Entrepreneuriat social - Face à la crise, l'économie sociale et solidaire reprend du galon
Si l'économie sociale et solidaire est souvent portée par des profils d'entrepreneurs et des structures peu classiques - sociétés coopératives de production (Scop), coopératives, mutuelles, associations -, elle n'en est pas moins dynamique. Dans une acception large, elle regroupe quelque 200.000 entreprises pour 2 millions d'employés. C'est 10% de l'emploi en France ! A l'heure où d'aucuns parlent de "crise du capitalisme" et appellent au développement de nouvelles pratiques, l'Agence de valorisation des initiatives socio-économiques (Avise) a souhaité dressé un état des lieux, lors d'un colloque organisé le 24 juin 2009 à Paris. "Ces entrepreneurs font partie de ceux qui créent le plus d'emplois et semblent bien marcher économiquement", a d'emblée souligné Patrick Dargent, président du Réseau Entreprendre, qui accompagne gratuitement les créateurs d'entreprises. D'après une étude publiée en 2008 par ce réseau, sur les 62 lauréats de l'année 2007 du programme "Entreprendre autrement", lancé pour soutenir les entreprises sociales et solidaires, les deux tiers créent plus de six emplois dès la première année, contre un tiers chez les entreprises classiques. Et selon l'Insee, entre 2005 et 2006, près d'un emploi sur cinq a été créé par une entreprise sociale.
Les craintes en termes de pérennité sont toutefois bien présentes : "On est mort dans trois ou quatre ans si on reste trop isolé, on continuera à exister si d'autres groupements émergent", a alerté Christophe Chevallier, directeur d'Archer. Avec, en filigrane, toujours ce problème d'image qui semble difficile à dépasser. "Vous avez un problème de crédibilité et de visibilité", a insisté Daniel Lebègue, président de l'Observatoire sur la responsabilité sociale des entreprises (Orse).
Mais certains réseaux, comme le Réseau Entreprendre ont réussi à intégrer ces entreprises sociales au même titre que les autres. "Ces entrepreneurs avaient un accueil différent sur les territoires, a expliqué Patrick Dargent, on s'est dit qu'il fallait que toutes les couleurs d'entreprises puissent être accueillies de la même façon." C'est ainsi que le réseau a créé le programme "Entreprendre autrement", réservé à ces entreprises sociales et solidaires. Elles représentent aujourd'hui entre 5 et 10% des projets accompagnés par le réseau.
Mais pour Claude Alphandéry, président du Conseil national de l'insertion par l'activité économique (CNIAE), il faut aujourd'hui "dépasser le simple discours de la reconnaissance". "Les experts et politiques se penchent rarement sur les moyens de développer ce mouvement qui reste extraordinairement marginal", a-t-il souligné, estimant qu'il "faut arriver à changer d'échelle, sans perdre son âme". Claude Alphandéry pilote un groupe de travail qui prépare pour l'automne un livre blanc sur les potentialités de l'économie sociale et solidaire. Une première mouture de cet ouvrage devrait être prête en juillet 2009. Dans un document de travail, le groupe invite les collectivités à renforcer leur action, notamment en conditionnant leurs aides à des critères de développement durable, en ayant recours aux clauses sociales et environnementales dans les marchés publics, en limitant la concurrence sur les services locaux d'intérêt général ou encore en encourageant la reprise ou la relocalisation d'entreprises sous forme coopérative.
Emilie Zapalski