Lutte contre la pollution de l'air - Un rapport sénatorial déplore un accompagnement insuffisant des collectivités
La lutte contre la pollution de l'air pâtit en France d'un manque de vision stratégique et d'un accompagnement insuffisant des collectivités, a pointé Jean-François Husson, auteur d'un rapport sénatorial sur l'application du droit environnemental européen publié le 7 juillet.
Les risques budgétaires encourus par la France au titre des contentieux européens environnementaux sont à ce jour relativement faibles. Néanmoins, plusieurs dossiers ouverts contre la France pourraient, à l’avenir, faire peser des risques de sanctions pécuniaires, notamment les deux procédures relatives à la qualité de l’air, constate Jean-François Husson, sénateur LR de Meurthe-et-Moselle, dans son rapport sur l’application du droit environnemental européen, publié ce 7 juillet.
Selon Jean-François Husson, la lutte contre la pollution de l'air "illustre les difficultés à appliquer une directive environnementale sur le terrain". "La qualité de l'air fait aujourd'hui l'objet d'une réelle ambition politique, pénalisée cependant par l'absence de vision stratégique. De plus, une gouvernance complexe, résultant d'une multiplicité d'outils de planification, s'ajoute à des financements insuffisants, freinant une mise en oeuvre effective de la directive européenne sur l'air sur le terrain", a déclaré le sénateur en présentant ce "rapport d'information" à la commission des finances de la Haute Assemblée.
Risque d'amendes importantes
L'environnement reste la principale source de contentieux européens, a-t-il rappelé. Pour la France, 18% des nouvelles plaintes enregistrées par la Commission européenne concernaient ce secteur. Le sénateur note que la situation s'est améliorée pour de nombreux dossiers tels que les eaux résiduaires urbaines et les nitrates.
Mais quatre procédures continuent à faire peser des risques de sanctions sur l’Hexagone : celle relative au braconnage du Bruant ortolan, le dossier relatif aux plans de gestion des déchets, ainsi que les deux procédures sur la qualité de l'air. L'une concerne les dépassements des valeurs limites de particules (PM10) et l'autre ceux de dioxyde d'azote (NO2). D'après la Cour des comptes, le montant de l'amende pour le seul contentieux "particules" pourrait s'élever à plus de 100 millions d'euros la première année, puis 90 millions par an les années suivantes, tant que des dépassements seront observés, souligne le rapporteur.
Il rappelle aussi que depuis la loi Notre, les collectivités territoriales sont "coresponsables politiquement et financièrement avec l’Etat en cas de procédures contentieuses européennes liées à l’inexécution d’obligations relevant en tout ou partie de leur compétence".
Outils de pilotage "peu coordonnés", financements "éclatés"
Pour Jean-François Husson, en matière de qualité de l’air, la difficulté de mise en œuvre de la directive s’explique par le retard pris dans les mesures de planification nationale – plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques (Prepa) – et d’une "faible visibilité en matière de fiscalité énergétique". Mais il pointe surtout la multiplicité d’outils de pilotage, "peu coordonnés" - plan climat air-énergie territorial (PCAET), Schéma régional sur l’air, le climat et l’énergie (SRCAE), Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet), plan de protection de l’atmosphère (PPA) - et des "financements éclatés, voire insuffisants et alloués sans offrir de visibilité aux collectivités locales sur les montants finaux". Il reproche ainsi à l’Etat "un accompagnement imparfait" des collectivités, alors qu’elles sont largement chargées d'appliquer les mesures pour l'air (par exemple, l’instauration de zones de circulation restreinte en ville).
"La place des collectivités territoriales doit être confortée tout au long de l'élaboration de la norme européenne environnementale, depuis sa négociation jusqu'à son adoption", ajoute le rapporteur. "Au niveau local", il faudrait, selon lui, des "instances de pilotage" pour approfondir la relation partenariale État-collectivités, et au niveau central "décloisonner" les dossiers environnementaux pour en faire un sujet inter-ministériel. "Une étroite collaboration" est ainsi attendue entre le ministère de Nicolas Hulot, et les ministères de la Santé et de l'Agriculture.