Quand la politique de la ville contribue à l'évitement scolaire dans les collèges publics

Une note de l'Institut des politiques publiques met en évidence un phénomène d'évitement scolaire, ainsi que de baisse des résultats au Brevet, dans les collèges publics des quartiers entrés dans le périmètre de la politique de la ville.

Les collèges publics des quartiers entrés dans le périmètre de la politique de la ville depuis 2014 ont connu une hausse de l'évitement scolaire, selon une note publiée le 16 octobre 2024 par l'Institut des politiques publiques (IPP). Avec la réforme de la géographie prioritaire de 2014 et la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, et sans que la carte scolaire ait été modifiée, certains collèges sont entrés dans le périmètre de la politique de la ville, pendant que d'autres en sortaient. En comparant les collèges des quartiers situés juste au-dessus et au-dessous du seuil d'éligibilité, avant et après la réforme, l'IPP a pu évaluer l'impact de la labellisation du quartier en politique de la ville sur l'évitement scolaire.

"Signal négatif"

Alors que le choix du collège "conditionne très largement les parcours éducatifs et la réussite scolaire ultérieure des élèves", l'IPP souligne que la labellisation prioritaire "peut véhiculer un signal négatif susceptible d'altérer la réputation du collège de secteur". Signal qui peut pousser les parents à éviter un collège, soit en déménageant avant l'entrée en sixième, soit en optant pour un collège privé, soit en demandant une dérogation pour un autre collège public.

La note établit que les collèges publics entrés dans le périmètre de la politique de la ville ont connu une hausse de l'évitement scolaire à l'entrée en sixième de 3,5% en moyenne par rapport aux collèges du "groupe de contrôle", localisés dans des quartiers situés juste au-dessus du seuil d'éligibilité. "La cohorte moyenne des [classes de] sixième avoisinant les 180 élèves dans les collèges publics des nouveaux quartiers labellisés, cela correspond à une perte de six élèves par établissement", précise l'IPP. Autre donnée intéressante : cet évitement scolaire a été immédiat et a persisté jusqu'à cinq ans après la réforme de la géographie prioritaire.

Éviter le collège, pas le quartier

S'il a concerné toutes les familles, l'évitement s'est traduit différemment selon les catégories socioprofessionnelles. Alors que les plus favorisées s'orientaient davantage vers les collèges privés, les catégories défavorisées se sont plus souvent reportées vers les collèges publics hors périmètre de la politique de la ville (+4,8%).

L'IPP relève toutefois que "les parents des élèves scolarisés depuis plusieurs années au sein de l'enseignement secondaire, et donc plus à même de connaître la qualité des établissements dans lesquels sont inscrits leurs enfants, n'ont pas réagi à la réforme". 

Par ailleurs, "la hausse de l'évitement scolaire des collèges publics des nouveaux quartiers prioritaires n'est pas liée à une diminution du nombre d'élèves résidant dans les secteurs scolaires affectés par la réforme de la géographie prioritaire", assure l'IPP. Autrement dit, les familles ont évité leur collège de secteur sans pour autant quitter leur quartier.

Pas d'attractivité pour les collèges sortis du zonage

Côté performances scolaires, la note rend compte d'une légère diminution des résultats au Brevet des collèges pour la première cohorte des élèves de sixième affectée par la réforme. Ce qui suggère que "les élèves ayant fait le choix de l'évitement étaient en moyenne d'un niveau scolaire légèrement supérieur". Mais aussi que, pour les élèves restés dans le collège de secteur, "cet effet de recomposition a supplanté à court terme l'effet positif des politiques de soutien à la réussite scolaire" engagées dans les nouveaux quartiers prioritaires.

Dernier enseignement de la note : les collèges publics des quartiers sortis de la géographie prioritaire n'ont connu aucun regain après la réforme, ce qui pourrait traduire "l'existence d'effets de cliquet dans les mécanismes de réputation" qui donne au phénomène d'évitement scolaire un caractère "difficilement réversible", conclut l'IPP, qui prône "un ciblage direct des élèves en difficulté, plutôt que des quartiers et de leurs établissements scolaires".