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Emploi - L'insertion par l'activité économique : un problème d'image ?

Avec plus de 100.000 personnes embauchées chaque année, le secteur de l'insertion par l'activité économique s'impose comme un acteur à part entière de l'entrepreneuriat en France, mais il reste victime de son image. Les conseils départementaux de l'insertion par l'activité économique (CDIAE), qui organisaient leurs assises à Paris, le 28 avril, vont devoir évoluer pour devenir de véritables instances de pilotage de l'offre d'insertion.

Faut-il s'en féliciter ou s'en inquiéter ? Le secteur de l'insertion par l'activité économique (IAE) est en pleine expansion. En 2007, 108.000 personnes ont ainsi été embauchées ou mises à disposition dans les entreprises d'insertion, les entreprises de travail temporaire d'insertion et les ateliers et chantiers d'insertion, soit une progression de 23% par rapport à 2006, selon une étude de la Dares (ministère du Travail). Parallèlement, le nombre d'entreprises conventionnées au titre de l'IAE a lui aussi augmenté : elles étaient près de 890 en décembre 2007, soit une vingtaine de plus que l'an passé. Mais si les chiffres progressent, la perception du secteur, comme son organisation, sont encore faibles. C'est l'une des conclusions des Assises nationales des conseils départementaux de l'insertion par l'activité économique (CDIAE), organisées le 28 avril 2009 à Paris. Le principe de l'IAE consiste à permettre aux personnes les plus exclues du marché du travail (allocataires du RMI, chômeurs de longue durée) de bénéficier d'un contrat de travail en vue de faciliter leur insertion sociale et professionnelle. Ces personnes sont ainsi orientées vers des structures spécifiques (entreprises d'insertion, associations intermédiaires, entreprises de travail temporaire d'insertion, ateliers et chantiers d'insertion) dont l'activité est l'insertion sociale et professionnelle, et qui ont signé une convention avec l'Etat. L'orientation vers ces structures conventionnées repose sur un diagnostic élaboré sous la responsabilité de Pôle emploi, mais auquel peuvent aussi participer d'autres acteurs, comme les services sociaux du conseil général, les associations spécialisées ou encore les missions locales. Objectif du parcours d'insertion : permettre aux salariés en insertion d'acquérir de nouvelles compétences et de sortir de la spirale de l'exclusion. Aujourd'hui 5.300 structures de ce type existent, qui accueillent chaque année 250.000 salariés en insertion.

 

Des "défricheurs d'activités nouvelles"

Pourtant, l'IAE tarde encore à être connue, comme le montre une étude présentée à l'occasion de l'événement, réalisée en avril 2009 par Opinionway pour le compte de l'Avise (Agence de valorisation des initiatives socio-économiques) et menée auprès des entrepreneurs qui ont recours à ce secteur. Au départ, les entrepreneurs ont une vision partielle du secteur qui leur paraît flou, complexe et peu fiable. Les acteurs de l'IAE sont perçus comme des "utopistes". Mais une fois le partenariat engagé, cette image se modifie. "Pour moi ce sont comme des partenaires efficaces", indique ainsi un entrepreneur, "c'est un métier à part entière, qui a vraiment son utilité sociale", dit un autre. Les entrepreneurs apprécient notamment la proximité des structures due à leur implantation locale. "On a affaire à de grands professionnels et des défricheurs d'activités nouvelles, a assuré Annie Thomas, secrétaire nationale de la CFDT, lors des assises. Lorsqu'on les connaît, les représentations tombent et cet aspect novateur apparaît." Preuve que les mentalités commencent "à bouger", estime Claude Alphandéry, président du Conseil national de l'insertion par l'activité économique (CNIAE) : "On a changé de cap, on en est à la coopération", même si le secteur souffre encore d'un manque de communication.

Les assises ont également été l'occasion de définir le rôle des CDIAE et de constater les premières avancées obtenues depuis le Grenelle de l'insertion. Ces structures, placées sous l'égide du préfet, sont chargées localement de relayer l'action du CNIAE. Elles réunissent au sein d'une même instance les financeurs de l'IAE : l'Etat, les collectivités, notamment les départements, les partenaires sociaux, les représentants des structures de l'IAE et Pôle emploi. Premier constat : une certaine hétérogénéité de ces structures. "Il y a un besoin de rendre les choses plus homogènes sur les territoires, a ainsi souligné Bruno Lucas, directeur général adjoint de Pôle emploi, on donne des règles communes mais il y a un travail nécessaire entre les partenaires pour ajuster leur collaboration." Autre problème pointé du doigt, notamment par les partenaires sociaux : le côté technocrate de ces instances. "Nos responsables locaux souhaitent que ce soit des lieux d'action mais ils restent très administratifs", a ainsi affirmé Annie Thomas, qui estime également qu'un échelon régional, capable de créer une forme de coordination régionale sur un territoire, serait utile.

Une rentabilité en question

Le plan de modernisation de l'IAE, qui a été présenté en juillet 2008 dans le cadre du Grenelle de l'insertion, a toutefois permis de redynamiser ces conseils départementaux. "Ce qui me frappe c'est le nombre de personnes qui y travaillent, environ 2.500 personnes, et que ces structures existent toujours, a ainsi précisé Olivier Wickers, sous-directeur de l'insertion et de la cohésion sociale de la DGEFP, ce ne sont plus des 'machins' mais des lieux où s'élaborent des stratégies partagées." Dans la foulée du Grenelle, sept séminaires interrégionaux des CDIAE ont été organisés d'octobre à fin novembre 2008 pour contribuer à la réflexion et à la mobilisation de tous les acteurs pour faire de ces CDIAE "une véritable instance de pilotage de l'offre d'insertion, de renforcement des dynamiques territoriales et de construction d'un secteur de l'IAE plus efficace et mieux reconnu". "On a besoin de s'articuler avec d'autres partenaires, les collectivités en premier lieu, conseils régionaux et généraux, les CDIAE doivent avoir cette vocation", a détaillé Olivier Wickers. Et les avancées seront examinées à la loupe par le comité de suivi qui est mis en place au niveau du bureau du CNIAE.

Au-delà de ces évolutions à venir, reste une question d'importance : la rentabilité de l'IAE. Certaines études régionales, menées notamment dans les régions Pays-de-la-Loire, Aquitaine, Provence-Alpes-Côte d'Azur et Franche-Comté, montrent que le coût est "négatif". "Cela ne coûte rien à l'Etat", a ainsi assuré Claude Alphandéry en s'appuyant sur les résultats de ces études. Mais malgré ces analyses, l'IAE reste un investissement lourd, une charge importante. "L'investissement dans une région, dans un territoire c'est beaucoup d'autres choses que l'investissement financier : il y aura moins de violence s'il y plus de cohésion sociale, moins de maladie si l'investissement est durable, etc., a expliqué le président du CNIAE, il faudrait pourvoir comptabiliser ces investissements."

Emilie Zapalski