Qualité et complétude de la fibre, le retour du terrain
À l'occasion du Trip d'automne de l'Avicca, les représentants d'opérateurs, de collectivités et de consommateurs ont partagé leur vision de la complétude et de la qualité des raccordements FTTH. Si la situation semble s'améliorer, les problèmes sont encore loin d'être réglés.
C'est sur le thème de "paroles, paroles…", un vieux tube de Dalida, qu'ont été accueillis les participants à la table ronde sur la complétude et la qualité des réseaux FTTH organisée dans le cadre du Trip d'automne de l'Avicca des 26 et 27 novembre 2024. Un message directement adressé aux opérateurs privés accusés de se contenter de beaux discours sur ces deux grains de sable qui grippent l'achèvement du plan France Très haut débit. De fait, ces sujets complétude et qualité sont évoqués depuis plus de 5 ans aux Trip de l'Avicca…
Des consommateurs ballotés d'un interlocuteur à l'autre
Aussi, pour sortir de l'abstraction des plans et pourcentages nationaux, l'association avait convié l'UFC Que Choisir pour porter la voix des consommateurs. À l'unisson des élus, sa présidente, Marie-Amandine Stévenin, a appelé au "respect de l'engagement de la fibre pour tous en 2025 car la fibre est indispensable pour travailler, étudier ou réaliser des démarches administratives". Autrement dit, pas question de laisser tomber les 10% d'habitants qui attendent encore aujourd'hui la fibre.
Les quelque 500 remontées auprès de l'association de consommateurs confirment ensuite ce que rapportent les maires : "maisons oubliées", "clients ballotés" entre l'opérateur d'infrastructure et l'opérateur commercial ou encore des consommateurs en attente d'une solution "depuis plus d'un an". Elle a appelé les acteurs à "plus de transparence", suggérant la mise en place d'un point de contact unique pour résoudre les problèmes des usagers. Elle a aussi fustigé l'idée, lancée dans une table ronde précédente par le président de la Fédération française des télécoms, Nicolas Guérin, d'augmenter le tarif des abonnements sur certaines zones si les RIP s'aventuraient à augmenter les tarifs d'accès à leurs réseaux…
Fortes attentes sur la définition de la complétude
Du côté des opérateurs, on a entendu des refrains connus sur les difficultés de raccordement imputables au veto d'un architecte des bâtiments de France, le coût "exorbitant" de certains raccordements, tels ce pavillon de chasse ou ce restaurant "ouvert deux mois par an", chiffrés à plus de 100.000 euros, ou encore de zones inondables où la fibre "ne serait pas adaptée". Les représentants des collectivités n'ont cependant pas manqué de leur rappeler que le sujet de la complétude concernait aujourd'hui surtout des zones urbaines denses avec des taux inférieurs à 90% quand 45 départements affichaient une couverture proche des 100%…
Collectivités et opérateurs se rejoignent néanmoins pour saluer la consultation de l'Arcep (voir notre article du 15 novembre 2024) sur la complétude des réseaux FTTH, sujet devenu critique avec l'arrêt programmé du cuivre. L'occasion de préciser des notions telles que "le refus de tiers" justifiant qu'un opérateur ne déploie pas le réseau et de définir des exceptions "raisonnables" à la complétude. Parallèlement, le financement de 16 millions d'euros des raccordements en partie privative prévu par le projet de loi de finances devrait aider à documenter et quantifier le nombre de raccordements complexes (notre article du 8 novembre 2024).
Le long chemin de la conformité
Sur la qualité des raccordements, Valérie Nouvel, représentante de l'ADF, a déploré le "décalage important entre le discours des opérateurs et la réalité vécue par les territoires", contestant la pertinence des indicateurs de l'Arcep. La vice-présidente de la Manche a souligné que de nombreux départements avaient dû "embaucher du personnel et financer des audits", les collectivités devant "se substituer aux opérateurs" pour régler les problèmes, ce qui représente "un report de charge". Bouygues Telecom et Orange Concessions – on notera que les élèves les moins bien notés par l'Arcep dans son observatoire de la qualité FTTH, SFR et Free, n'étaient pas présents – ont cherché à prouver que la situation s'améliore. Jean-Germain Breton, président d'Orange Concessions, a évoqué sur ses RIP 35.000 audits de raccordements en 2024 (contre 23.000 en 2023) portant sur 10% des prises. Bilan : 70-80% montrent des non-conformités, ce taux baissant à 35-40% après 18-24 mois. Un chiffre élevé sur lequel il ne faut pas se méprendre selon lui, car "conformité ne veut pas dire nécessairement dysfonctionnement". Autrement dit, il peut concerner des étiquetages incorrects ou encore une armoire mal rangée sans provoquer de coupure. Hervé de Tournadre, de Bouygues Telecom, a de son côté souligné "l'amélioration des indicateurs de qualité de l'Arcep et la dynamique en cours". Il a également annoncé que l'application e-intervention déployée par la filière alerterait bientôt un technicien avant qu'il ne quitte le répartiteur s'il déconnecte par mégarde un client.
UFC-Que Choisir confirme de son côté la diminution des problèmes de déconnexions intempestives liées aux interventions sur les points de mutualisation. L'association relève néanmoins la persistance de problèmes de sous-traitance, de rendez-vous non honorés et d'abonnés facturés alors même que le raccordement effectif n'est pas réalisé.
De quoi conforter le président de l'Avicca, Patrick Chaize, dans sa volonté de voir sa proposition de loi sur la qualité des réseaux aller jusqu'au bout de son parcours parlementaire (voir notre article du 3 mai 2023). On rappellera que le texte, adopté par le Sénat lors de la précédente mandature, a fait l'objet d'un nouveau dépôt, sans modification, sur le bureau de l'Assemblée nationale. Il n'y a cependant toujours pas de date pour sa discussion.
› Le ministre de l'Industrie joue la continuitéMarc Ferracci, ministre de l'Industrie qui a hérité du portefeuille télécom, est resté dans la droite ligne de ses prédécesseurs sur les sujets de complétude et de qualité de la fibre. Il a affirmé que les engagements d'Orange (annoncés en 2023) sur la complétude des zones Amii, soit la construction d'ici 2026 d'1,2 million de prises dans les zones urbaines, seraient "tenus". "Le rattrapage" des déploiements d'Orange sur 55 EPCI serait quant à lui d'ores et déjà "réalisé". Sur la qualité, il s'est contenté de rappeler les "améliorations" constatées par l'Arcep à l'issue du plan qualité, négocié par l'État en 2022. Quant au cuivre, le ministre s'est borné à rappeler les outils de communication en place (site internet, comités…) et l'élargissement du guichet cohésion numérique au financement des raccordements en zone privée. Ce n'est pas tout à fait la "vision stratégique" qu'attendait le président de l'Avicca, Patrick Chaize, en accueillant le ministre. |