Couverture FTTH : un début de réponse pour les raccordements complexes

La loi de finances pour 2025 intègre un amorçage expérimental du financement des raccordements complexes. Cette insertion fait suite à un rapport du Conseil général de l'économie qui a évalué le coût de ces raccordements à plus de un milliard d'euros. Un milliard de plus à trouver alors que l'État peine à solder ses engagements au titre du plan THD initial.

Le projet de loi de finances pour 2025 a inscrit 16,1 millions d'euros au titre d'une "expérimentation", menée sur deux ans, destinée à "évaluer le coût des raccordements complexes dans le domaine privé". Cette amorce fait suite à un rapport du Conseil général de l'économie (CGE), daté d'avril 2024 et rendu public le 5 novembre.

1,1 à 1,8 million de prises complexes

Le CGE évalue le nombre de raccordements complexes à une fourchette comprise entre 1,1 et 1,8 million de prises. Ces raccordements complexes sont définis par les auteurs comme "les raccordements finaux nécessitant la création ou la mise à niveau des infrastructures mobilisables, ou présentant des difficultés à les mobiliser". D'un point de vue opérationnel, cependant, les opérateurs estiment qu'il s'agit de tous les raccordements ayant échoué lors d'une première tentative en raison d'une difficulté technique à installer la fibre : génie civil absent, endommagé ou inaccessible.

La réalisation de ces raccordements représente, en fonction des hypothèses retenues, un budget allant de 640 millions à 1,05 milliard d'euros. Dans le détail, 50% des prises exigent des travaux légers (moins de 200 euros), 47% des travaux modérés (aux alentours de 900 euros), et 3% des travaux lourds (plus de 2.000 euros). La mission souligne que ces chiffres restent approximatifs et qu'il conviendrait de mettre en place un suivi plus rigoureux des raccordements complexes via un dispositif de remontée d'informations impliquant des collectivités volontaires. L'Arcep pourrait superviser ce suivi pour s'assurer de données précises sur la nature et le coût des raccordements restants.

Aide aux particuliers indispensable

La majeure partie des raccordements complexes concerne la partie privative des propriétés. Or les particuliers sont réticents à les prendre en charge, et notamment les foyers les plus modestes. Cette réticence, qui menace le calendrier d'arrêt du réseau cuivre, a conduit le CGE à préconiser une aide de l'État, depuis concrétisée par la loi de finances. Il reste que les 16 millions d'euros inscrits ne suffiront pas. Cette aide est du reste aujourd'hui fléchée vers les communes des premiers lots concernés par l'arrêt du cuivre. Pour solder la facture, le rapport préconise que les raccordements inférieurs à 200 euros soient pris en charge par les opérateurs. Il est aussi souligné que les réseaux d'initiative publique – certains apportent déjà des aides - y ont intérêt dans la mesure où ces prises amènent de nouveaux abonnés. Enfin, le rapport estime que pour les raccordements les plus coûteux, il faudra arbitrer entre la fibre et des alternatives sans fil. En d'autres termes, si l'État n'aide pas, c'est l'idée même de la fibre pour tous qui pourrait être remise en cause.

Le financement du plan THD remis en cause

La publication de ces chiffres intervient alors que les financements du plan THD sont revus à la baisse. Pour mémoire, après une réduction des crédits de paiement de 25% en février dernier, la loi de finances pour 2025 prévoit un nouveau coup de rabot. Le montant des crédits de paiement passe de 464 à 247 millions d'euros et les nouveaux engagements (essentiellement Mayotte) chutent à 47 millions contre 96 millions d'euros en 2024. À l'occasion d'une audition au Sénat, le 6 novembre, Zacharia Alahyane, directeur des programmes France mobile et France très haut débit de l'ANCT s'est cependant voulu rassurant. "L'État tiendra ses engagements. Pour 2024 on va répondre à toutes les demandes de paiement", a-t-il affirmé. Pour 2025, il a consenti que "ce serait plus compliqué", les 247 millions d'euros de la loi de finances ne couvrant pas la totalité des crédits de paiement appelés par les collectivités. L'ANCT est cependant en train de regarder les dossiers pour départir les projets totalement achevés de ceux qui ne le sont pas et tenter de dégager un peu de marge de manœuvre… "Si ce n'est pas le cas, ce sera aux collectivités d'assurer la trésorerie en les contraignant à s'endetter", a déploré le sénateur et président de l'Avicca, Patrick Chaize.

› Qualité des raccordements : la proposition de loi Chaize de retour 

Patrick Chaize s'est réjoui que sa proposition de loi visant à assurer la qualité et la pérennité des réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique, restée en carafe après la dissolution, ait été reprise "sans modification d'une virgule" par le député Jean-Louis Thiériot, devenu depuis secrétaire d'État aux anciens combattants. Cette proposition de loi, déposée le 15 octobre 2024, devra maintenant être inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée avant de repasser au Sénat.

On rappellera que le texte initial, adopté à l'unanimité par les sénateurs lors de la dernière législature (notre article du 3 mai 2024), n'a pas eu le soutien du précédent gouvernement. Celui-ci lui avait préféré un plan qualité fibre, négocié en septembre 2022 avec les opérateurs et industriels. Constitué d'un volet organisationnel (limitation à deux niveaux de sous-traitance, compte-rendu photo, formation…) et d'un volet reprise des réseaux accidentogènes, il ne remet pas en cause la sous-traitance des raccordements aux opérateurs commerciaux (mode Stoc) contestée par les élus. 
Devant les sénateurs, la présidente de l'Arcep, Laure de La Raudière, a affirmé que les derniers chiffres de l'observatoire de la qualité des réseaux fibre (à paraître) montraient une "réelle amélioration". L'autorité a promis par ailleurs de produire un nouvel indicateur, le taux de non-conformité des raccordements, sans préciser quand ces chiffres destinés à évaluer l'impact du mode Stoc seront publiés.