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Emploi - L'économie sociale, un employeur de poids... hors de l'Ile-de-France

De la Bretagne jusqu’au sud du Massif central, l’économie sociale demeure un employeur de poids. Elle paraît en revanche plus marginale parmi les nombreuses entreprises de l’Ile-de-France… Le "Bilan de l’emploi 2009 de l’économie sociale" vient de le souligner : les associations, coopératives, mutuelles, et fondations, jouent toujours des rôles très disparates selon les territoires.

Globalement, ces entreprises non-capitalistes employaient 12,2% des salariés du privé en 2009, soit près de 2.285.000 personnes. Réalisée pour la troisième année consécutive, cette étude de l’association Recherches et solidarités enregistre une hausse de cet effectif de 1,5% en un an, malgré le contexte de crise. Les associations en constituent toujours le principal employeur. Elles offrent à elles seules 9,4% des postes du secteur concurrentiel en France.

Mais ce poids s’émousse quelque peu à l’ombre des tours de La Défense… Dans l’ensemble de l’Ile-de-France, la part de l’emploi issu de l’économie sociale est en effet inférieure à 9%. A l’inverse, elle est supérieure à 16% dans 21 départements du Grand Ouest, du sud du Massif central, ou des Pyrénées. La proportion dépasse même les 20% dans l’Aveyron, le Cantal, la Creuse et la Lozère.

La carte des régions confirme ces disparités : si le poids de l’économie sociale dans l’emploi privé frôle les 20% en Languedoc-Roussillon et en Poitou-Charentes, elle s’avère la plus faible en Ile-de-France, en Rhône-Alpes ou en Provence-Alpes-Côte-d’Azur.

Comment expliquer de tels écarts ? De fait, le rôle économique de l’économie sociale est "d’autant plus important que le contexte est difficile, notamment du fait d’un "isolement" dans les territoires ruraux ou encore d’un moindre dynamisme économique", comme le rappelle le bilan, réalisé avec le soutien de l’Association des régions de France et la Caisse des Dépôts. "Toutefois, nous n’avons pas encore trouvé de corrélation systématique qui permette d’expliquer ces disparités", regrette Cécile Bazin, la directrice de Recherches et solidarités. Un lien assez net a toutefois été trouvé : plus le PIB par habitant est élevé, moins l’économie sociale a de poids dans l’emploi privé du département.

D’autres explications peuvent être recherchées dans les cultures, et les histoires locales. "On peut ressentir un état d’esprit plus communautaire et plus solidaire dans les régions où l’économie sociale est la plus implantée, même si ce n’est qu’une hypothèse", remarque ainsi Thomas Guérin, chargé de mission à l’Observatoire régional de l’économie sociale et solidaire en Provence-Alpes-Côte-d’Azur.

 

Politiques locales

Premier vice-président de Poitou-Charentes, Jean-François Macaire puise également dans l’histoire pour expliquer les forts recrutements du secteur dans sa région. "Niort est le berceau de l’idée mutualiste", rappelle-t-il ; de nombreuses mutuelles d’assurance, de la Macif à la Maif, y conservent leur siège social. Mais il souligne aussi que "le mouvement coopératif est ici particulièrement fort, d’autant plus que depuis 2004 la région a mis en place une politique pour aider à la création et à la reprise d’entreprises en Scop (Société coopérative de production)". La bourse régionale "désir d’entreprendre", d’un montant maximal de 5.000 euros, peut ainsi être versée à tous les nouveaux coopérateurs, "comme s’ils étaient fondateurs de leur propre entreprise". Enfin, "la vie associative est très riche en Poitou-Charentes", observe Jean-François Macaire ; il rappelle que la région a substitué aux emplois jeunes, abandonnés en France en 2002, des "emplois tremplins", profitables aux associations. Les subventions directes de la région peuvent encore soutenir l’emploi dans des associations culturelles, sportives, ou encore de santé.

Les politiques des collectivités territoriales peuvent donc également expliquer l’importance de l’économie sociale dans certains bassins d’emploi. Cécile Bazin a elle-même tenté de comprendre le cas de la Lozère, où l’emploi associatif est particulièrement développé, dans la santé comme le social : "A priori, il semble avoir été favorisé par des politiques locales, déjà anciennes… Toutefois nous n’avons pas pu comparer les politiques des conseils généraux de ces vingt dernières années !" Recherches et solidarités lance donc un "appel à idées" aux géographes, historiens, ou anthropologues : le poids de l’économie sociale dans l’emploi local attend encore une explication scientifique…

Olivier Bonnin