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Qualité de l'air : les sénateurs restent prudents sur l'efficacité des feuilles de route gouvernementales

Les feuilles de route gouvernementales de lutte contre la pollution de l'air sont-elles à la hauteur des enjeux ? Lancées dans les territoires concernés par l'injonction de Bruxelles sur les dépassements des normes de qualité de l'air fixées par le droit européen, un rapport sénatorial adopté le 11 avril dresse de cet exercice un bilan très mitigé.

Un rapport d'information de la sénatrice de la Seine-Maritime Nelly Tocqueville, adopté le 11 avril par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, revient sur l'intérêt et éclaire l'avancement des travaux sur la qualité de l'air lancés l'été dernier par l'État et des collectivités territoriales. C'est au lendemain d'une injonction du Conseil d'État (voir notre article dans l'édition du 12 juillet 2017) qui pressait le gouvernement d'élaborer des plans d'actions pour abaisser les concentrations de polluants dans quatorze zones concernées qu'est née une démarche partenariale. Les zones concernées sont réparties dans six régions : Auvergne-Rhône Alpes, Grand Est, Île-de-France, Martinique, Occitanie et Provence-Alpes-Côte d'Azur. En optant pour cette méthode, la démarche gouvernementale a eu le mérite de mobiliser les collectivités autour de cet enjeu en "centrant les feuilles de route sur les actions locales mises en œuvre pour réduire les émissions polluantes". L'exercice a aussi aidé à mettre en lumière "l'existence de disparités importantes entre les régions en termes de prise de conscience de la nécessité d'agir pour réduire la pollution de l'air, et d'actions mises en œuvre en ce sens".

Une efficacité à démontrer

Élaborées par les préfets de ces régions, ces feuilles de route se présentent comme des plans d'actions visant à ramener les concentrations sous leurs valeurs limites d'ici le 31 mars 2018. Ils ont aussi vocation à être transmis à la Commission européenne. Le calendrier est tenu puisqu'ils ont été présentés devant le Conseil national de l'air le 20 mars dernier. Mais la précipitation pour les réaliser se ressent. La sénatrice estime que, faute de temps, les mesures qu'ils contiennent "n'ont guère pu être modélisées ni quantifiées". Que leur efficacité reste "à démontrer". Qu'en l'absence d'évaluation, "il est difficile de savoir si elles auront un effet suffisant pour convaincre la Commission européenne de ne pas engager de procédure contentieuse contre la France". Et qu'elles sont, en outre, "très hétérogènes, en termes d'objet, de calendrier de mise en œuvre, de portée" et qu'elles se limitent dans la plupart des cas à agréger un certain nombre d'actions déjà engagées ou envisagées par les collectivités.

Le cas francilien

C'est par exemple le cas en région Île-de-France, où la feuille de route n'a pas consisté à "définir de nouvelles mesures mais est venue agréger un certain nombre d'actions déjà engagées par les collectivités et retracées dans leurs propres documents stratégiques, comme le plan régional pour la qualité de l'air 2016-2021 de la région ou le plan climat de la métropole". Une idée au caractère structurant sort néanmoins du lot : l'idée de renforcer la zone à circulation restreinte (ZCR). Une ZCR a été mise en place en 2016 à Paris. La métropole du Grand Paris étudie la possibilité d'une extension aux communes situées à l'intérieur du périmètre de l'autoroute A86 (80 communes). Date de mise en place évoquée : janvier 2019. Les études préparatoires sont lancées. Un comité de pilotage a été mis en place. "Mais une telle extension poserait la question de l'harmonisation avec les restrictions prévues par la ZCR parisienne puisque celle-ci doit être durcie en 2019. Il paraît indispensable que la mairie de Paris et les autres communes concernées travaillent de concert pour prévoir une adéquation entre leurs ZCR respectives", prescrit la sénatrice.

Lisibilité de l'action publique

Ce rapport souligne également une autre lacune : le statut de ces feuilles de route "qui n'ont pas, à proprement parler, d'existence juridique, s'apparentent à du droit souple et dont la portée normative n'est pas assurée". Et d'ajouter qu'elles s'insèrent dans un paysage "déjà dense et complexe de documents de planification relatifs à la qualité de l'air", notamment avec les plans de protections de l'atmosphère (PPA) qui nécessitent pour être élaborés de concerter bien plus d'acteurs notamment économiques ou agricoles. "Cela pose un problème de lisibilité de l'action publique". Enfin, les feuilles de route doivent impérativement se traduire par des mesures concrètes et faire l'objet d'un suivi régulier. "Leur élaboration ne doit pas être conçue comme la conclusion d'une procédure contentieuse mais comme une étape pour améliorer durablement la qualité de l'air. Le risque serait d'en faire un exercice ponctuel et formel, en réaction à un risque contentieux et dépourvu de suites concrètes. Il est donc indispensable de mettre en place un suivi rigoureux et régulier de la mise en œuvre des mesures, aussi bien au niveau local qu'au plan national", conclut ce rapport ajoutant que "l'hypothèse d'une condamnation de la France n'est donc pas exclue, la Commission européenne ayant indiqué qu'elle prendrait la décision de saisir ou non la Cour de Justice d'ici la fin du mois d'avril".

 

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