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Compétences - Des régions (encore) profitables à l'économie sociale et solidaire

Que peuvent bien faire les conseils régionaux en faveur de l’économie sociale et solidaire (ESS) ? L’Association des régions de France, l’Avise et la Caisse des Dépôts viennent de répondre par un guide de 24 pages consignant, sur le sujet, "l’essentiel pour les élus régionaux et leurs partenaires".

Aux conseillers ainsi qu’aux techniciens des régions, le document rappelle d’abord tous les principes communs aux associations, mutuelles et autres coopératives, ainsi que les chiffres clés du secteur - avec 10% du PIB français, 9% des entreprises, et 12% de l’emploi salarié, l’ESS tient une place parfois insoupçonnée dans l’économie nationale…

Et face à ce vaste secteur, les régions s’avèrent apporter des appuis très divers. Depuis les élections de 2010, l’ESS a été expressément confiée à un vice-président dans 13 régions, ou à un conseiller, dans 5 autres – tandis que 7 n’ont prévu aucune délégation explicite, sans que cela n’implique toutefois "obligatoirement un intérêt moindre pour l’ESS", comme le soulignent les auteurs. Autre variable, si plusieurs régions ouvrent simplement leurs soutiens économiques habituels aux structures de l’ESS, certaines leur créent des dispositifs ad hoc ; des "schémas" et autres "plans de développement" régionaux de l’ESS ont même été définis par 6 conseils.

Le guide distingue en outre les différents types d’actions concrètes que mènent aujourd’hui les régions. Primo, communiquer : le site participatif www.rhone-alpesolidaires.org, par exemple, permet aux acteurs d’échanger entre eux et avec le grand public, grâce à un financement du conseil régional. Secundo, appuyer la structuration des réseaux : la Picardie a ainsi soutenu l’association Commerce équitable 02 afin que soit promu ce secteur dans l’ensemble de la région. Les conseils régionaux peuvent aussi favoriser les créations, les duplications et les reprises d’activités sous une forme sociale et solidaire ; en Pays-de-la Loire, notamment, les salariés sont encouragés à convertir leur entreprise en coopérative. Quatrième axe, l’appui au développement des structures de l’ESS – à l’instar de la Bretagne, qui cofinance et copilote les "dispositifs locaux d’accompagnement", utiles aux associations comme aux entreprises d’insertion. Bien sûr, l’emploi et la formation constituent un autre champ d’action pour les régions ; la Franche-Comté s’investit ainsi pour les compétences et les conditions de travail de salariés de certaines associations d’aide à domicile. Les finances solidaires peuvent être également appuyées, comme le fait notamment l’Ile-de-France, qui a lancé son propre fonds d’investissement solidaire Equisol. Le livret distingue enfin, en septième champ d’action, tous les soutiens aux "démarches innovantes" que peuvent apporter les régions, en prenant l’exemple de la Bretagne, qui cofinance une structuration de la filière du coton équitable sur son territoire et en Afrique.

 

Réforme des collectivités

Les appuis que peuvent apporter les régions à l’ESS sont donc variés… En attendant que la réforme des collectivités n’arrête définitivement l’étendue de leurs compétences. Il est certes encore difficile de spéculer, avant même le prochain passage du projet de loi en commission mixte paritaire. Mais en Rhône-Alpes, Cyril Kretzschmar, conseiller délégué à la nouvelle économie et à l’ESS, redoute la création des métropoles qui, selon le projet de loi, exerceront de plein droit à l’intérieur de leur périmètre, les compétences économiques "en lieu et place de la région", à condition de signer une convention. "Nous n’aurions alors plus aucune compétence économique sur les agglomérations lyonnaise ou grenobloise", a craint l'élu régional. Pour sa part, Claude Taleb, vice-président délégué à l’économie sociale et solidaire en Haute-Normandie, "ose espérer que la formation et la coordination de l’action économique ne seront pas remises en question". Et comme l’ajoute son homologue en Aquitaine, Bérénice Vincent, la possibilité de prévoir une clause d’insertion dans les marchés publics restera un autre levier régional pour soutenir l’ESS. "Mais globalement, la perte de démocratie et d’autonomie financière que cette réforme entraînerait pour les régions impacterait toutes ses politiques, notamment en faveur de ce secteur…" En attendant, plusieurs élus régionaux chargés de l’économie sociale et solidaire partagent d’ores et déjà un regret : le gel pour trois ans des dotations de l’Etat aux collectivités, que le gouvernement vient de confirmer…

Olivier Bonnin