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Economie sociale et solidaire - Cinquante mesures pour "entreprendre autrement"

Deux labels pour l'économie sociale : la proposition de Francis Vercamer, issue de son rapport pour le développement de l'économie sociale et solidaire remis le 28 avril, séduit le gouvernement. Plusieurs autres mesures concernent directement les collectivités : subventions, incubateurs territoriaux...

Le député Francis Vercamer a un vœu : "Que l'économie sociale puisse essaimer ses valeurs à l'économie classique." Les cinquante propositions contenues dans son rapport sur le "développement de l'économie sociale et solidaire" pourraient sans doute y contribuer. Il reste à savoir ce que le gouvernement en retiendra… Recevant le document ce mercredi 28 avril, le ministre de la Jeunesse et des Solidarités actives, Marc-Philippe Daubresse, a pour sa part espéré que l'ensemble des mesures préconisées soient prises "sous quinze mois", pour que se construise enfin "la nouvelle économie d'après la crise". A ses côtés, Laurent Wauquiez a toutefois prévenu : "On ne prendra sûrement pas tout."

 

Préférences

Le secrétaire d'Etat chargé de l'Emploi a du moins reconnu quelques préférences. Dans son rapport, le député du Nord (Nouveau Centre) propose douze mesures pour "favoriser une meilleure visibilité" de cette économie qui place l'humain avant le profit. Il suggère notamment de créer deux labels ; l'un pour reconnaître "l'entrepreneuriat social", et l'autre, plus large, pour distinguer "la finalité sociale et solidaire" des activités économiques. Laurent Wauquiez juge intéressant ce label à double entrée, qui permettrait d'éviter que l'économie sociale "se regarde le nombril". Les acteurs du secteur devraient définir eux-mêmes ces labels, qui seraient ensuite délivrés par un organisme indépendant. Comme l'a annoncé Francis Vercamer, un groupe de travail a d'ores et déjà été mis en place, à cette fin, par plusieurs organisations. La discussion pourrait y être plus paisible que prévu. En mars, un seul label était encore envisagé, et cinq mouvements de l'économie sociale avaient alors écrit au député pour exprimer leurs réserves : "Les entreprises de capitaux qui développent des démarches RSE [responsabilité sociale des entreprises] et qui en font un outil de marketing social pourraient être, à terme, assimilées à des entreprises sociales, voire à des entreprises de l'économie sociale et solidaire…"
La mission confiée à Francis Vercamer par François Fillon propose également des mesures pour "définir une politique d'aide et d'accompagnement du secteur de l'économie sociale". Plusieurs propositions visent à faciliter "l'accès à certains dispositifs de droit commun". Laurent Wauquiez a, par exemple, jugé intéressant de promouvoir l'éligibilité des entreprises et des associations du secteur au crédit impôt recherche. D'autres mesures, à l'inverse, veulent tenir compte des spécificités de l'économie sociale. Le rapport propose ainsi de "favoriser la reprise de PME par les salariés, sous forme de coopératives", en leur permettant de recevoir leurs indemnités avant même la liquidation judiciaire, ce qui les autoriserait à les utiliser en fonds propres. Laurent Wauquiez a jugé l'idée intéressante, même si les reprises en coopérative ne constituent pas selon lui une "solution miracle".
Enfin le rapport suggère de mieux insérer l'économie sociale et solidaire au sein des politiques publiques. Le secrétaire d'Etat chargé de l'emploi relève "une très bonne idée" : réformer le Conseil supérieur de l'économie sociale (CSES), avec notamment une vice-présidence dévolue à un parlementaire…

 

Collectivités

Laurent Wauquiez a proposé de réunir au CSES l'ensemble des acteurs de l'économie sociale pour discuter de ces cinquante propositions, au cours des prochaines semaines. Et si elles n'ont pas été évoquées mercredi lors de la remise du rapport, certaines mesures intéresseraient de près les collectivités locales. Par exemple, une circulaire du Premier ministre en janvier a tenté une clarification des "relations financières entre collectivités publiques et associations" (voir ci-contre notre article du 22 janvier 2010). Le rapport propose d'assurer "l'effectivité de la diffusion et de la mise en œuvre des mesures gouvernementales". Une autre mesure préconisée est de favoriser la mise en réserve des excédents des associations : "Les subventions publiques non utilisées ne doivent pas être systématiquement reprises par le financeur." Francis Vercamer prône également la création d'un réseau d'incubateurs territoriaux, dans lequel seraient impliquées les collectivités locales, ou encore un développement du secteur grâce à la commande publique… Les sociétés coopératives d'intérêt collectif (Scic), enfin, pourraient être encouragées, notamment en permettant aux collectivités territoriales d'y participer en fonds propres jusqu'à 40%.
Au Réseau des territoires pour l'économie solidaire (RTES), qui rassemble près de 60 collectivités, la déléguée générale, Anne-Laure Federici, regrette que les "dynamiques territoriales de l'économie sociale et solidaire" n'aient pas été suffisamment prises en compte, "alors que depuis une dizaine d'années nous observons dans les territoires une reconnaissance de ce secteur, plus qu'au niveau national". Elle espère que le rapport de Francis Vercamer lui apportera, de nouveau, cette reconnaissance nationale. Yannick Barbançon, le président du Conseil national des chambres régionales de l'économie sociale (CNCRES), se veut pour sa part confiant : le lancement de la mission par François Fillon suggère selon lui "une vraie volonté de mener une politique agissante en faveur de l'économie sociale et solidaire". Il reste maintenant au gouvernement à lui donner raison…


Olivier Bonnin