Développement local - L'économie sociale face à une baisse des financements publics
L'économie sociale et solidaire est "un levier pour sortir par le haut de la crise". Voilà la conviction de Claude Alphandéry, président d'honneur de France Active, qui présentait le 29 octobre à Paris le "Mois de l'économie sociale et solidaire". Les quelque 1.100 événements prévus en novembre à travers le pays devraient, selon lui, montrer comment ce secteur répond à l'actuelle crise financière, économique, sociale - "une crise de civilisation, qui appelle un projet de civilisation". Par principe, les associations, coopératives, mutuelles, fondations et autres entreprises solidaires mettent en effet l'humain, plutôt que le profit, au centre de leurs préoccupations. Elles oeuvrent ainsi à "la transformation profonde du système économique", voulue par "une grande partie des citoyens", a souligné Claude Alphandéry.
Néanmoins, les acteurs de l'économie sociale n'ont eux-mêmes pas échappé à la crise. En 2006, le secteur avait vu ses emplois progresser de 13,5% en cinq ans - contre 5,5% dans le privé, et 10,7% dans le public. Il fait aujourd'hui travailler plus de 2 millions de Français, soit 1 salarié sur 10. Mais ses quelque 200.000 entreprises, "dès lors qu'elles sont dans l'économie globalisée, subissent aussi les répercussions de la crise", reconnaît Yannick Barbançon, président de la Conférence nationale de chambres régionales de l'économie sociale (CNCRES), à l'initiative du Mois de l'économie sociale et solidaire. Elles constituent toutefois, selon lui, des "amortisseurs", car "elles sont implantées dans leurs territoires, sur des activités non-délocalisables pour la plupart, et centrées sur les besoins essentiels de la population".
Baisse des financements publics
Il reste que les 173.000 associations employeuses de France, pour leur part, dépendent souvent de financements publics. Qu'ils proviennent de l'Etat (pour 14,7%), des communes (13,3%) ou encore des départements (11,5%), ceux-ci représentent 56,2% de leurs budgets, d'après une enquête de la chercheuse Viviane Tchernonog, publiée en 2007. Or, cette année encore, certains de ces financements ont connu "des baisses extrêmement sensibles", selon Yannick Barbançon, "avec des crédits divisés par deux, ou même supprimés sans préavis". Pour Claude Alphandéry, cette baisse des soutiens publics risque même de s'accentuer, puisque "l'Etat confie des compétences aux collectivités, tout en les privant de ressources", ce qui lui fait craindre "l'abandon de la politique de décentralisation".
Au sein de l'économie solidaire, les entreprises d'insertion partagent ces difficultés. "Nous n'arrivons pas à nous faire entendre sur la nécessaire revalorisation de l'aide aux postes, qui n'a pas été revalorisée depuis dix ans", explique Laurent Laik, président du Comité national des entreprises d'insertion, qui ouvrait son université d'automne le 29 octobre à Saint-Denis. Cette aide aux postes permet pourtant de financer l'accompagnement vers l'emploi des personnes en insertion et de compenser leur faible productivité et le surcoût de leur encadrement. Quant aux financements sur projets que peuvent verser les collectivités locales, ils "ont tendance à baisser en pourcentage, en euros constants, et même en valeur absolue", ajoute Laurent Laik. En 2008, malgré la crise, la moitié des salariés ayant quitté une entreprise d'insertion avaient pourtant pu trouver un emploi (pour 36,6%), une formation (7%) ou un autre dispositif d'insertion (7%).
Enfin, globalement, "le montant des crédits de l'Etat spécifiquement alloués à l'économie sociale et solidaire a été divisé par 2,5 ces trois dernières années", selon Yannick Barbançon. Dès 2010, la Diieses (Délégation interministérielle à l'innovation, à l'expérimentation sociale et à l'économie sociale) doit même être fondue dans une délégation plus large…
Pour autant, les aides publiques ne sont pas toujours vitales pour l'économie sociale et solidaire. Coopératives, entreprises de commerce équitable, ONG ou acteurs du tourisme solidaire peuvent demeurer indépendants de ces financements. L'important, pour Yannick Barbançon, est que les pouvoirs publics "laissent vivre" l'économie sociale et solidaire. La mission sur le développement de l'économie sociale, donnée par François Fillon, le 2 octobre, au député Francis Vercamer, lui inspire donc une "attente importante". Mais le président de la CNCRES avertit : le secteur ne doit pas être résumé à "une pompe à créations d'emplois". Si les entreprises solidaires veulent rendre l'économie plus humaine, elles ne souhaitent pas vraiment être les pansements du système actuel.
Olivier Bonnin
L'économie sociale en chiffres
- Plus de 200.000 établissements employeurs, soit 9% des entreprises en France.
- Plus de 2 millions de salariés, soit près de 10% des salariés en France. Le secteur représente 90% des services, à la personne, 80% des agriculteurs pour 30% du marché agroalimentaire. 25% de la distribution et 60% des dépôts bancaires dépendent de l'économie sociale et solidaire.
- Un taux de croissance des emplois de 13,5% entre 2001 et 2006 contre des taux de 5,5% dans le privé et 10,7% dans le public.
- Une source d'emploi importante dans le social, les activités financières, le sport, la culture, l'éducation avec plus de 25% des actifs qui auront cessé leur activité d'ici à 2020.
(source CNCRES)