habitat pourrait notamment y être adossé. "Nous ne parlerons pas de pôle de développement de l’ESS, car nous ne voulons pas être excluants", souligne Stéphane Montuzet. "Si nous nous inscrivons clairement dans l’ESS, nous oeuvrons également avec des entreprises classiques qui travaillent, elles aussi, en faveur de la solidarité. Par exemple, un groupement d’employeurs pour l’insertion et la qualification (GEIQ) existant dans le BTP devrait nous rejoindre…"

Guichet unique

A Romans, dans la Drôme, le "Pôle Sud", présenté publiquement le 28 octobre en ouverture du Mois de l’ESS, offre un autre exemple de "pôle territorial de coopération économique". Dans un vaste bâtiment investi en 2007 par Archer, une structure d’insertion et de développement économique, se sont joints six autres représentants locaux de l’ESS : délégation de l’Urscop, association régionale Coorace, professionnels du microcrédit de l’Adie… Au-delà d’une "mutualisation de moyens et d’économies d’échelles importantes, c’était aussi la volonté d’offrir au public un 'guichet unique' où, à partir d’un seul lieu d’accueil, l’ensemble des outils vont pouvoir être mis à contribution", décrit Christophe Chevalier, PDG du groupe Archer.

Logiques variées

De tels pôles de coopération économique, "il en existe une vingtaine à travers la France ; près de vingt autres sont en préfiguration", estime le socio-économiste Laurent Fraisse, qui anime un groupe de travail qui leur est consacré au Labo de l’ESS. "Ces regroupements peuvent avoir des logiques économiques variées : répondre à un appel d’offres réservé au commerce équitable, mutualiser les moyens dans un contexte de crise et de rationalisation de la dépense publique, ou encore investir dans l’innovation…" Certains ont ainsi pu nouer des liens avec des chercheurs ou des universités.
Le groupe de travail animé par Laurent Fraisse s’efforce actuellement de "mener un travail de repérage et de caractérisation de ces pôles". Si certains sont initiés par les seuls acteurs de l’ESS, d’autres sont facilités par des collectivités territoriales qui peuvent en espérer un impact sur l’emploi et le développement local. Certaines mettent à leur disposition des locaux, par exemple. En Loire-Atlantique, Nantes métropole a même impulsé les "Ecossolies", en collaboration avec des acteurs de l’ESS. Cette association propose notamment "un espace de coopération" entre eux et les collectivités locales. Leur travail commun doit permettre d’identifier les besoins du territoire, mais aussi les réponses que peut y apporter l’ESS.

Visibilité

Sans prétendre à une telle coopération économique, quelques dizaines d’autres regroupements s’efforcent, plutôt, de promouvoir l’ESS à travers leur territoire. Ces alliances n’aboutissent pas nécessairement au partage d’un local… De la MAIF à la Caisse d’épargne, en passant par une CAE locale et une boutique de commerce équitable, une trentaine d’adhérents composent par exemple l’Association de développement de l’ESS du Pays de Brest, créée en 2009. L’objectif "est de renforcer la visibilité du secteur sur le territoire, et de travailler sur ce qui nous rassemble", précise la chargée de mission, Noa Soudée. Soutenue par la région Bretagne et par Brest métropole océane, l’association s’efforce de sensibiliser à l’ESS le grand public - mais aussi les élus locaux.
A travers la région, neuf "pôles de développement de l’ESS" ont déjà été constitués - à chaque fois à l’échelle des pays. Si quelques-uns jouent la coopération économique, la plupart se concentrent sur cette fonction de promotion. Alors que le secteur "a un mode d’organisation très vertical, en fédérations et en unions distinctes, l’enjeu de ces pôles est de permettre une structuration transversale de l’ESS, au niveau territorial", comme l’explique Grégory Huchon, chargé de mission du réseau breton, et membre du Labo de l’ESS.
Grappes d’entreprises, clusters et autres pôles de compétitivité ont donc désormais leurs pendants au sein de l’ESS. Laurent Fraisse signale toutefois une différence de poids avec ces désormais classiques outils de développement du territoire : ils ne bénéficient pas du même soutien financier de la part de l'Etat.

Olivier Bonnin

 Un panorama sur l’ESS

Le Conseil national des chambres régionales de l’économie sociale (CNCRES) vient de publier son second "Panorama de l’ESS en France et dans les régions". Associations, coopératives, mutuelles et fondations représentent aujourd’hui 9,9% de l’emploi en France, avec 2,3 millions de salariés. Et ses 215.000 établissements créent plus de 100.000 emplois chaque année. D’après ce panorama, le secteur a ainsi "contribué pour 18% à l’augmentation des effectifs salariés" français entre 2006 et 2008. A l’échelle des régions, l’ESS concentre plus de 12% des emplois salariés au Nord-Ouest (Basse-Normandie, Bretagne, Pays-de-la-Loire, Poitou-Charentes) et en Languedoc-Roussillon.


 

 

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